ARFID : Trouble de l'alimentation sélective ou évitante - Définition, Causes et Traitement

Encore peu connu, l’ARFID est un trouble alimentaire qui se caractérise par une éviction de certains aliments en raison de leur texture, leur goût ou leur odeur. L’ARFID - Avoidant/restrictive food intake disorder - ou trouble de l’alimentation sélective ou évitante en français apparaît souvent dès l’enfance et peut persister à l’âge adulte.

Depuis 2013, le trouble d’évitement ou de restriction alimentaire (ARFID, en anglais pour Avoidant/Restrictive Food Intake Disorder) a été reconnu comme une condition spécifique à part entière par le DSM-5 [1]. L'ARFID a 10 ans. C’est en effet en 2013 que ce trouble du comportement alimentaire, récemment décrit, a été introduit dans le DSM-5 en tant qu’entité. ARFID est l’acronyme anglais pour Avoidant Restrictive Food Intake Disorder, ce que l’on pourrait traduire par trouble de restriction ou d'évitement de l'ingestion d'aliments. Il concernerait jusqu’à 2 % de la population.

Qu'est-ce que l'ARFID ?

Reconnu par le DMS 5 - Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux édité par l’Association de psychiatrie américaine - l’ARFID se caractérise par l’évitement de certains aliments en raison de leur texture, leur goût, leur odeur ou leur couleur. "Le patient va manger trop peu, de manière limitée, non pas pour maigrir, mais parce que la nourriture l’indiffère, le dégoûte ou l’angoisse, explique Céline Casse.

Le premier élément crucial dans la définition de l’ARFID par le DSM-V est un trouble persistant de l’alimentation qui mène à des conséquences médicales significatives, telles que la perte de poids, une croissance insuffisante, des carences nutritionnelles significatives, la dépendance à une sonde naso-gastrique d’alimentation ou à des compléments alimentaires pour maintenir un apport suffisant, et/ou un rapport psychosocial altéré, tels qu’une inaptitude à manger avec d’autres personnes.

L’ARFID est en effet défini comme un trouble persistant de l’alimentation conduisant à l’impossibilité de couvrir ses besoins nutritionnels et/ou énergétiques et qui donne lieu à au moins une des conséquences cliniques suivantes :

  • une perte de poids ou une prise de poids insuffisante ;
  • des carences nutritionnelles ;
  • la mise en place d’une alimentation entérale ou le recours à des compléments nutritionnels ;
  • l’apparition d’interférences avec le fonctionnement psychosocial.

D’après le DSM-5, les comportements restrictifs observés dans l’ARFID relèveraient de trois types de causes :

  • une sensibilité élevée aux propriétés sensorielles des aliments (texture, couleur, température…) ;
  • un manque d’intérêt pour l’alimentation ;
  • une anxiété liée à la nourriture, incluant la peur d’effets négatifs tels que des vomissements ou un étouffement.

Dans le DSM-V, la nouvelle appellation ARFID, qui remplace la précédente définie ci-dessus, élargit donc un peu plus le diagnostic. Le but du DSM est également de proposer et d’harmoniser les traitements connu, reconnus, possibles, efficaces pour les maladies qui y sont recensées.

ARFID versus néophobie alimentaire : quelles différences ?

Si la néophobie alimentaire peut ressembler à l’ARFID, celle-ci n’est néanmoins pas reconnue par le DMS-5 ou la CIM-11. "La néophobie se caractérise par le refus de goûter de nouveaux aliments. Elle fait partie du développement normal de l’enfant et disparaît avec l’âge, explique Claire Sentandreu. Lorsqu’elle persiste et devient pathologique, elle peut présenter certains points communs avec l’ARFID, même si les causes sont différentes."

Quels sont les signes ?

Le trouble de l'alimentation sélective ou évitante va se manifester par :

  • le refus de manger certains aliments ou groupes d’aliments ;
  • une restriction de l’alimentation qui n’est pas motivée par la peur de prendre du poids comme dans l'anorexie.

"L’ARFID peut avoir un retentissement important sur la vie sociale : les repas en famille ou à l’extérieur sont compliqués voire sources de tension."

Quelles sont les personnes à risque ?

Certaines personnes sont plus à risque de développer un trouble de l’alimentation sélective ou évitante. "L’ARFID est souvent associé à d’autres comorbidités comme le TDAH, l’anxiété, les troubles obsessionnels compulsifs (TOC) ou encore le trouble du spectre autistique", détaille Claire Sentandreu. L’ARFID peut également apparaître à la suite d’un événement traumatique lié à l’alimentation : fausse route, allergie alimentaire, vomissements sévères…

Les enfants diagnostiqués avec un ARFID se distinguent aussi de ceux souffrant d’anorexie ou de boulimie par leur profil : ils sont généralement plus jeunes au moment de leur prise en charge (11 à 15 ans en moyenne versus 14 à 16 ans pour l’anorexie et 15-17 ans pour la boulimie), et davantage de garçons sont touchés. L’errance diagnostique est également plus longue, compte tenu de la méconnaissance encore forte de ce trouble chez les professionnels de santé.

L’ARFID est fréquemment associé à des troubles anxieux.

La plupart des recherches sur l’ARFID portent sur la population des enfants et des adolescents. On sait que ce trouble est plus fréquent chez les enfants, mais il peut également apparaître dans la population adulte. D’autre part, il est également courant que les personnes atteintes du spectre de l’autisme (TSA) soient plus susceptibles de développer une ARFID.

Prévalence de l'ARFID

Depuis l’inscription de ce trouble au DSM-5 en 2013, une trentaine d’études a cherché à estimer le taux de présence de l’ARFID dans différentes populations pédiatriques. Selon les études, 5 à 22,5 % des enfants suivis dans un service prenant en charge des troubles du comportement alimentaire sont diagnostiqués avec un ARFID. Ces chiffres sont un peu plus faibles dans les services de soins pédiatriques généraux (3 à 7 %) et de gastroentérologie pédiatrique (1,5 à 8 %). En population générale, hors contexte clinique, où 6 études ont été recensées, 0,3 à 15,5 % des enfants et adolescents seraient concernés.

Les prévalences varient selon les groupes, pointe une méta-analyse à partir de 29 publications, avec entre 5 et 22 % d’enfants ARFID parmi les patients de pédiatres et de gastro pédiatres, entre 3 % et 7 % dans les consultations de pédiatrie générale, vers 30 % parmi les groupes d’enfants et adolescents suivis pour une maladie métabolique, et entre 0,3 et 3 % en population générale.

"Selon certaines études, il toucherait 1 à 5 % des enfants de moins de 10 ans, précise Céline Casse. L’ARFID peut aussi se développer à l’adolescence ou à l’âge adulte, à la suite d’un traumatisme, par exemple."

Trois types d’enfants « ARFID »

« D’après mon expérience pédiatrique, explique Véronique Abadie, je différencierais trois types d’ARFID : l’ARFID secondaire à une pathologie somatique antérieure vue chez les enfants qui ont subi des réanimations néonatales, chirurgies dans les premiers mois de vie, ou qui ont eu des pathologies chroniques cardiorespiratoires ou digestives ; l’ARFID chez les enfants autistes, et enfin l’ARFID primitif survenant chez un enfant qui n’a pas connu de troubles du neurodéveloppement ou de pathologie organique avérée. » Un dernier type qui semble de plus en plus fréquent, ajoute-t-elle. Ce sont souvent d'anciens bébés « à besoins intenses » avec des reflux, des pleurs, des difficultés de sommeil, « des enfants sensibles à une petite épine irritative mineure, avec une hypersensibilité sensorielle. Des enfants anxieux qui deviennent rigides et dans le contrôle. Ils ont souvent un parent sélectif voire des parents anxieux avec des traumatismes de vie et des parcours périnataux complexes ou des parents fragiles avec la peur du manque ou alors, à l’inverse, trop accommodants. »

L’ARFID comme une « armure »

L'ARFID a des causes diverses, résultant d'une combinaison de facteurs. Un “tempérament” génétique sous-jacent pourrait favoriser l'apparition de ce trouble, comme le suggère une étude suédoise parue dans le JAMAen 2023 portant sur 16 751 paires de jumeaux âgés de 9 à 12 ans. Les chercheurs ont trouvé que l'ARFID touchait 2 % d’entre eux, ce qui en ferait la pathologie psychiatrique la plus prédisposée à l'hérédité. « D’ailleurs, complète la pédiatre, l'expérience clinique révèle assez fréquemment un tempérament hautement sélectif sur le plan alimentaire chez l'un des deux parents, en particulier chez le père. De plus, l'ARFID affecte autant les filles que les garçons, une particularité inhabituelle pour un trouble du comportement alimentaire. »

À ce “tempérament” alimentaire se superposent d’autres éléments innés tels que l’hypersensibilité sensorielle, l’anxiété, et la morphologie familiale. Dans ce contexte propice, un stress corporel organique, généralement antérieur et modeste, agit comme un déclencheur. Fréquemment, le trouble est amplifié et persiste en raison d'un comportement psycho-éducatif parental spécifique, combinant anxiété et un soutien insuffisant, un environnement n’apportant pas suffisamment de sécurité.

« Dans notre expérience, relate Véronique Abadie, les parents font souvent preuve d’une tolérance aux symptômes du fait de leur peur que leur enfant ne mange rien, leur crainte de carences nutritionnelles, leur culpabilité de ne pas bien assurer leurs fonctions parentales. » La vie s’organise donc autour des symptômes avec parfois des tensions. « Il en résulte chez l’enfant une relative indifférence aux troubles et habituation aux conflits, au moins jusqu’à l’adolescence et l’entrée dans une vie sociale extra-familiale plus riche », souligne la spécialiste.

ARFID : comment prendre en charge ce trouble alimentaire ?

La prise en charge de l’ARFID repose sur une approche pluridisciplinaire. "Un suivi psychologique ou psychiatrique est souvent nécessaire pour réduire l’anxiété alimentaire, notamment via des thérapies cognitivo-comportementales (TCC) ou des thérapies d’exposition, détaille la psychologue. On y associe une évaluation médicale et nutritionnelle, parfois un accompagnement par un ergothérapeute ou un orthophoniste."

Le bon diagnostic nécessite une intervention multidisciplinaire. Des professionnels de la santé et des psychologues spécialisés dans le comportement alimentaire sont nécessaires.

Il est courant que les personnes atteintes d’ARFID passent par tout un parcours entre différents spécialistes, comme ceux en nutrition, gastro-entérologie ou psychiatrie ; ils reçoivent toujours des traitements inefficaces et des diagnostics erronés. Aborder les problèmes de comportement alimentaire nécessite une approche multidimensionnelle, à travers des unités spécialisées dans les troubles alimentaires.

Les approches thérapeutiques sont toujours personnalisées pour chaque patient, à partir du diagnostic. Au Massachusetts General Hospital, on a mené une étude pilote dans laquelle on applique la thérapie cognitivo-comportementale et on inclut la famille du patient.

Si aucune prise en charge n’a, seule, établi la preuve de son efficacité, les soins pluriprofessionnels (psychiatre, psychologue, nutritioniste, gastropédiatre, orthophoniste, psychomotricien, etc.) sont indispensables. Le « tout-psychiatrie étant un échec pour ces enfants, il faut un avis consensuel parmi les spécialistes concernés », affirme la Pre Abadie. La prise en charge pluridisciplinaire avec au moins un élément psy est primordiale mais elle doit être aussi nutritionnelle pour apporter les vitamines et minéraux manquants, notamment. Une éducation thérapeutique (sous forme d’ateliers) mais aussi un soutien psychoéducatif familial est indispensable pour l’ARFID pédiatrique « qui fait souvent perdre leur bon sens aux parents », souligne-t-elle avant d'ajouter qu'il ne faut en aucun cas “forcer” les enfants à manger.

Tableau récapitulatif des prévalences de l'ARFID

Contexte Prévalence
Services prenant en charge des TCA 5 à 22,5 %
Services de soins pédiatriques généraux 3 à 7 %
Services de gastroentérologie pédiatrique 1,5 à 8 %
Population générale (hors contexte clinique) 0,3 à 15,5 %

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