Aliments contre le reflux gastro-œsophagien (RGO)

Le reflux gastro-œsophagien (RGO) est défini par la remontée du contenu gastrique dans l’œsophage qui occasionne symptômes et/ou lésions de la muqueuse œsophagienne. Étant donné le rôle majeur de la composante acide du « matériel de reflux », les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) représentent la pierre angulaire du traitement du RGO et sont largement prescrits pour soulager les symptômes et cicatriser les lésions muqueuses (œsophagites).

Néanmoins, certaines « règles hygiéno-diététiques » font partie de la prise en charge thérapeutique du RGO, dont plusieurs ont fait la preuve de leur efficacité comme la surélévation de la tête du lit et le respect d’un délai de 2 à 3 heures entre le repas et le coucher.

Le rôle de l'alimentation dans le RGO

Le rôle de l’alimentation est souvent mis en avant par les patients, dont un grand nombre associe la survenue des symptômes à la prise de certains aliments. Une étude récente a montré que 85 % des patients pouvaient identifier au moins un aliment occasionnant des symptômes de reflux.

La prise d’un repas a plusieurs conséquences sur la physiologie œso-gastrique : diminution du tonus du sphincter inférieur de l’œsophage (SIO), augmentation du nombre de relaxations transitoires du SIO (RTSIO), elles-mêmes induites par la distension et la relaxation de l’estomac proximal. Ces effets sont médiés par la stimulation des afférences vagales, par l’étirement de mécanorécepteurs de la paroi fundique, et modulés par les effets de neuropeptides comme la cholécystokinine (CCK), peptide libéré par voie endogène par la présence de lipides dans la lumière duodénale.

C’est pourquoi la nature du repas ingéré va avoir des conséquences sur l’importance des effets décrits, fonction de la charge calorique et de la teneur en lipides. Le ralentissement de la vidange gastrique induit par un repas hypercalorique va prolonger la distension gastrique, l’hypotonie du SIO et favoriser la survenue de RTSIO.

Néanmoins, il est difficile de faire la part entre ce qui est lié à la charge calorique du repas et à son contenu en lipides. Plusieurs études ont montré qu’à charge calorique équivalente, la composition en lipides n’avait pas d’influence significative sur le tonus du SIO et le nombre de RTSIO, tant chez le sujet sain que chez les patients avec RGO. En revanche, à charge calorique équivalente, et donc à exposition acide équivalente, la composante lipidique du repas va clairement augmenter la perception des reflux.

Si la composante protéique d’un repas a peu d’impact sur la physiologie œso-gastrique, le rôle des hydrates de carbones a largement été évalué. Leurs effets sur la motricité œso-gastrique passent par l’intermédiaire de leurs produits de fermentation, essentiellement les acides gras à chaîne courte (AGCC), produits au niveau colique. La perfusion colique de ces AGCC induit une relaxation fundique, une diminution du tonus du SIO et une augmentation du nombre de RTSIO.

Certains aliments sont capables de diminuer la pression du SIO comme le café (mais pas le décaféiné), le chocolat, le vin blanc. Il a également été montré que le vin blanc, la bière et le chocolat augmentaient l’exposition acide de l’œsophage. En revanche, il n’a pas été montré d’effets significatifs en termes de pression du SIO ou de reflux de la consommation d’agrumes ou d’aliments épicés.

Obésité et RGO

Les liens entre obésité et RGO sont bien établis mais les mécanismes impliqués dans le reflux gastro-œsophagien (RGO) chez le patient obèse sont mal connus. Il a été montré un nombre plus important de RTSIO chez les patients obèses, mais il existe maintenant des études qui permettent de confirmer ce que le bon sens suggérait : l’obésité est un facteur de RGO en raison de l’augmentation de la pression abdominale et des contraintes exercées sur la jonction œso-gastrique.

Les arguments les plus convaincants sont fournis par une étude en manométrie haute résolution. Cette étude montre qu’il existe une corrélation étroite entre la pression intragastrique et l’index de masse corporelle (IMC), corrélation encore plus étroite si le tour de taille est considéré. Ces 2 paramètres étaient également étroitement corrélés au gradient de pression entre l’abdomen (pression positive) et l’œsophage (pression intra-thoracique, négative), particulièrement pendant l’inspiration.

En effet, l’obésité est responsable d’efforts inspiratoires plus importants, ce qui accentue la différence de pression entre l’abdomen et le thorax. Enfin, cette étude a montré que plus le tour de taille augmente (et non l’IMC) plus la distance axiale entre le SIO et le diaphragme augmente, ce qui suggère un rôle de l’obésité dans le développement de la hernie hiatale. Toutes ces conséquences ont un effet facilitateur du RGO.

De très nombreuses études ont montré que l’obésité représentait un facteur de risque important de RGO et de ses complications. D’une manière générale le risque relatif de développer un RGO symptomatique est de 2 à 3, avec une augmentation linéaire en fonction de l’IMC.

À titre d’exemple, dans une étude chez 453 employés hospitaliers répartis en 3 groupes selon l’IMC, inférieur à 25, entre 25 et 30 et supérieur à 30, les prévalences des symptômes de reflux étaient de 23,3 %, 26,7 %, et 50 % et de 12,5 %, 29,8 %, et 26,9 % pour l’œsophagite érosive, respectivement.

Même s’il existe quelques discordances dans la littérature probablement liées à des difficultés méthodologiques (différences entre charge calorique et contenu en graisses) plusieurs études ont montré une corrélation entre la consommation de graisses saturées et la présence de symptômes de RGO.

Dans l’étude de El-Serag et al., la consommation de graisses saturées et de cholestérol était associée au RGO indépendamment de la charge calorique des repas, mais après ajustement sur l’IMC, l’association n’était retrouvée que chez les patients en surpoids (IMC>25).

Thé, café et alcool

Les études concernant thé et café sont contradictoires. Deux études, dont une chinoise, n’ont pas mis en évidence de lien entre consommation de thé/café et les symptômes de RGO. Néanmoins, dans une étude récente portant sur 48 000 infirmières sans RGO documenté (suivi de 262 000 patients-années), la consommation de thé, café ou sodas augmentait d’environ 30 % le risque d’avoir des symptômes de reflux au moins une fois par semaine, alors que la consommation d’eau, de lait ou de jus de fruit n’avait pas d’impact.

Si certains alcools ont montré des effets physiologiques favorisant le RGO, les données épidémiologiques concernant la consommation d’alcool comme facteur de risque de RGO sont non concluantes. La plupart des études n’ont pas retrouvé d’association significative ce qui a été confirmé par la méta-analyse de Eusebi et al. réalisée à partir de 24 études : la prévalence des symptômes de RGO était légèrement plus élevée chez les buveurs d’alcool que chez les non-buveurs (20,3 % vs.

Tabac et RGO

Les effets physiologiques du tabac sur la jonction œso-gastrique sont peu connus, mais il existe d’autres mécanismes potentiels pouvant expliquer l’augmentation du risque de RGO comme la diminution de la sécrétion salivaire ou les efforts de toux. Cependant, la plupart des études disponibles ont confirmé l’association entre tabagisme et RGO. Dans la méta-analyse de Eusebi et al. réalisée à partir de 30 études, la prévalence des symptômes de reflux gastro-œsophagien était plus élevée chez les fumeurs comparativement aux non-fumeurs (19,6 % vs.

Perte de poids et RGO

De nombreuses études ont montré que la perte de poids permettait de réduire la prévalence des symptômes de RGO. Deux études en population ont montré l’efficacité de la perte de poids. La première chez 29 000 patients montrait une diminution du risque de RGO d’un facteur 2 (symptômes) à 4 (prise de traitement anti-reflux) chez les patients ayant perdu au moins 3,5 points d’IMC. La deuxième menée chez 10 000 infirmières confirme ces résultats avec une diminution du risque de 36 % pour la même perte de poids.

Des essais randomisés sur de petits effectifs ont montré l’impact de la perte de poids en termes de symptômes et d’exposition acide œsophagienne. Un essai randomisé incluant 330 patients a montré que le groupe inclus dans un programme de perte pondérale (IMC passant de 34,7 à 30,2) avait moins de symptômes de reflux que les patients du groupe témoin (15 vs.

Régimes appauvris en hydrates de carbone

Il existe plusieurs études évaluant les régimes appauvris en hydrates de carbone (HC) dans le RGO. Une petite étude chez 8 patients avec obésité morbide et régime apportant moins de 20 g d’HC par jour a montré un bénéfice sur les symptômes et l’exposition acide œsophagienne en pHmétrie. Une étude randomisée française menée chez 31 patients avec RGO réfractaire a comparé un régime appauvri en FODMAPs et les conseils diététiques habituels donnés dans le RGO : il n’existait pas de différence significative en termes de symptômes ou de paramètres de pH-impédancemétrie.

Une étude américaine récente menée chez 95 vétérans américains a comparé 4 régimes différents de 9 semaines (charge calorique équivalente) selon la composition totale en HC et en sucres simples (mono et disaccharides) : il existait une amélioration en pHmétrie uniquement dans le groupe qui réduisait les sucres simples, mais une amélioration symptomatique dans tous les groupes qui réduisaient la consommation en sucres (rapides ou non).

Une étude japonaise a évalué l’impact de l’arrêt du tabac chez 141 patients comparés à 50 patients en échec du sevrage (étude non randomisée) : le sevrage était associé à une amélioration des scores symptomatiques et de qualité de vie.

Il est habituel de conseiller aux patients de réduire ou supprimer les aliments qui provoquent des symptômes de RGO. Cette attitude a récemment été validée par une étude italienne chez 100 patients dont 85 ont signalé au moins un aliment déclencheur [aliments épicés (62 %), chocolat (55 %), pizza (55 %), tomate (52 %), des aliments frits (52 %)]. Après 2 semaines d’élimination des aliments incriminés, le score moyen RGO-Q était amélioré, le pyrosis avait diminué de 93 à 44 % des patients, tandis que les régurgitations avaient diminué de 72 à 28 %.

Aliments à privilégier et à éviter en cas de RGO

En cas de reflux gastrique ou de brûlure d'estomac, adopter une certaine alimentation peut aider à limiter les désagréments. Il est recommandé de privilégier les aliments les plus alcalinisants pour rétablir l'équilibre acido-basique du corps.

  • Mangez des légumes : La plupart des légumes, et surtout les légumes verts, sont bénéfiques contre les remontées acides. Vos meilleurs alliés sont les haricots verts, les épinards, les courgettes, les brocolis... mais aussi les carottes, les aubergines, les champignons...
  • Mangez des légumineuses : Les légumineuses, ou légumes secs, regorgent de nutriments et sont des aliments riches en fibres : protéines, vitamines B, fer, magnésium… alors, outre les classiques lentilles, pensez aux haricots rouges et blancs, flageolets, pois chiche, pois cassés…
  • Croquez des fruits mais en dehors des repas : Ils regorgent de vitamines et de minéraux, mais en dessert, ils favorisent chez certains des fermentations dans les intestins qui, par mécanisme réflexe, augmentent la remontée d’acide dans l’œsophage. Mangez-les donc en dehors des repas, et pas plus de deux par jour.

En cas de brûlures d'estomac, une liste d'aliments est à éviter : sucres raffinés, sucreries, graisses animales, charcuteries, boissons gazeuses, café, plats épicés, tomates, agrumes... identifiez les aliments qui favorisent le plus vos brûlures d'estomac afin d’en consommer moins.

  • Limitez votre consommation de sucre : Les aliments très concentrés en sucre comme les gâteaux, les confiseries, le chocolat, le miel, la confiture... irritent les intestins et favorisent les risques de RGO. Il faut donc en consommer avec modération.
  • Limitez votre consommation de sel : Il perturbe le fonctionnement du sphincter. Servez-vous donc avec modération de la salière, et réduisez la consommation d’aliments très salés : plats préparés, pain, fromages, charcuteries...
  • Limitez votre consommation de graisses : Les repas très riches en graisses, surtout saturées, peuvent favoriser les reflux gastriques. On évite donc de consommer en trop grande quantité les fromages et les viandes grasses, les plats en sauce, les plats frits, etc. On évite tout particulièrement les viandes grasses comme les côtelettes d'agneau, les côtes de porc… préférez des fromages maigres, des produits laitiers écrémés et des viandes maigres ou du poisson.

Conseils diététiques supplémentaires

  • Choisissez une cuisson saine pour vos aliments : Non à la friture et au barbecue : les graisses cuites ralentissent la vidange de l’estomac, ce qui augmente la pression vers le haut. "Optez pour des cuissons légères (pochées, rôties, grillées, en papillote, bouillies), les corps gras doivent être diminués car ils ralentissent la vidange gastrique et augmentent l’intensité des symptômes (fritures, plats en sauce, viandes grasses, charcuteries, fromages gras, pâtisseries à la crème..)", explique l'Assurance maladie. Préférez donc la vapeur, le four basse température, l’étouffée… et ajoutez les matières grasses, huiles de colza et d’olive, après la cuisson.
  • Dînez léger et tôt : La position allongée favorise la remontée du contenu de l’estomac. Le soir, privilégiez un repas riche en légumes, pauvre en graisses, surtout quand elles sont saturées (viandes grasses, charcuteries, fromages, pâtisseries…). Et prenez-le si possible 3 à 4 heures avant de vous coucher.
  • Contre le reflux gastro-oesophagien, mastiquez : Prenez le temps de mastiquer : cela prépare les aliments à une meilleure digestion et évite une surcharge de l’estomac. Manger lentement permet en effet d'envoyer au cerveau les signaux de satiété.

Boissons à privilégier et à éviter

  • Remplacez le café par le thé : Ou une infusion parfumée, sans sucre. Boire du thé en dehors des repas favorise la satiété, limite la constipation et élimine les toxines.
  • Buvez surtout avant les repas : De préférence de l’eau plate.
  • Évitez les boissons gazeuses : Toutes les boissons gazeuses (sodas mais aussi eau pétillante) sont à bannir car elles contiennent du dioxyde de carbone qui dilate l'estomac, ce qui augmente le risque de sécrétion acide.
  • Limitez l'alcool : L'alcool est également déconseillé en cas de reflux car son action est particulièrement irritante.

Adaptation de l’alimentation pour les nourrissons

Si vous allaitez votre enfant, la principale mesure consiste à adapter votre propre alimentation. Il est par exemple conseillé de limiter votre consommation d’aliments acidifiants comme la tomate, le café, le thé, les agrumes ou le chocolat, ainsi que les aliments riches en lipide (graisse).

Si votre enfant continue d’avoir des reflux lors de la diversification alimentaire, il convient de limiter la consommation de certains aliments. Par ailleurs, évitez autant que possible les plats épicés et les aliments trop gras, ces derniers pouvant favoriser le RGO chez bébé. Sachez également que les préparations trop liquides et les purées très lisses provoquent davantage de reflux que les préparations plus épaisses.

Tableau récapitulatif des aliments et boissons recommandés et déconseillés

Catégorie Aliments/Boissons Recommandés Aliments/Boissons Déconseillés
Légumes Légumes verts (haricots verts, épinards, courgettes, brocolis), carottes, aubergines, champignons Légumes crucifères (choux, brocolis), épinards, oseille, légumes secs (en excès)
Fruits Fruits de saison cueillis à maturité, fruits rouge-orangés (abricot, melon, pastèque, pêche), raisin, kiwi Agrumes, fruits rouges acides (groseille, myrtille), tomates, rhubarbe
Protéines Viandes maigres (volailles sans la peau), poissons (même gras, avec modération) Viandes grasses (agneau, mouton)
Produits laitiers Yaourts (probiotiques) Lait d'origine animale (en excès), produits laitiers riches en lactose
Boissons Eau plate (surtout avant les repas), thé léger, infusions Boissons gazeuses (sodas, eau pétillante), alcool, café, boissons chaudes à base de lait animal
Autres Huiles riches en oméga 3 (colza, noix, lin, chanvre), huiles riches en oméga 9 (olive) Aliments frits, plats en sauce, aliments épicés, assaisonnements à base de vinaigre (moutarde, cornichons, câpres)

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