Le rituel du repas, fréquemment représenté dans la littérature de jeunesse, est entouré d'un ensemble de normes transmises aux enfants par l'intermédiaire des albums illustrés. Il s'agit de rites profanes, selon la définition de Claude Rivière, à un « ensemble de conduites individuelles ou collectives, relativement codifiées, ayant un support corporel, à caractère plus ou moins répétitif [et] à forte charge symbolique pour leurs acteurs ».
À partir de l’étude d’un corpus d’ouvrages destinés aux 5-8 ans et publiés entre 1950 et 2012, cet article propose une analyse diachronique des règles de conduite qui encadrent l’acte alimentaire. Particularly present in children's literature, the ritual of eating is surrounded by a set of norms transmitted to children through illustrated picture books. Based on the study of a corpus of books for 5-8-year-olds published between 1950 and 2012, this article offers a diachronic analysis of the rules of conduct that frame the act of eating.
En tant que pratique « codifiée », le rituel du repas obéit à des règles et est ainsi sous-tendu par un ensemble de normes. Quelles normes la littérature de jeunesse distille-t-elle alors par l'intermédiaire des ouvrages qui mettent en scène le temps du repas ? Comment celles-ci ont-elles évolué au cours du temps et dans quelle mesure s'adressent-elles à tous les enfants de la même manière, quel que soit leur sexe ou encore leur origine sociale ?
À partir de l'analyse d'un corpus de livres destinés aux enfants, cet article propose de mettre en lumière les normes transmises par la littérature de jeunesse abordant de près ou de loin le sujet du repas. Nous verrons dans un premier temps que ce rituel apparaît comme étant vecteur de nombreuses normes, à commencer par celle de la commensalité et des règles de civilité à observer pour ne pas mettre à mal le lien social que le repas permet de tisser. Nous montrerons néanmoins par la suite qu'au-delà de cet invariant, la consommation de nourriture est également le lieu de normes moins immuables, pour certaines évolutives, pour d'autres différenciées en fonction du public auquel elles sont adressées.
Ce corpus est essentiellement composé d’albums illustrés - qu’Isabelle Nières-Chevrel et Jean Perrot définissent comme des « livres qui combinent le texte et l’image dans un rapport nécessaire ».
Destinés à des enfants âgés de 5 à 8 ans, les ouvrages sélectionnés ont été choisis en ce qu'ils étaient disponibles au public au moment de la constitution du corpus. Ce parti rappelle la méthodologie utilisée par Christine Détrez pour son étude portant sur la construction biologique du corps dans les encyclopédies pour enfants. Les albums illustrés considérés ont été achetés dans certains points de vente (librairies spécialisées, grandes surfaces), empruntés dans des bibliothèques (bibliothèques municipales, BCD d'établissements scolaires) ou encore commandés par l'intermédiaire de sites de vente d'occasion en ligne. Une liste de mots-clefs a été dressée et utilisée afin de rechercher des livres dans l'ensemble de ces lieux d'approvisionnement.
Le repas : un moment de convivialité et de partage
Dans la littérature de jeunesse, la consommation de nourriture est avant tout présentée comme un moment convivial, créateur de lien social. Cette fonction fédératrice du repas est révélée par le contenu textuel ou iconographique des ouvrages, dans lesquels la nourriture est en effet le plus souvent consommée en groupe, que ce dernier soit restreint ou plus élargi, composé d'amis ou de membres de la sphère familiale.
L'idée que la nourriture est vectrice de convivialité et permet de tisser des liens entre les êtres est renforcée par le fait que, même lorsque la confection ou la dégustation du repas n'est pas l'objet central du livre, il n'est pas rare que l'intrigue se termine autour d'un dîner, d'une collation ou encore d'un simple gâteau. L'acte alimentaire est alors présenté aux enfants comme un événement fort, permettant de renouer des relations lorsqu'elles ont été mises à mal par les péripéties de l'histoire, de renforcer des affinités par le partage d'un moment festif, ou encore de sceller une amitié naissante.
Car en effet, dans les albums illustrés mettant en scène un temps de repas, l'isolement apparaît comme ayant un statut particulier. Les livres destinés aux jeunes lecteurs participent à véhiculer l'idée selon laquelle la nourriture ne peut, voire ne doit pas être consommée en toute solitude et distillent un ensemble de normes permettant aux enfants de prendre la mesure du fait que l'acte alimentaire doit avant tout symboliser et célébrer l'être ensemble. Ainsi, seuls quelques livres du corpus mêlent, dans leur intrigue, nourriture et solitude.
Lorsque cette solitude est choisie, elle est présentée comme un acte d'égoïsme, susceptible de mettre à mal le lien social. Le personnage concerné est alors présenté de façon négative - souvent comme un « glouton » ou un « goinfre » qui ne peut réfréner ses envies - et son comportement reste rarement impuni.
Dans d'autres livres, la solitude n'est pas le fruit d'un choix opéré par un personnage égoïste, mais bien plutôt un état d'isolement qui semble « s'imposer » au protagoniste. Lorsqu'elle est ainsi subie, la solitude est présentée comme une situation difficilement supportable. En effet, tout se passe comme si le fait de se retrouver seul face à de la nourriture venait renforcer le sentiment d'abandon des personnages, présentés pour certains comme étant désocialisés. L'impératif de convivialité associé au repas se trouve dès lors renforcé par la mise en scène de la tristesse provenant du fait de ne pas pouvoir partager ce moment avec d'autres convives et par la mise en valeur d'une intrigue conduisant bien souvent le protagoniste à trouver une manière de combler cette solitude. Ainsi, dans la plupart des cas, la création d'un nouveau lien social vient apaiser la souffrance initiale du personnage et l'ouvrage s'achève sur une scène festive de repas.
Il reste à souligner que, parce qu'il doit permettre la création d'un lien social, l'acte alimentaire est également porteur des règles du vivre-ensemble. Il est en conséquence le vecteur de normes transmises aux enfants par l'intermédiaire de la littérature de jeunesse. Ces normes concernent principalement le respect d'autrui et la nécessité de partager - le plus souvent de façon équitable - la nourriture entre tous les convives.
Évolution des normes alimentaires dans les albums jeunesse
Au-delà du caractère atemporel des valeurs de partage et de convivialité qui le sous-tendent, le rituel du repas a toutefois connu quelques évolutions au cours du temps. La plus importante d’entre elles concerne peut-être les membres que l’acte alimentaire réunit autour de la table. En effet, si les ouvrages les plus anciens du corpus sont plus nombreux à mettre en scène la sphère familiale, les ouvrages parus après le début des années 1980 abritent pour leur part plus fréquemment des histoires qui se déroulent au sein de la sphère amicale.
Ainsi, l'augmentation du nombre d'albums illustrés au sein desquels sont exposés des goûters ou des dîners entre amis, offre une visibilité plus importante aux relations que l'enfant entretient avec son groupe de pairs et à la place qu'il y occupe. Dans ces livres, les figures parentales ou grand-parentales ne sont pas nécessairement absentes, mais, lorsqu'elles sont présentes, restent cantonnées dans des rôles plus secondaires.
Malgré cette tendance, la sphère familiale reste bel et bien présente dans les ouvrages de littérature de jeunesse et de nombreux albums illustrés mettent encore aujourd'hui en scène des repas familiaux. Néanmoins, dans ces livres, une autre évolution transparaît et concerne la place accordée à l'enfant au sein de la famille. Auparavant dernier membre d'une lignée composée d'individus auxquels il adresse des marques de respect, l'enfant devient progressivement l'objet de toutes les attentions. Ce renversement, visible à travers le contenu textuel ou iconographique des albums, est le reflet d'un certain nombre de changements survenus dans la société française dès le milieu des années 1960.
Avec l'apprentissage de la propreté, la diversification alimentaire fait partie de ces grands challenges que tout jeune parent doit relever. En théorie, la diversification alimentaire, c'est simple : introduction d'une alimentation autre que le lait d'abord essentiellement liquide entre 4 et 8 mois, puis plus solide entre 9 et 12 mois. Et tout ça jusqu'à 3 ans. En pratique, ça se complique.
Livres pour aider à la diversification alimentaire
Les livres aident votre bébé à découvrir les aliments autrement. Montrez-lui des images colorées de fruits, légumes et plats variés. Il observe, touche et associe les mots aux aliments réels. Lisez avec enthousiasme pour éveiller sa curiosité. Choisissez des livres interactifs. Certains proposent des textures à toucher, des volets à soulever ou des odeurs à sentir. Ces expériences renforcent son intérêt pour la nourriture. Associez la lecture au repas en lui montrant les aliments du livre dans son assiette. Faites de la lecture un rituel joyeux. Laissez-le choisir son livre, nommez ensemble les aliments, inventez des histoires autour des repas. Plus la découverte est ludique, plus il explore avec plaisir.
La diversification alimentaire est une étape centrale du développement de bébé. Les illustrations captent l'attention et éveillent la curiosité. Choisissez des couleurs vives et des dessins réalistes pour qu'il reconnaisse les aliments. Les volets à soulever, textures à toucher et odeurs à sentir rendent la lecture plus engageante. Votre enfant explore avec ses sens et mémorise mieux. Les phrases doivent être courtes et rythmées. Un vocabulaire accessible permet de comprendre facilement. Lisez avant ou pendant le repas pour créer un lien direct avec les aliments. Montrez-lui dans l'assiette ce qu'il voit dans le livre. Un livre cartonné ou plastifié résiste aux petites explorations enthousiastes. Un format maniable lui permet de feuilleter seul et de s'approprier l'histoire. Certains livres accompagnent la diversification sur plusieurs mois. Ils suivent l'évolution des goûts et des textures. Un héros gourmand qui découvre les aliments encourage votre enfant à faire pareil. Il s'identifie et suit l'histoire avec enthousiasme.
Pour accompagner votre enfant dans la diversification alimentaire, lisez lui des histoires. Si vous l'écoutiez, il se nourrirait de gâteaux, de chips et des pâtes. Rassurez-vous, il n'est pas le seul. Entre 2 et 7 ans, 6 enfants sur 10 manifestent ce qu'on appelle une "néophobie alimentaire". Autrement dit, pas question de les faire goûter à un aliment inconnu !
Tout aliment inconnu suscite chez lui une réaction de méfiance ? Il trie dans son assiette, écartant impitoyablement tout ce qui ne ressemble pas à ce qu'il connait déjà - un brin de persil, un petit oignon nouveau, une tête de brocolis ? Et si vous insistez pour qu'il goûte, il tourne et retourne l'aliment du bout de sa fourchette, grimace, mâche interminablement et souvent recrache - voire vomit de façon démonstrative? Pas de doute, il est en pleine phase de refus de la nouveauté ! Inutile de le forcer. En faisant pression sur lui, vous risquez au contraire de l'enfermer dans une attitude d'opposition et de transformer la table familiale en terrain de conflit.
Haricots verts, brocolis, choux de Bruxelles et autres épinards soulèvent une réticence toute particulière chez nos petits. Mais pourquoi ce désamour ? Selon les chercheurs, le cerveau des enfants serait programmé pour se méfier des légumes verts. Une réminiscence d'un temps où les plantes étaient potentiellement empoisonnées et où l'instinct de survie commandait de ne pas les cueillir. Pour lever ce blocage venu du fond des âges, rien de tel que l'exemple. Mettez les légumes verts à votre table ! Si vous ne mangez pas de brocolis ou de blettes, il y a peu de chances pour que votre enfant les apprécie.
Autre moyen de familiariser votre enfant avec la nouveauté : lui faire faire des activités sur le thème de l'alimentation. Cuisiner, créer un potager, faire des dégustations. On le sait : les enfants acceptent plus facilement les aliments qu'ils manipulent. Vous pouvez aussi feuilleter des livres avec lui pour éveiller sa curiosité.
Et bien sûr, toutes les petites histoires qui mettent en scène des enfants qui boudent devant leur assiette, comme lui, ou au contraire qui se régalent des mets les plus improbables, sont les bienvenues.
Exemples d'albums jeunesse sur l'alimentation
- Flora n'a pas l'intention de finir son assiette ce soir: Ce que son papa lui a cuisiné, c'est une verte et berk purée de brocolis.
- Mardi, soupe de carottes et de céleri. Jeudi, salade de pissenlits. Vendredi ? Sucette au chocolat, tout est permis ! : Dans des décors au graphisme soigné, de drôles d'animaux gourmands se régalent ou font la grimace, selon le plat qui leur est servi.
- Ce matin, au grenier, Edmond a retrouvé le vieux livre de cuisine de sa grand-mère: Il y retrouve une recette qui a bercé son enfance : la soupe à tout.
- Il était une fois une famille d'ogres tellement affamés qu'ils avaient mangé tous les animaux de la région: Petit Ogret et ses frères se retrouvent perdus dans la forêt et arrivent dans la maison du Grand gros géant qui leur sert un repas étrange : des choux.
- Meuh... Ce n'est pas le tout, de manger ce qui est servi dans son assiette ! Il faut aussi bien se tenir à table: Cet joli livre cartonné met en scène quatre animaux pas très bien élevés.
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