Vous avez probablement déjà pris un complément alimentaire ou songé à le faire pour combler certaines carences, améliorer votre santé ou booster votre énergie. Mais entre les tendances qui fleurissent et les conseils contradictoires, une question se pose : les compléments alimentaires sont-ils vraiment inoffensifs ? Ce n’est pas une question anodine, et plusieurs alertes récentes nous poussent à réfléchir avant de remplir notre panier. Faut-il revoir notre utilisation de ces produits, même les plus “naturels” ?
Compléments alimentaires : quand la nature cache des dangers
Les compléments alimentaires, souvent présentés comme des solutions simples pour améliorer notre bien-être, ne sont pas aussi inoffensifs qu’ils en ont l’air. Même les produits dits naturels peuvent dissimuler des risques insoupçonnés. Bien que ce produit soit présenté comme naturel, il peut avoir des effets dévastateurs sur le foie, et cela, malgré son image “d’innocence”. Un exemple frappant est le Garcinia cambogia, un extrait végétal utilisé dans certains produits minceur, qui a été lié à des cas graves de toxicité hépatique.
Fanny Huret, responsable de la mission Nutrivigilance de l’Anses, souligne qu’il est essentiel de comprendre que les compléments alimentaires peuvent contenir des ingrédients toxiques ou être mal dosés. Si la vitamine C semble inoffensive en petite quantité, un excès peut entraîner des calculs rénaux, notamment si on en consomme trop de manière régulière. Voilà pourquoi, avant de se tourner vers une cure, mieux vaut se demander si un simple régime alimentaire pourrait suffire.
Le mésusage et les interactions médicamenteuses : des risques invisibles
Un autre danger majeur des compléments alimentaires réside dans le mésusage et les interactions médicamenteuses. Prenons l’exemple de la vitamine D. Elle est essentielle pour les nourrissons, mais certains produits trouvés en ligne contiennent des doses largement supérieures à celles recommandées. Une surconsommation de cette vitamine peut entraîner un excès de calcium dans le sang, une condition potentiellement irréversible qui affecte les reins.
Les interactions entre certains compléments alimentaires et les médicaments peuvent également nuire à votre santé. Un complément de mélatonine mélangé à des médicaments contre l’anxiété peut provoquer des effets secondaires comme des hallucinations. Ce genre d’incidents montre à quel point il est important de consulter un professionnel avant d’ajouter des compléments à son quotidien, surtout si vous suivez déjà un traitement.
La tentation de l’achat en ligne : attention aux produits dangereux
La vente de compléments alimentaires sur internet est devenue une véritable jungle, où certains produits sont loin d’être sûrs. Des compléments, censés être « naturels », contiennent en réalité des substances interdites, comme le sildénafil, la substance active du Viagra, qui peut entraîner des céphalées, des rougeurs ou des troubles digestifs. Ces produits sont parfois vendus par des sites hébergés en dehors de l’Union européenne, échappant ainsi à la réglementation stricte des pharmacies françaises.
Bien que les pharmacies restent des lieux de confiance, même dans ce domaine, il convient d’être prudent. Certaines pratiques commerciales dans les officines peuvent également orienter les consommateurs vers des produits qui ne sont pas forcément les plus sûrs, mais qui rapportent plus au pharmacien. Un vrai casse-tête pour le consommateur !
Analyse de 60 Millions de Consommateurs
Dans le nouveau hors série de "60 Millions de consommateurs", les compléments alimentaires sont remis en cause. 60 millions de consommateurs a passé au crible la composition d'une centaine de produits parmi les plus achetés dans les pharmacies françaises en hiver. L'enquête du magazine met sérieusement en doute leur efficacité. Pour lutter contre les problèmes de sommeil, rhume, fatigue, transit… ils ont acheté pas moins de 150 millions de boîtes de compléments alimentaires en 2018. Un marché prospère qui a représenté 1,9 milliard d’euros de chiffre d’affaires. Mais ces remèdes sont-ils aussi efficaces qu'ils prétendent l'être?
Avec l'aide de plusieurs médecins et pharmacologues, 60 Millions de consommateurs, a passé au crible la composition de plus de 120 compléments alimentaires parmi les plus achetés en pharmacie, parapharmacie et autres magasins bio, en automne et en hiver. Publié ce jeudi, le magazine édité par l'Institut national de la consommation (INC) révèle que l'efficacité de bon nombre de ces produits présentés comme salvateurs n'est pas démontrée, et que certains peuvent même être néfastes pour la santé. 60 millions de consommateurs met en garde contre certaines substances potentiellement dangereuses notamment pour les os, le foie, le fœtus ou encore les vitamines D, E et K qui vont aller se stocker dans les graisses.
Produits Épinglés par 60 Millions de Consommateurs
Des produits extrêmement réputés sont pointés du doigt, tels que les ampoules Juvamine censées "tonifier" et "stimuler" le corps. Le magazine juge ces dernières médiocres, car elles contiennent beaucoup de substances stimulantes comme de la caféine, ainsi que de l'eau, du jus d'orange et du sirop de fructose.
Or la caféine, présente dans ces comprimés "stimule la vigilance et masque l'envie de dormir", mais elle empêche aussi "le bon fonctionnement du processus de mémorisation" et peut entraîner "en cas de surdosage céphalées, anxiété, nausées et troubles du rythme cardiaque". Particulièrement connu pour aider à la concentration, le fameux Berrocca est lui aussi jugé "à proscrire" par les experts de l'étude, car il contient plusieurs substances problématiques, ainsi que des recommandations "très insuffisantes".
De la même manière, les comprimés de Bion 3 sont déconseillés, car ses indications sont jugées "trop floues". Le fabricant recommande en effet de prendre "plusieurs cures" de 30 à 60 jours par an, ce qui pourrait provoquer un risque de surdosage, écrit 60 millions de consommateurs. Les pastilles pour la gorge telles qu'Oropolis ou encore les sirops adoucissants comme Proroyal "spécial enfant" ne sont pas épargnées. Ceux-ci sont "à proscrire", selon le magazine, puisqu'ils contiennent moult additifs pouvant causer des désordres intestinaux ou des réactions allergiques.
Additifs et Surdosage : Sources de Préoccupation
Les additifs sont mis en cause : c'est le cas du colorant Allura ou du dioxyde de titane, tous deux omniprésents dans les compléments alimentaires. Le premier serait à l’origine d’une hyperactivité chez les enfants. Le second entraînerait des problèmes inflammatoires et immunitaires. Autre point de préoccupation : le surdosage de certaines spécialités, telle que la vitamine C. Prise à forte dose, elle peut abîmer le foi et les reins. Même chose pour les vitamines B6 ou B12, dont le surdosage peut impacter le système nerveux. Un paradoxe, car ces suppléments de vitamines sont plébiscitées pour leur vertus anti-fatigue et énergisantes.
Sous forme de compléments alimentaires, la mélatonine peut provoquer des vomissements et des maux de tête chez certaines personnes. Le magazine appelle également à se méfier des effets secondaires de certains produits. L'extrait de pépins de pamplemousse a beau avoir des vertus positives, il faut se méfier de ses potentielles interactions.
Réglementation et Mise en Garde
De manière générale, l'Académie de pharmacie alerte sur les risques de certains produits et dénonce, avec l'Académie de médecine, une réglementation trop laxiste. Bien qu'ils soient souvent présentés comme des gélules ou des comprimés, les compléments alimentaires ne sont pas des médicaments. Ces gélules, contrôlées par la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes), sont en effet soumises à une réglementation moins longue et moins coûteuse.
"Cette banalisation peut laisser penser au consommateur que ces produits sont sans danger et qu'il est capable de les choisir sans en référer à une autorité médicale", explique au magazine Aymeric Dopter, adjoint au chef de l'unité d'évaluation des risques liés à la nutrition à l'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail).
Contrairement aux médicaments, les compléments alimentaires n'ont pas besoin de prouver leur efficacité ni leur innocuité. Une déclaration suffit, selon le magazine.
Le magazine 60 Millions de consommateurs a passé au crible 120 compléments alimentaires parmi les plus vendus. Non seulement ces produits, dont les Français sont les premiers consommateurs en Europe - ils en ont acheté pour presque deux milliards d'euros l'an dernier -, ne sont pas soumis à une réglementation contraignante, mais les notices ne sont pas obligatoires.
Certaines plantes "font l'objet d''un usage bien établi'" et ont un "mode d'action connu". Mais selon le magazine, peu de produits sur le marché disposent d'études scientifiques attestant de leur bien-fondé sur la santé.
Ainsi, un certain nombre de produits étudiés contiennent également du dioxyde de titane (E 171), soupçonné d'être pro-inflammatoire et de nuire au système immunitaire. S'ils sont considérés comme "naturels, donc inoffensifs", souligne le magazine, ces compléments présentent un risque potentiel et en particulier un risque de surdosage. Certaines vitamines, comme la mélatonine, même en faible quantité, risquent ainsi de perturber les cycles de sommeil. Des produits peuvent également être contre-indiqués pour les femmes enceintes, les enfants, les personnes âgées ou les sujets allergiques. Ils peuvent aussi interagir avec des traitements en cours.
Enfin, il existe également des risques d'effets secondaires, telles que des nausées, des vertiges et des palpitations. L'Académie de médecine et l'Académie de pharmacie dénoncent donc "une réglementation trop laxiste et source de confusion", poursuit le magazine.
Le spécialiste cité par l'enquête souligne que "le millepertuis accélère la dégradation de certaines molécules et peut diminuer l'efficacité d'un traitement anticancéreux et même de la pilule contraceptive".
Rappelant qu'un complément alimentaire "est destiné à pallier une insuffisance réelle ou supposée des apports journaliers", Luc Cynober, professeur de nutrition à l'université Paris-Descartes, explique ainsi qu'"à côté des vitamines et minéraux qui correspondent à cette définition, on a autorisé un maquis de substances destinées à tout un tas d'application : beauté, force, stress, régime amincissant..."
Pour le nouveau hors-série de 60 Millions de consommateurs, nous avons étudié 120 compléments alimentaires de six catégories différentes : fatigue, baisse de tonus, insomnie, stress, rhume et virus respiratoires, maux digestifs. Si certains se révèlent intéressants, d’autres peuvent, au contraire, être susceptibles d’engendrer certains troubles ou d’aggraver des pathologies.
Nous avons pu constater que beaucoup de ces produits sont élaborés avec un grand nombre d’additifs dont certains peuvent nuire à la santé, tel le colorant rouge allura, qui favorise l’hyperactivité chez les enfants ; ou encore le dioxyde de titane, soupçonné d’être pro-inflammatoire et néfaste au système immunitaire.
Certains dosages se révèlent excessifs ou inutiles, du type : + 200 % de vitamine C. Pire, l’élimination des excédents de ces substances peut nuire au foie ou aux reins. En outre, certaines vitamines prises de manière trop importante sur de longues durées sont susceptibles de nuire au système nerveux alors que, paradoxalement, elles étaient préconisées pour l’améliorer.
Beaucoup de substances utilisées dans les compléments alimentaires peuvent entraîner des effets secondaires. C’est le cas de la mélatonine qui, chez certains sujets, provoque des maux de tête ou des vomissements. Enfin, certains produits peuvent entrer en interaction avec des traitements existants.
Parmi les 120 compléments alimentaires analysés, 59 écopent de la mention «à proscrire» et 50 la mention «faute de mieux». Dans le premier cas, cela signifie que le produit contient «des substances problématiques et (ou) les mises en garde et recommandations sont très insuffisantes», explique 60 Millions de consommateurs. Dans le second cas, cela veut seulement dire que le produit PEUT contenir des substances problématiques.
Alors que les industriels du médicament doivent prouver l’efficacité et l’innocuité de leurs produits par des études cliniques poussées, les fabricants de compléments alimentaires sont largement déchargés de ces contraintes. Mais en pratique, «l’autorité n’est tenue de vérifier ni l’efficacité selon le dosage proposé, ni la sécurité de chaque produit», explique la revue. En l’absence de réponse de la DGCCRF, qui dispose de deux mois pour valider ou non la demande, le produit est automatiquement autorisé.
L'Importance d'un Avis Médical
«Même si nous ne nous nourrissons pas toujours correctement, la population française dans son ensemble n’a, a priori, aucun besoin d’une supplémentation nutritionnelle particulière, sauf avis contraire d’un professionnel de santé», rappelle le magazine. Malgré des allégations séduisantes (qui sont, elles, strictement encadrées), il faut avoir en tête que les compléments alimentaires n’ont absolument pas eu à faire la preuve de leur efficacité, contrairement aux médicaments.
Malgré cette image de produits naturels qui seraient forcément bénéfiques, les compléments alimentaires contiennent parfois des substances actives loin d’être anodines. Dans un communiqué publié le 10 octobre, le Syndicat national des compléments alimentaires (Synadiet) a fait état de son «étonnement» face à ce hors-série. Dans un élan lyrique, il insiste sur le fait que «les compléments alimentaires relèvent de traditions millénaires appartenant au patrimoine de l’humanité».
Même s’ils ont l’apparence de médicaments et si on les achète le plus souvent en pharmacie, les compléments alimentaires continuent à pouvoir être vendus sans avoir jamais apporté une quelconque preuve de leur efficacité. Allégations trompeuses et slogans mensongers sont monnaie courante sur ce marché.
L'Anses a tiré la sonnette d'alarme sur la consommation de ces produits, même les plus naturels. Naturel ne veut pas dire sans danger. Cette phrase, que nous répétons à l’envi dans les colonnes de 60 millions de consommateurs, vaut particulièrement pour les compléments alimentaires. La tendance des gummies ne fait que conforter cette banalisation : les compléments alimentaires se déguisent désormais en bonbons.
Concernant la toxicité, l’Anses alertait, il y a moins d’un moins, sur le danger mortel des compléments alimentaires à base de Garcinia cambogia. Quant au mésusage, un exemple emblématique est le surdosage en vitamine D des nourrissons. Du côté des interactions médicamenteuses, l’Anses avait publié, en juillet 2024, un avis relatif à un cas d’hallucination en lien avec la consommation d’un complément alimentaire à base de mélatonine et de pavot de Californie, deux ingrédients qui interagissent avec de nombreux médicaments. Enfin, certains compléments alimentaires vendus sur internet contiennent des substances frauduleuses qui mettent en danger la santé des personnes qui les consomment.
Le spécialiste pointe notamment du doigt les sites internet hébergés en dehors de l’Union européenne, qui peuvent vendre des produits dangereux. Mieux vaut se fier aux pharmacies… en gardant bien en tête qu’il s’agit d’un commerce qui peut avoir intérêt à mettre en avant certains produits. L’idéal reste de consulter son médecin avant de se tourner vers des compléments alimentaires, quels qu’ils soient.
Si vous souffrez d’effets secondaires après avoir consommé un complément alimentaire, vous pouvez faire un signalement auprès du dispositif de Nutrivigilance de l’Anses. Pour cela, il vous suffit de vous rendre sur le site www.nutrivigilance-anses.fr et de remplir le formulaire en ligne.
Prétox et Marketing Trompeur
Le Dr Jacques Fricker, médecin nutritionniste à l’hôpital Bichat, à Paris, met en garde contre ces promesses qui banalisent les dangers d’une consommation excessive d’alcool. « En renforçant l’idée que les effets indésirables peuvent être évités par la simple prise de compléments, cela pousse à la consommation. »
Même son de cloche pour Marie-Christine Boutron-Ruault, ancienne directrice de recherche au Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations de l’Inserm et vice-présidente du comité d’experts en nutrition humaine à l’Anses : « Le message véhiculé par ces compléments est désastreux en termes de santé publique : la gueule de bois n’est pas le seul danger, surtout chez les jeunes, où l’on observe de plus en plus de comas alcooliques, d’hépatites aiguës et d’agressions liées au binge drinking, une pratique récente en France qui favorise par ailleurs l’addiction.
Ce complément entend atténuer ce pic pour éviter les fringales. « Indépendamment de la question de l’efficacité, le risque est que les consommateurs se mettent à manger sans compter. « Par ailleurs, en commençant son repas par ces aliments riches en fibres, ces derniers tapissent l’intestin, limitant l’absorption du glucose. Ce qui réduit naturellement le pic glycémique ».
Année | Chiffre d'Affaires | Nombre de Boîtes Achetées | Pourcentage d'Adultes Consommateurs |
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2018 | 1,9 milliard d'euros | 150 millions | - |
2023 | 2,7 milliards d'euros | - | 22% |
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