Depuis plus d’un an, un collectif d’acteurs locaux expérimente à Montpellier une caisse alimentaire citoyenne pour rendre l’alimentation bio et locale accessible à tous.
Genèse et Objectifs du Projet
Le projet a été initié il y a trois ans et s’est construit en différentes étapes. Un appel à projet national porté par cinq grandes associations du programme d’expérimentation Territoire à vivreS a été lancé en 2021. L’objectif était de favoriser l’accès à une alimentation de qualité pour tous·tes, en impliquant les habitant·es, en particulier les plus précaires, dans des démarches de démocratie alimentaire.
Regroupés autour du programme Territoires à Vivres, une mobilisation inter-associative de lutte contre la précarité alimentaire, ces acteurs sont issus de multiples secteurs.
Parmi eux : des associations (ATD Quart Monde , Secours catholique , VRAC & Cocinas …) mais aussi des acteurs de l’économie sociale et solidaire, des chercheurs, des groupements paysans, la ville et la métropole de Montpellier, et le département de l’Hérault.
Au-delà de ces acteurs, la volonté d’associer des citoyens était présente dès les premiers pas du projet. L’objectif était de fédérer, de faire émerger des discussions autour de l’alimentation et de se mettre d’accord sur la forme que l’on voulait donner à ce projet de démocratie alimentaire.
Ainsi, en juin 2022 se tenait la première Assemblée Citoyenne de l’Alimentation de notre projet avec les vingt-cinq structures partenaires et les quarante-sept membres qui allaient rejoindre le Comité.
Fonctionnement de la Caisse Alimentaire Commune
La caisse alimentaire commune de Montpellier fonctionne selon un principe simple.
Les participants cotisent chaque mois, selon leurs moyens et leurs souhaits, de 1 à 250 euros (la cotisation moyenne est de 60€), et reçoivent en échange une allocation alimentaire équivalent à 100 euros par mois.
Ils sont convertis en 100 « mona », une monnaie dématérialisée et utilisable dans un réseau de commerces conventionnés qui proposent une offre alimentaire alternative à celle de la grande distribution (épiceries, magasins bios, marchés paysans, supermarchés coopératifs…)
Le principe est que chaque participant cotise tous les mois un montant qu’il est libre de choisir. Pour aider les participant·es à se situer, le comité citoyen a développé un guide d’auto-détermination du montant de la cotisation qui nous semble adaptée selon les revenus, le budget alimentaire et le reste à vivre de chacun. Le fait de cotiser donne droit à 100€ par mois et par foyer pour faire ses achats alimentaires. Ces achats ne peuvent être réalisés que dans les enseignes conventionnées.
La MonA: Monnaie Numérique Alimentaire
Chaque personne participante recevra chaque mois 100 MonA déposées sur un compte numérique. Créer cette monnaie numérique alimentaire est fédérateur. Ensuite, ça facilite le fléchage vers les commerces conventionnés. On peut demander aux commerces combien de Mona ils ont reçu pour quels types de produits, et ainsi comprendre la manière dont est utilisée la Mona.
Le Rôle du Comité Citoyen
En septembre 2022, le comité citoyen, l’instance démocratique qui gère la caisse alimentaire commune, a été constitué.
Il est composé de 47 membres qui se réunissent toutes les deux à trois semaines pour définir les modalités de cotisation, d’organisation et d’évolution de la caisse.
Ils ont été sélectionnés, sur la base du volontariat, notamment au sein des quartiers prioritaires de la ville afin que la moitié des membres soient des personnes en situation de précarité.
« Chaque participant a son mot à dire sur les décisions prises, c’est ce qui permet de faire vivre cette démocratie alimentaire », précise Killian Vallois.
C’est le Comité citoyen, à ce jour composé de 62 membres, qui définit le fonctionnement de la Caisse à savoir, principalement, le guide sur les modalités de cotisation ainsi que les le conventionnement, c’est-à-dire le choix des points de vente acceptant la MonA.
Ainsi, les critères retenus pour le choix des enseignes incluent la qualité des produits du point de vue de la santé, la juste rémunération des producteurs et productrices ainsi que l’impact environnemental. À ce jour, douze boutiques et une trentaine de producteurs et productrices sont conventionnés.
Participation et Inclusivité
L’expérimentation de la caisse alimentaire commune a démarré en février 2023 avec la participation des membres du comité citoyen.
400 personnes composent la caisse alimentaire aujourd’hui : les membres du comité citoyen, 270 participants tirés au sort selon leurs âges et leurs revenus, dans une logique de représentativité, et 80 orientés par des partenaires du programme Territoires à Vivres.
« Afin de toucher des publics éloignés de nos réseaux et de nos thématiques, nous nous sommes rapprochés d’associations travaillant avec des habitants en situation de précarité comme l’association Migrants Bienvenus mais aussi des structures sociales du Département et d’organismes agissant dans les quartiers prioritaires de la ville », explique Killian Vallois.
Aujourd’hui, 373 personnes participent à l’expérimentation. Parmi elles, on retrouve les 50 membres originels du Comité et 60 personnes qui ont été intégrées au projet suite au rapprochement de la Caisse d’associations de lutte contre la précarité alimentaire.
Les autres participants ont été tirés au sort afin de répondre à la volonté du projet de mener l’expérimentation auprès d’un échantillon le plus représentatif possible de la population de la métropole (âge et revenus).
Cela permet aussi d’éviter toute stigmatisation lors des achats puisque la participation à la Caisse n’est pas associée à un statut social spécifique.
Financement du Projet
Le budget du projet, de 480 000 euros, est issu de fonds publics, privés et de cotisations des participantes actuelles du projet (environ 400 aujourd’hui).
Le budget de la caisse n’est pas à l’équilibre avec les seules cotisations, et n’a pas volonté à l’être. En effet, nous considérons aujourd’hui que l’accès à une alimentation de qualité est un droit et que celui-ci doit être garanti par les pouvoirs publics. De ce fait, les cotisations couvrent 60% des besoins et sont complétées par des financements publics et privés. Au total le budget de la caisse est 400 000€ pour cette première phase d’expérimentation (hors salaires). La ville et la métropole de Montpellier ainsi que la Région Occitanie et le Conseil Départemental de l’Hérault participent à hauteur de 20% et la Fondation de France ainsi que la Fondation Daniel et Nina Carasso également.
Impact et Perspectives d'Avenir
On n’a pas encore les données suffisantes pour mesurer le changement. Par contre, on a beaucoup de retours qualitatifs de personnes qui étaient en grande précarité alimentaire, et qui aujourd’hui sont davantage dans une situation de sécurité alimentaire. Pour une personne seule, 99 euros supplémentaires par mois pour faire les courses - si on cotise 1 euro - cela fait une grosse différence et permet de sortir la tête de l’eau du point de vue de l’alimentation.
Les premières retombées de cette expérimentation sont riches et très positives. Une véritable dynamique de prise de conscience, de prise de pouvoir et de renforcement du lien social en découle.
La première phase de notre expérimentation prendra fin en juin 2024, et nous sommes à la recherche de fonds pour permettre d’enclencher une deuxième phase au moins jusqu’à la fin de l’année 2025.
En tout cas, nous sommes membres du collectif national pour une SSA et on fait partie du réseau des initiatives locales du projet. Notre comité citoyen a d’ailleurs rencontré celui de Cadenet (Vaucluse), de la Gironde et de Dieulefit (Drôme).
L’expérimentation de la caisse alimentaire à Montpellier est prolongée au moins jusqu’à juin 2024. Il est très probable qu’on enclenche une deuxième phase allant jusqu’à fin 2025. On recherche actuellement des financements pour cela.
Killian Vallois [1] : La caisse alimentaire de Montpellier a été lancée en février 2023.
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