Quand on s’intéresse de près au cyclisme, il y a une quantité impressionnante de données à enregistrer pour un débutant (choix du matériel, de l’équipement, entraînement, alimentation, etc.). L’alimentation joue un rôle prépondérant dans la préparation d’un coureur cycliste et est tout aussi importante à gérer que l’entraînement pour être au top le jour J. Et cela est d’autant plus valable sur les courses à étapes comme le Tour de France qui dure de plusieurs jours à plusieurs semaines.
De ce fait, l’alimentation d’un cycliste professionnel est très encadrée car elle constitue la source d’énergie dont le coureur a besoin pour performer en courses. Si le corps n’est pas suffisamment alimenté, il se fatigue plus vite et, par conséquent, le coureur ne peut fournir une performance élevée. L’alimentation du cycliste professionnel ne concerne pas uniquement le jour de la course, mais se prépare plusieurs jours avant une compétition afin de préparer l’organisme en faisant des réserves énergétiques.
Les Besoins Énergétiques et l'Hydratation
Un coureur peut brûler entre 6000 et 9000 calories par jour de course en fonction du type d’effort fourni, de la durée de la course mais aussi de son dénivelé, soit 3 à 4 fois plus que pour une personne sédentaire. Un coureur cycliste doit absorber au minimum un demi-litre par demi-heure, soit un bidon de 500ml. Cette mesure est bien évidemment à adapter en fonction des conditions météorologiques et de l’effort fourni.
Mais un coureur cycliste ne se contente pas de boire de l’eau mais des boissons énergétiques afin d’aider l’organisme à reconstituer les réserves en glycogène. Cela est autant valable pour les coureurs cyclistes du dimanche que pour les coureurs cyclistes professionnels. On distingue trois catégories de boissons énergétiques : les boissons d’attente (à consommer avant l’effort), les boissons isotoniques (à consommer durant l’effort) et les boissons de récupération (à consommer après l’effort). Elles ont chacune leurs spécificités car elles ne répondent pas aux mêmes besoins selon le moment où elles sont consommées.
- Boissons d’attente : À consommer par petites gorgées dans l’heure et demie qui précède le départ de la course. Pour cela, elle est généralement composée d’eau minérale, de Maltodextrine et de poudres de minéraux. Avant l’effort, la boisson d’attente sert au coureur à prendre le départ en étant parfaitement hydraté mais aussi à augmenter ses réserves en glucides et en minéraux avant le départ.
- Boissons isotoniques : Pendant l’effort, la boisson a trois objectifs : hydrater, assurer les apports caloriques et compenser les pertes en minéraux. C’est la raison pour laquelle les boissons énergétiques sont généralement enrichies en glucides (lents et/ou rapides), en minéraux et parfois en acides aminés.
- Boissons de récupération : Après l’effort, les coureurs consomment généralement un shaker rempli avec une boisson végétale, des fruits mixés, de la protéine en poudre et des acides aminés, qui peut également être complété par une boisson de reminéralisation (enrichi en minéraux) afin de recharger ce qui a pu être perdu avec la transpiration durant la course.
L'Alimentation Pendant une Étape
Une course cycliste professionnelle dure plusieurs heures. Les coureurs ont donc besoin de s’alimenter en conséquence avant, pendant et après la course. Le rythme de la course et la position sur le vélo ne sont pas des conditions idéales pour s’alimenter pendant une étape du Tour de France. Mais la nutrition est indispensable pour éviter la fameuse « fringale ». Ils bénéficient aussi d’une musette lors du ravitaillement prévu pendant la course. Celle-ci contient également des bidons d’eau mais aussi des boissons sucrées, des gels alimentaires, des pâtes de fruits, des barres de céréales voire des pâtisseries.
Durant la course, les coureurs ont besoin d’un apport en glucose immédiat afin de maintenir la glycémie grâce à toute une gamme de nutrition sportive. Les coureurs du Tour de France sont donc amenés à consommer des barres de céréales, des gels énergétiques, des pâtes de fruit mais aussi des sachets de fruits ou des gourdes de compotes, ainsi que des en-cas salés comme des cakes ou des tartes afin de ne pas saturer l’organisme en aliments sucrés et de varier les plaisirs.
Sitôt l’arrivée franchie, les coureurs prennent une collation dont le but est d’aider à la récupération et de restaurer les stocks de glycogène musculaire et hépatique afin de ne pas endommager la fibre musculaire. Dans l’ordre, le coureur consomme une boisson gazeuse salée (pour réhydrater et faire tampon avec l’acidité accumulée durant l’effort), une ou des boissons sucrées en illimitée durant une heure et demie (au choix du coureur : soda, jus de fruit, sirop, etc.), des aliments semi-liquides (comme une compote de fruits qui a également l’avantage de stopper l’acide lactique).
Exemple de Repas d'un Coureur du Tour de France
Voici un exemple de repas typique d'un coureur pendant le Tour de France :
- Avant le départ : Le coureur prend un petit déjeuner composé d’aliments à index glycémique faible avec des glucides (céréales complètes, pain complet qui peuvent être complétés par du riz ou des pâtes complètes), des vitamines / minéraux (fruits, fruits secs, jus de fruits, compotes de fruits, etc.) et des protéines (fromage blanc, yaourt, lait végétal, jambon blanc, omelette, etc.), généralement accompagné d’un thé ou d’un café.
- Le dîner du soir : Ce repas est donc avant tout composé de glucides (qui servira de carburant pour le lendemain) et de protéines (pour reconstituer la fibre musculaire). Généralement, l’assiette est composée de deux-tiers de féculents (pâtes ou riz complets) et d’un tiers de légumes (pour les vitamines et les minéraux). Les crudités et le gras sont à bannir pour éviter de ralentir la digestion (qui empêcherait le sommeil des coureurs et qui est nécessaire pour une récupération optimale). La notion de plaisir doit primer pour les coureurs : c’est la raison pour laquelle les repas sont souvent variés et qu’ils ont le droit à un dessert plaisir mais peu gras la plupart du temps.
Évolution de la Nutrition Cycliste
La nutrition sur le Tour de France est devenue un aspect clé dans la vie des coureurs. Mais comment les habitudes alimentaires ont-elles changé lors du Tour de France ? De l’arrivée des chefs cuisiniers dans les équipes cyclistes, à la structure de l’alimentation à base de glucides, de gels ou de boissons énergétiques, tout est millimétré. Jetons un coup d’œil à l’évolution de la nutrition cycliste des années 1960 à aujourd’hui.
C’est au moment de l’après-guerre que la nutrition sur le Tour a commencé à devenir plus importante. Mais un changement est toujours difficile à adopter et les cyclistes ont gardé pendant longtemps des habitudes étranges. Eddy Merckx, par exemple, parlait de l’importance de la viande : « On mangeait à 6h30 ou 7h00 du matin avant la course. D’abord un petit déjeuner avec du fromage et du jambon, puis des steaks. C’était horrible, mais vous savez, il fallait manger des steaks pour être fort. C’était complètement fou. Le dîner c’était de la soupe, pourquoi pas un peu de poisson, puis des pâtes avec un autre steak. ».
Gatorade s’est fait un nom sur le Tour dans les années 1960. Dans un article paru en 1967, le scientifique Gunvar Ahlborg formule un tout nouveau concept qui ne vous est probablement pas inconnu : le « carb loading« . Ses publications d’études s’axent autour de la promotion du besoin en glucides, avant et pendant l’exercice physique. Une nouvelle approche qui a provoqué un changement progressif de la nutrition sur le Tour. Les coureurs s’éloignent petit à petit de la nourriture classique pour se tourner vers les barres et les boissons emballées. Tout à coup, les notions autour de la nutrition prennent un nouvel angle avec les glucides, mais aussi les protéines, les graisses et les antioxydants.
En 1988, une étude publiée dans International Journal of Sports Medicine étudiait cinq coureurs du Tour de France de cette même année. Les chercheurs ont découvert qu’en moyenne, les cyclistes consommaient environ 5900 kcal par jour, buvaient 6,7 litres de liquide et que 61 % de leur alimentation se composait de glucides. Mais ce n’est pas tout ! Ils consommaient en moyenne 94 g de glucides par heure pendant la course.
Dans les années 1990, l’équipe 7-Eleven a été la première à recruter un chef cuisinier lors du Tour de France. L’objectif était d’assurer une nourriture de grande qualité pour les coureurs, mais aussi d’éliminer le risque d’une mauvaise alimentation dans les restaurants d’hôtels. Ainsi, la nutrition d’équipe s’est développée en s’éloignant du pain et des pâtes typiques proposés dans la plupart des hôtels.
Dans les années 2000, les chefs cuisiniers des équipes du Tour ont élargi leur intervention nutritive. En plus d’aider les coureurs à s’alimenter lors du petit-déjeuner et du dîner, ils ont intégré des encas à base de galettes de riz. Il s’agit d’un aliment fraîchement préparé, facile à déguster à vélo, avec un meilleur goût que les gels connus jusqu’alors. Désormais, les coureurs pouvaient manger plus en se sentant mieux et souffraient moins de troubles gastro-intestinaux. Et il en existe de toutes sortes !
Après l’arrivée des chefs cuisiniers dans les équipes, le pôle nutritionnel a continué à s’étoffer avec d’autres corps de métier comme les nutritionnistes. Les coureurs ne se sont pas contentés d’adopter une seule façon de manger durant l’année ou pour le Tour. Leur apport a commencé à être périodisé. Avec des approches telles que le « Fuel for the work required » (“Du carburant pour le travail requis”), les coureurs peuvent avoir des apports faibles, moyens et élevés en glucides tout au long du Tour en fonction de leurs besoins, du type d’étape et de leur objectif stratégique. La préparation des courses est orchestrée autour de la nutrition pour atteindre une performance globale lors des compétitions.
L'Importance de l'Individualisation
Premier point : personne ou presque ne mange la même chose sur le Tour. Les sprinteurs, même si certains ont intérêt à rester affûtés pour passer les bosses, ne sont pas confrontés aux contraintes propres aux grimpeurs, qui doivent éviter le moindre gramme inutile tout en conservant assez de muscle pour produire de la puissance.
Pour correspondre aux spécificités de chaque coureur (masse corporelle, rôle de leader ou d'équipier…) et de chaque étape (plaine, montagne…), les menus concoctés en amont par les cuisiniers sont ajustés par les nutritionnistes et transmis aux athlètes pour qu’ils aient en tête ce qu'ils doivent manger à chaque repas et les grammages nécessaires. "Le plan nutritionnel change tous les jours, on essaie d'individualiser au maximum en fonction des profils des coureurs et des étapes. Chacun a des assiettes différentes. Chez nous, Warren Barguil et Matîs Louvel n’ont pas les mêmes besoins par exemple. La clé c’est de s’adapter. Au début c'était un peu nouveau pour eux, mais on a trouvé notre rythme. Sur le Tour, je fais des plans pour la journée et on en parle ensemble", témoigne la nutritionniste Lara Van Genechten, qui a rejoint Arkéa-Samsic cette année.
"Les coureurs sont de plus en plus demandeurs de programmes de nutrition adaptés en fonction de leurs objectifs, leurs points forts et leurs faiblesses, estime Cédric Vasseur. Une équipe qui est capable d'apporter ce plus a un avantage par rapport aux autres. C'est un domaine en perpétuel changement. Il ne faut pas croire que la nutrition parfaite d'aujourd'hui sera la même dans cinq ans. C'est motivant de trouver des nouveaux protocoles qui permettent aux coureurs d'être toujours plus forts et de se sentir bien."
L'Exemple de Julian Alaphilippe
Julian Alaphilippe est un affamé de victoires. Et sur le Tour de France, le champion du monde tricolore peut compter sur le chef cuisinier de l’équipe Deceunink-Quick-Step Riet Van de Velde, qui, approvisionné chaque jour en produits frais par Lidl, lui confectionne des repas pour assouvir son appétit de succès.
Voici un aperçu de son régime alimentaire :
- Son petit déjeuner : Des pancakes à la confiture, une omelette («avec plus de blancs d’œufs que de jaunes, c’est mieux !»), du pain, un smoothie banane, fraise, myrtille, un crumble à la compote de pommes et un café.
- Sa collation avant le départ : Des pancakes ou gâteaux énergétiques (gâteau pauvre en graisses et riche en glucides, combinaison de glucose et de fructose…).
- Son alimentation pendant la course : Des barres énergétiques/gels et des boissons isotoniques.
- Son repas à l’arrivée : De l’eau pour se rafraîchir et récupérer ainsi qu’un gel très riche en protéines. Puis un repas avec des glucides et des protéines (20-25 g) comme du poulet, du jambon cuit, des œufs, du thon.
- Son dîner : Une «petite» salade en entrée, pâtes (parfois risotto, riz, gnocchi ...), viande ou poisson avec quelques légumes, et un dessert à base de fruits.
- Son pêché mignon : La tarte aux abricots avec une pâte à la pistache fraîche.
Tableau Récapitulatif des Besoins Nutritionnels
Période | Objectifs | Aliments et Boissons |
---|---|---|
Avant l'effort | Hydratation, réserves de glucides et minéraux | Boissons d'attente (eau minérale, maltodextrine), céréales complètes, fruits, protéines |
Pendant l'effort | Hydratation, apport calorique, compensation des pertes en minéraux | Boissons isotoniques, barres de céréales, gels énergétiques, pâtes de fruits, en-cas salés |
Après l'effort | Récupération, restauration des stocks de glycogène | Boissons gazeuses salées, boissons sucrées, aliments semi-liquides (compote de fruits), protéines |
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