L’alimentation anti-inflammatoire dans le contexte des maladies auto-immunes est aujourd’hui un levier incontournable dans la prise en charge globale des pathologies chroniques. Une stratégie nutritionnelle bien conduite permet non seulement d’agir sur la maladie mais aussi d’améliorer durablement l’état de santé général. L’inflammation chronique est favorisée par certains aliments pro-inflammatoires (aliments ultra-transformés, sucres raffinés, acides gras trans) et atténuée par d’autres (oméga-3, polyphénols, fibres solubles, micronutriments antioxydants). Le lien entre alimentation et inflammation n’est pas nouveau.
Dès l’Antiquité, Hippocrate recommandait un retour à une nourriture naturelle pour soigner les « humeurs en feu ». Les maladies auto-immunes nécessitent une prise en charge pluridisciplinaire. En effet dans la polyarthrite rhumatoïde, nous pouvons constater une inflammation basale persistante, un stress oxydant important, ainsi qu’une altération de la muqueuse intestinale. Ce sont des facteurs pouvant être améliorés par l’alimentation et/ou la prise de compléments alimentaires.
L'Évolution des Modes Alimentaires et ses Conséquences
Les modes alimentaires occidentaux ont largement évolué ces 50 dernières années, avec la montée de l’industrialisation agro-alimentaire. L’appauvrissement des sols en minéraux lié à l’agriculture intensive se solde par un appauvrissement en micro-nutriments. S’ensuit une transformation massive de ces produits entrainant une perte supplémentaire de micro-nutriments, ainsi qu’un ajout de nombreux additifs alimentaires, dont les conséquences sur la santé à long terme ne sont pas toujours connues. On obtient alors dans nos assiettes des aliments bien moins nutritifs qu’auparavant. En parallèle, on constate une augmentation nette du nombre de patients atteints de maladies chroniques.
Les maladies auto-immunes n’y font pas exception, et parmi celles-ci, la polyarthrite rhumatoïde tient une place importante. Nous savons que les maladies auto-immunes ont une origine génétique, mais que les facteurs environnementaux sont tout autant importants pour déclencher la phase clinique de la maladie. L’alimentation est un facteur environnemental majeur dont l’impact est surement sous-estimé, et qui devrait être pris en considération par tous les patients. Le pharmacien d’officine, étant un professionnel de santé souvent en contact et largement disponible pour ses patients, tient une place de choix pour promouvoir une alimentation adaptée en fonction des pathologies.
Le Rôle de l'Alimentation dans l'Inflammation et l'Immunité
De nombreuses interventions diététiques ont été proposées, et largement médiatisées, au cours des maladies auto-immunes, mais les études, bien que nombreuses, sont souvent discutables en terme de méthodologie. Cependant, des progrès récents ont permis de mettre en évidence un rôle important du microbiote intestinal dans les rhumatismes inflammatoires chroniques, ce qui permettrait d’expliquer en partie l’effet de l’alimentation dans ces pathologies. L’alimentation semble donc avoir un rôle important. Les aliments peuvent agir sur le système immunitaire par leurs effets anti-inflammatoires et/ou immunomodulateurs.
Plusieurs études ont montré que le sel mais aussi les lipides peuvent stimuler des mécanismes auto-immuns par l’induction de lymphocytes Th17. Le microbiote intestinal est un des régulateurs majeurs du système immunitaire, raison pour laquelle de très nombreuses publications lui sont consacrées depuis quelques années.
Aliments Bénéfiques et Compléments
Les crucifères : Le rôle bénéfique de la consommation de crucifères (brocolis, choux frisés, choux de Bruxelles, choux chinois, choux-fleurs, navets, radis, épinards, etc.) a été démontré dans la prévention de certains cancers (prostate, estomac, côlon). Cet effet protecteur des crucifères est lié à leur richesse en sulforaphane, une molécule qui pourrait également avoir des propriétés anti-inflammatoires dans les pathologies auto-immunes.
Les huiles de poissons et des acides gras polyinsaturés oméga-3 : L’action anti-inflammatoire des acides gras polyinsaturés a été suggérée par des études épidémiologiques chez les Eskimos du Groenland, montrant une moindre prévalence de maladies inflammatoires par rapport à la population des pays occidentaux. Toutefois, en l’absence de données scientifiques de niveau de preuve suffisant, la supplémentation en acides gras polyinsaturés n’est actuellement pas recommandée au cours des maladies auto-immunes, mais une alimentation équilibrée riche en acides gras oméga-3 (poissons gras: sardines, marquereaux, etc…) est souhaitable.
Les suppléments vitaminiques (vitamine C, E et D) : En revanche, il est essentiel de maintenir des taux sanguins satisfaisants de vitamine D, aussi bien pour le fonctionnement du système immunitaire que pour le métabolisme de l’os ; cela est démontré dans de très nombreuses études. La correction d’une carence en vitamine D reste une mesure essentielle, en particulier concernant l’homéostasie osseuse.
Régimes Alimentaires et Maladies Auto-Immunes
Les principaux régimes qui ont été étudiés sont le jeûne, le régime méditerranéen, le régime végétarien ou végétalien, les régimes d’exclusion et le régime élémentaire. Une méta-analyse de la collaboration cochrane montre que les effets des différents régimes ne sont pas formellement démontrés, mais souligne également les nombreuses limites méthodologiques des études analysées. Il n’existe actuellement pas de donnée solide permettant de proposer les régimes d’exclusion, (par exemple régime sans gluten ou régime sans protéines de lait de vache) en raison du risque important de carences.
D’une manière générale, les régimes d’exclusion sont souvent très contraignants et n’ont pas formellement démontré scientifiquement leur efficacité. Le régime méditerranéen est un régime riche en légumes, fruits, céréales, poissons et huile d’olive et pauvre en viandes rouges.
Le Microbiote Intestinal : Un Acteur Clé
La microflore se diversifiera avec l’introduction de nouveaux aliments et c’est vers l’âge de 2 ans que la flore bactérienne de l’enfant ressemblera à celle de l’adulte. La fonction principale de l’intestin est l’absorption de l’eau et des nutriments. Le rôle spécifique de la microflore colique dans la digestion est de fermenter les substances fournies par l’alimentation : par exemple les fibres qui ne peuvent pas être digérées dans l’intestin grêle. Cette fermentation produit de l’acide lactique qui maintient l’acidité dans le colon pour s’opposer aux germes pathogènes.
La flore résidente, essentiellement située dans les parties terminales de l’intestin grêle et dans le colon représente environ cent mille milliards de bactéries de différents types (lactobacillus, bifidobactéries, clostridium, eubacterium, streptococcus…). Chaque individu héberge une flore unique, on parle « d’écosystème bactérien ». Une alimentation déséquilibrée, la prise d’antibiotiques, le stress de la vie quotidienne peuvent avoir un effet négatif sur l’équilibre de la microflore intestinale.
Plusieurs produits alimentaires ont été développés en vue d’améliorer l’équilibre de la flore intestinale. Ils contiennent des probiotiques, prébiotiques et symbiotiques (combinaison de probiotiques et prébiotiques). On les retrouve principalement dans les produits laitiers fermentés. Les recherches semblent confirmer une l’influence bénéfique des probiotiques au niveau de la constipation, de la diarrhée, du système immunitaire, du cancer et de l’absorption des minéraux.
Conseils Alimentaires
- Limiter sucre et produits sucrés (miel, confiture, biscuits, chocolat, confiseries, sodas, jus de fruits, yaourts aux fruits, crèmes glacées, fruits secs, dattes, figues, …).
- Consommer des protéines (viandes, poissons, oeuf , laitage) à chaque repas pour éviter la fonte des muscles.
- Limiter au maximum la consommation de sel : ne pas saler les aliments et éviter les aliments riche en sel : pain, viennoiserie, produits de boulangerie, fromage, charcuterie, soupes, aliments en conserve, pizza, quiches, plats préparés, produits de la mer, condiments, les eaux gazeuses.
- Vitamine D : elle a un rôle dans l’absorption du calcium et la croissance des os et dans le maintien du bon fonctionnement de l’organisme. (Aliments riche en vit D :Huile de foie de morue,saumon, thon, hareng, maquereau, sardine, jaune d’œuf).
Le Protocole AIP (Auto Immune Protocol)
Dans les régimes d’exclusion déjà nombreux (Seignalet, Fodmap, Wahls, Paléo, Gaps…), il faut ajouter le « protocole auto-immunité », ou AIP pour Auto Immun Protocol, en anglais. Comme son nom l’indique, il est spécialement pensé et conçu pour les personnes atteintes d’une ou plusieurs maladies auto-immunes. Outre les polluants et autres toxines environnementales, c’est bien l’alimentation qui, en premier lieu, ne respecte plus ces besoins biologiques essentiels, puisqu’elle est devenue inflammatoire et source de carences.
Tout l’objet du protocole AIP réside dans la réduction de l’inflammation. Si l’on parle de protocole AIP et pas simplement de régime AIP, c’est que les préconisations débordent du simple champ de la nutrition pour s’articuler autour de deux axes, l’un alimentaire, l’autre visant le mode de vie. Mais le régime AIP va plus loin puisqu’il exclut les œufs, les noix, les graines et tous légumes et fruits de la famille des solanacées (pomme de terre, aubergine, tomate, poivron, piment, paprika, physalis, baies de Gogi…). Plus qu’un régime alimentaire, l’AIP est véritable style de vie.
Exemple de Guérison par l'Alimentation
Trois cas de patientes ayant totalement guéri d’une maladie auto-immune - lupus et syndrome de Gougerot-Sjögren - à la suite de changements alimentaires illustrent le fait qu’une alimentation favorisant le cru et le végétal pourrait être utilisée comme « médicament » contre certaines maladies auto-immunes. Atteintes de lupus érythémateux systémique et du syndrome de Gougerot-Sjögren, ces patientes ont suivi un protocole nutritionnel appelé « protocole de récupération rapide » et ont déclaré que presque tous leurs symptômes avaient disparu après seulement quatre semaines d’application de ces changements alimentaires.
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