L'expression "Balance ton porc", lancée par la journaliste française Sandra Muller le 13 octobre 2017, est née dans le contexte de l'affaire Weinstein. Son objectif principal est de combattre le harcèlement sexuel.
Origine et Contexte
Cet automne-là, Sandra Muller a posté le tweet suivant : « #balancetonporc !! toi aussi raconte en donnant le nom et les détails d’un harcèlement sexuel que tu as connu dans ton boulot. Je vous attends. » Elle faisait ainsi écho aux dénonciations qui ont éclaté autour de Harvey Weinstein, producteur de cinéma, appelé « le porc » à Cannes.
De nombreuses personnes se sont approprié "Balance ton porc" et le hashtag associé pour dénoncer des agressions sexuelles subies. C'est le lancement du hashtag #balancetonporc qui rencontrera un immense succès sur les réseaux sociaux.
Le Porc : Une Métaphore Historique
Mais pourquoi avoir transformé le porc en bouc émissaire ? Déjà après le bouc, l'âne et le chien, ils furent associés à la luxure dès le XVème siècle au point que le mot « cochonnerie » s'imposera au XVIIème siècle. Pourquoi le porc incarne t-il la lubricité ? Est ce parce qu'il a un sexe étrangement étiré en forme de tire-bouchon ? S'agit il de ses performances de copulations pouvant dépasser les 30 minutes ? L'historien Michel Pastoureau, qui s'est penché plus que personne sur l’animal en question, propose une explication singulière.
Nous avons 95 % d'ADN en commun avec le cochon. Au fond, notre cousinage biologique avéré depuis Aristote, peut générer le rejet. C'est particulièrement vrai en raison de la couleur rose du cochon, considéré comme la moins aimée (après le marron) de tout le panel de l'arc en ciel. Et l'historien de rappeler que, symboliquement, c'était le chien qui incarnait les cochonneries. Or, lorsqu'il devient un véritable compagnon de l'homme, à partir du XVIème siècle, plus question de l’affubler de pareilles perversions. La pauvre bête en paie encore les conséquences aujourd'hui.
Mais derrière cette nouvelle expression « balance ton porc » se cache également une pratique rarement révélée au grand jour. Dans les élevages industriels de cochons, les porcelets sont triés selon leurs aptitudes et les indésirables jetés brutalement contre les murs. On a même qualifié la technique de « cloison thérapie ». Elle est recommandée par l’Institut du porc qui souligne qu'elle doit être appliquée avec « conviction », en considérant qu'elle est « rapide, indolore, avec perte de connaissance instantanée et permanente ».
Implications Juridiques et Affaires Notables
En France, la diffamation est une allégation ou l'imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur et à la considération d'une personne. L’exception de vérité consiste, pour la personne accusée de diffamation, de prouver la véracité des faits allégués.
La Cour de cassation s'est prononcée, le 11 mai 2022, sur deux affaires emblématiques du mouvement #Metoo et #Balancetonporc dans lesquelles deux femmes accusaient respectivement l'ancien patron de la chaîne Equidia et un ancien ministre de harcèlement et d'agression sexuelle. La première chambre civile a jugé que les propos étaient diffamatoires mais qu'ils s'inscrivaient « dans un débat général consécutif à la libération de la parole des femmes ». Elle a accordé aux deux femmes le bénéfice de la bonne foi et a rejeté les pourvois formés.
La première affaire concerne la publication sur un site du témoignage d'une femme dans lequel elle raconte avoir été agressée sexuellement par un homme politique. Elle ne le nomme pas mais « donne des indices précis » qui permettent rapidement aux journalistes de l'identifier.
La Cour rappelle qu'en matière de diffamation, le juge examine 4 critères afin de constater la bonne foi :
- si l'auteur des propos s'est exprimé dans un but légitime ;
- s'il était dénué d'animosité personnelle ;
- s'il s'est appuyé sur une enquête sérieuse ;
- s'il a conservé prudence et mesure dans l'expression.
Dans ce cadre, le juge est tenu de vérifier si les propos litigieux s'inscrivent dans un débat d'intérêt général et reposent sur une base factuelle suffisante. Si ces deux conditions sont réunies, il doit apprécier moins strictement ces 4 critères, notamment l'absence d'animosité personnelle et la prudence dans l'expression.
Dans les deux affaires, la première chambre civile a jugé que la cour d'appel avait souverainement retenu que les propos incriminés reposaient sur une base factuelle suffisante et que, compte tenu du contexte dans lequel ils avaient été tenus, le bénéfice de la bonne foi devait être reconnu.
La Question de la Marque
Toutefois, l’une d’entre elles s’en empare plus que les autres. Héloïse Nahmani a déposé le 3 novembre 2017 la marque française Balance ton porc ! Le signe désigne une gamme très large (et hétéroclite) de produits et services, notamment des lessives, lubrifiants, produits de l’imprimerie, sacs, vêtements, jouets et des services d’organisation de conférences ou encore de location de noms de domaine. Une poule aux œufs d’or en somme. Sandra Muller initie une action via son avocat pour empêcher l’enregistrement d’une telle marque. Son but est de protéger l’esprit du mouvement.
En novembre dernier, Balance ton porc ! devient un dépôt de marque française. Héloïse Nahmani en est la titulaire. Interviewée par Franceinfo, elle explique alors qu’elle souhaite « éviter que ça tombe entre de mauvaises mains » et « faire un journal ou quelque chose qui fasse que Balance ton porc soit un peu plus voyant. »
Suite aux démarches de Sandra Muller et des échanges concernant la cession de la marque, Héloïse Nahmani a retiré son dépôt, le 22 mars 2018. Or, la marque « #balancetonporc » a bien été déposée, le 23 mars 2018, au nom de… Sandra Muller, et non de l’association.
Réflexions et Perspectives Masculines
Que faire? Posture délicate, en réalité: dans les cas d'agressions, la parole ne doit pas être prise aux victimes, et les propos d'un homme peuvent avoir du mal à trouver leur place. Plusieurs commentateurs ont d'ailleurs vite reçu la leçon.
Au-delà du simple constat, d'autres commentateurs en viennent à s'interroger sur la réaction à adopter face à ce déferlement d'exemples de harcèlement et d'agressions. «Du coup, que faire?», interroge un twittos, se demandant s'il faut «nous changer nous-mêmes?»
«Ce hashtag a légèrement changé ma perception», admet-il toutefois au sujet de #balancetonporc. «La variété des situations, l'énormité des attitudes dénoncées vont à l'encontre de ce que je préférerais penser: il n'y en a pas tant que ça.» De quoi le pousser à remettre en cause ses «réactions a minima» lorsque, en soirée, lui et d'autres amis ont pu observer un invité beaucoup trop insistant vis-à-vis d'une invitée.
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