Chronobiologie et alimentation : Les liens essentiels pour la santé

La chronobiologie est l’étude des rythmes biologiques de l’organisme. La chronobiologie alimentaire, elle, est l’étude de l’interaction entre nos rythmes et notre alimentation. À l’intersection des sciences de la nutrition et de la chronobiologie, la chrononutrition s’intéresse aux effets des rythmes alimentaires sur la santé. Ainsi, quand les études de nutrition ont analysé pendant plusieurs décennies les effets de la quantité et de la qualité de nos consommations, la chrononutrition cherche plus spécifiquement à caractériser les effets des horaires des repas, de la fréquence des prises alimentaires ou encore des périodes de jeûne sur le métabolisme et la santé.

En France, les travaux du Dr Rapin font référence. Il est notamment le créateur du diplôme universitaire (DU) Alimentation-santé et micronutrition à Dijon. Tout au long de son parcours, il étudie l’interaction entre les facteurs environnementaux (exposition à la lumière, cycle jour/nuit, saisons), les facteurs sociétaux (horaires des repas, de veille et de sommeil) et les régimes alimentaires. Sa conclusion est sans appel : le non-respect du biorythme impacte la santé physique, mentale et émotionnelle.

L'importance du respect du biorythme

L’heure à laquelle nous décidons de manger certains aliments favorise et entretient des problèmes d'obésité, de diabète ou déséquilibre le microbiote intestinal. La chronobiologie alimentaire enseigne comment adapter son alimentation en fonction de l’heure de la sécrétion des enzymes digestives et des pics de sécrétion d’insuline : 8 h, 12 h, 16 h, 20 h. Respecter, par exemple, les pics d’insuline permet de brûler le sucre ingéré et de le transformer en énergie au lieu de le stocker sous forme de graisse.

Autre astuce à connaître : les poissons gras, riches en oméga-3, ont le pouvoir de régénérer les cellules. Suivre ce mode alimentaire a un impact considérable sur les problèmes d’obésité, mais aussi sur les troubles anxieux, la fatigue nerveuse et les insomnies. Les sportifs, eux, apprécient cette méthode pour contrôler la puissance musculaire et booster leurs performances sportives.

La manière la plus appropriée de changer son alimentation est de consulter un spécialiste formé en chronobiologie alimentaire. Il a les connaissances et le savoir-faire nécessaires pour proposer un accompagnement adapté à la singularité physiologique et psychologique de ses clients. Il accompagne la personne à la fois à intégrer de nouvelles habitudes sans créer de carences et à traverser ce processus de changement. En effet, ancrer de nouveaux comportements alimentaires demande de sortir de sa zone de confort et nécessite un soutien par un professionnel. Il n’est pas facile d’ajuster les nouvelles habitudes aux contraintes sociétales et environnementales qui éloignent clairement du rythme biologique des individus. S’engager sur ce chemin requiert, à n’en pas douter, du courage, de la volonté, et nécessite des efforts, mais la récompense est bien réelle et va au-delà de nos espérances.

Les dernières publications et études

Horaires des repas, durée du jeûne… les études, revues et rapports d’expertises analysant les effets du rythme des prises alimentaires sur la santé se multiplient. En mars 2023, une étude menée sur la cohorte NutriNet-Santé par l’équipe de Bernard Srour, montrait que prendre ses repas tôt (aussi bien le matin que le soir) est associé à un risque réduit de maladies cardiovasculaires ; une durée plus étendue du jeûne nocturne allait quant à elle de pair avec un moindre risque d’accidents cérébro-vasculaires.

Un an plus tard, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) publie le résultat de son expertise sur les effets de la répartition temporelle des prises alimentaires sur la santé. Ses conclusions ? Malgré le manque global d’études robustes, il pourrait exister un lien entre un apport énergétique élevé dans la soirée et une augmentation du risque d’obésité. Derrière ces deux publications, deux concepts apparaissent en filigrane : l’importance de la durée du jeûne nocturne d’une part, l’existence possible de fenêtres d’alimentation plus ou moins propices à la santé d’autre part.

Ces deux concepts se retrouvent réunis dans la notion d’alimentation restreinte dans le temps, ou time-restricted eating (TRE), une forme de jeûne intermittent qui a émergé comme une stratégie d’alimentation populaire ces dernières années. Ainsi, la pratique du TRE consiste à limiter la fenêtre d’alimentation à un nombre d’heures déterminé par jour (par ex., de 12h à 19h) et à jeûner le reste du temps. Une revue systématique qui vient de paraître sur le sujet apportent quelques éclairages intéressants.

Elle montre que la mise en place d’une alimentation TRE associée à de l’exercice physique, sur des durées allant de 4 semaines à 12 mois, réduit le poids corporel et la masse grasse par rapport à une alimentation témoin sans restriction horaire associée à de l’exercice physique. Les différences observées sont de l’ordre de - 1 à - 2 kg en moyenne, et le niveau de preuve est jugé modéré.

Des analyses complémentaires révèlent toutefois que parmi les régimes TRE, seuls ceux contrôlés en calories produisent des effets, alors que les régimes TRE « ad libitum » ne se démarquent pas des régimes témoins. Autrement dit, les effets métaboliques observés pourraient davantage tenir à la réduction des calories ingérées qu’à la temporalité des apports alimentaires.

Chronobiologie et rythmes biologiques

La rythmicité est la propriété fondamentale de tous les organismes vivants. Ainsi les secrétions hormonales et enzymatiques en lien à la gestion des nutriments présentent des pics et des creux en fonction du moment de la journée et donc une fonctionnalité exprimée ou réprimée. Dans la journée nous sommes sur un métabolisme à tendance énergétique alors que la nuit l’orientation est plutôt vers la réparation et multiplication cellulaire.

En mars 2024, l'ANSES (Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l'Alimentation, de l'Environnement et du Travail) sortait un rapport très intéressant : "Dans le prolongement de ses travaux sur les repères alimentaires du PNNS (Programme National Nutrition Santé), elle a souhaité approfondir les effets sur la santé de la répartition des prises alimentaires au cours de la journée. Dès que l'on parle de répartition alimentaire optimale, on pense chronobiologie nutritionnelle.

Plus généralement, les données de la recherche montrent que presque toutes les fonctions biologiques sont soumises à ce rythme. Grâce à l’horloge circadienne, la sécrétion de mélatonine débute en fin de journée, le sommeil est profond durant la nuit, la température corporelle est plus basse le matin très tôt et plus élevée pendant la journée, les contractions intestinales diminuent la nuit, l’éveil est maximal du milieu de matinée jusqu’en fin d’après-midi, la mémoire se consolide pendant le sommeil nocturne… Ce rythme circadien est endogène, c’est-à-dire qu’il est généré par l’organisme lui-même.

L'horloge interne : Métronome de l'organisme

C’est une horloge interne, nichée au cœur du cerveau, qui impose le rythme circadien à l’organisme, tel un chef d’orchestre. Toutes les espèces animales et végétales ont leur propre horloge interne, calée sur leur rythme. Chez l’humain, cette horloge se trouve dans l’hypothalamus. Elle est composée de deux noyaux suprachiasmatiques contenant chacun environ 10 000 neurones qui présentent une activité électrique oscillant sur environ 24 heures. Cette activité électrique est contrôlée par l’expression cyclique d’une quinzaine de gènes « horloge ».

L’horloge interne est donc resynchronisée en permanence sur un cycle de 24 heures par des agents extérieurs. Plusieurs synchroniseurs agissent simultanément. Le plus puissant d’entre eux est la lumière. L’activité physique et la température extérieure jouent aussi un rôle, mais leur effet est bien plus modeste.

Chronobiologie et kinésithérapie

La chronobiologie alimentaire s’intéresse à l’influence du régime alimentaire sur la santé et le bien-être. En kinésithérapie, elle peut être utilisée pour identifier les moments où l’ingestion de certains aliments interfèrent avec un traitement ou majorent les symptômes de pathologies chroniques ou aiguës. En effet, la digestion des aliments et l’assimilation des nutriments varient en fonction des moments de la journée.

La chronobiologie alimentaire a été principalement théorisée par le Pr Jean-Robert Rapin, docteur en pharmacie et neurobiologiste. Ses travaux ont montré le lien entre chronobiologie et nutrition et aident à comprendre la rythmicité du métabolisme humain. Ainsi les besoins en nutriments du corps évoluent en fonction des moments de la journée, sous l’effet des hormones et de la production d’enzymes. De ce fait, le respect du biorythme permet d’apporter au corps les nutriments essentiels à sa bonne santé, au même titre que le sommeil. Ingérés au moment opportun, ceux-ci sont assimilés de manière optimale par l’organisme, en évitant les excès et stockages.

L’étude de la chronobiologie alimentaire permet aussi d’analyser l’influence des horaires de prise de repas sur le vieillissement cellulaire et de nombreuses pathologies. Grâce à la régulation et la réorganisation des prises d’aliments dans la journée, il est possible d’améliorer la santé des patients. L’objectif n’est pas de suivre un régime amaigrissant comme l’a développé le Dr Delabos à la suite des travaux du Dr Rapin avec la chrononutrition. Il s’agit plutôt de déterminer, pour chaque patient, de quels nutriments il a besoin et à quel moment de la journée il doit les consommer (matin, midi, soir) et à quels repas (déjeuner, goûter, dîner).

Les kinésithérapeutes assurent un rôle préventif en matière d’alimentation auprès de leurs patients. Ils les informent et les sensibilisent au respect des besoins en nutriments de leur corps. En tant que professionnels de santé, ils ont un rôle éducatif. En particulier, le kinésithérapeute qui intervient auprès des athlètes peut proposer un programme alimentaire sur mesure pour accompagner la performance sportive.

D’une manière générale, le kiné peut impulser un changement alimentaire au bénéfice de la santé de ses patients, quel que soit leur profil. Il agit avec pédagogie et prend le temps d’expliquer à l’appui de preuves scientifiques. En outre, le kinésithérapeute veille à prendre en compte les aspects sociaux, culturels et psychologiques de l’alimentation de chaque patient.

À l’inverse, l’altération de la rythmicité alimentaire peut avoir une incidence sur les fonctions neuropsychiques, modifier l’humeur et le comportement et engendrer du stress. La chronobiologie concerne tout type de patient pour améliorer le bien-être physique. Car elle permet de rendre un traitement plus efficace et durable. Par exemple, elle contribue à préserver le capital osseux et à prévenir l’ostéoporose. Ainsi, l’attention portée à l’apport en calcium, à des moments précis de la journée et associée à d’autres nutriments, aide à conserver des os et des cartilages en bonne santé.

Exemple de menu journalier en chrononutrition

Voyons les aliments à consommer selon le moment de la journée et surtout, un exemple pour chaque repas.

Le petit déjeuner

Le petit déjeuner est le repas le plus important. C’est pourquoi il doit être consistant et riche et gras. On peut consommer :

  • Du fromage
  • Du pain complet
  • Des fruits secs et des oléagineux
  • Des protéines végétales ou animales
  • Une boisson chaude

Le matin, il ne faut pas consommer de sucres trop rapides. On évite donc les fruits ou les aliments trop sucrés tels que les viennoiseries. On peut ainsi se préparer une assiette avec du pain grillé, des œufs sur le plat et du fromage avec un thé ou un café.

Le déjeuner

Le repas du midi doit être complet mais doit être contenu dans une seule assiette. On peut manger :

  • Des féculents (complets de préférence)
  • Des légumes (crus ou cuits)
  • Des protéines (animales ou végétales)

On peut par exemple se préparer une assiette composée de sarrasin, de légumes du soleil poêlés et de poulet braisé. Si l’on est vegan ou végétarien, on remplacera le poulet pour un simili-carné de bonne qualité.

La collation

La collation peut être sucrée, dans la mesure où il ne faut pas se frustrer. Cela permet notamment d’éviter les grignotages. On peut donc manger un ou deux carrés de chocolat, une viennoiserie, une tartine et une boisson chaude à ce moment de la journée.

Le dîner

Le dîner doit être plutôt léger pour favoriser la digestion et le sommeil. On évite donc les féculents et on favorise les viandes maigres, le poisson, les protéines végétales et surtout : les légumes. On peut ainsi opter pour un filet de cabillaud avec une poêlée de légumes par exemple. Si on est vegan, on peut opter pour une poêlée de légumes à l’asiatique avec du tofu fumé et de la sauce soja.

TAG:

En savoir plus sur le sujet: