En France, rien n'empêche un maire de mettre dans les cantines scolaires des menus avec du porc sans proposer un menu de substitution. C'est le cas à Chalon-sur-Saône, en Saône-et-Loire, où depuis plus d'un an, un bras de fer oppose le maire Les Républicains, Gilles Platret à la Ligue de défense judiciaire des musulmans. Depuis qu'au nom du principe de la laïcité, le maire a décidé de supprimer les menus de substitution, la Ligue a multiplié les recours devant le tribunal administratif.
Dans une circulaire, le ministère de l'intérieur rappelle que la cantine scolaire est un service public administratif facultatif et que les maires sont libres de proposer ou non des menus de substitution. Les maires ne sont pas tenus de prendre en compte les revendications religieuses.
Arguments pour la suppression des menus de substitution
Certaines localités n'ont pas attendu cet avis pour arrêter les repas de substitution. C'est le cas à Arveyres, en Gironde, à Castanet-Tolosan, près de Toulouse, ou encore à Antibes. Plus récemment, fin septembre, la mairie de Lézignan-Corbières (Aude) a annoncé qu'elle ne servirait plus de deuxième menu sans porc, en vertu des principes de la laïcité.
D'autres arguments fréquemment avancés : le souci d'économie, la lutte contre le gaspillage et la volonté de faciliter le travail des agents en cuisine. À Castanet-Tolosan, on se justifie en expliquant avoir fait des efforts conséquents en séparant - pendant la cuisson et le service - la viande de porc de son accompagnement.
Au nom du "principe de laïcité", le maire de Sargé-lès-Le Mans ne proposera plus de menus de substitution aux élèves de sa commune qui ne mangent pas de porc. S'il est dans son droit, l'édile avance des arguments religieux et pratiques qui ne tiennent pas. L'édile justifie sa décision par "principe de neutralité républicaine" et par "principe de laïcité". "Le maire n'est pas tenu d'offrir des repas répondant aux exigences religieuses", a-t-il poursuivi aux micros d'Europe 1.
La formule émane du maire de Chalon-sur-Saône qui, en mars dernier, annonçait la suppression des menus de substitution dans les cantines scolaires de la ville, au nom du "principe de laïcité". Gilles Platret faisait valoir, pour argumenter sa décision, que "l'offre de restauration ne [pouvait] pas prendre en compte des considérations religieuses" , ajoutant que "les cantines scolaires de Chalon [devaient] redevenir des espaces de neutralité".
Alors que la droite brandit régulièrement (mais sans rien en faire) la fin des menus de substitution dans les cantines, personne ou presque ne s'est exécuté. Personne sauf le très sarkozyste maire de Chalon-sur-Saône, Gilles Platret, qui a supprimé en 2015 les menus sans porc dans les cantines. Son argumentaire s'appuie notamment sur un point : les menus de substitution obligeraient à un regroupement confessionnel des élèves.
«Je veux éviter ce système où les enfants sont regroupés à une même table en fonction de leur religion», disait-il en 2015.
Arguments contre la suppression des menus de substitution
Pour Cécile Dumas, conseillère municipale de l'opposition (Front de Gauche), « cette notion de la laïcité est hallucinante. Pour moi, la laïcité c'est la diversité. Il n'est pas difficile de proposer une autre viande que le porc aux enfants qui n'en mangent pas. Il ne faut pas oublier que, dans certaines familles modestes, ce repas du midi constitue souvent l'unique source protéinée de la journée. Mais attention, si nous plaidons pour le choix, nous ne voulons, en aucun cas, que le porc disparaisse des cantines ».
Le Conseil d’État juge qu’il n’est ni obligatoire ni interdit pour les collectivités territoriales de proposer aux élèves des repas différenciés leur permettant de ne pas consommer des aliments proscrits par leurs convictions religieuses. Il juge en revanche que ni les principes de laïcité et de neutralité du service public, ni le principe d’égalité des usagers devant le service public n’interdisent aux collectivités de proposer des menus de substitution.
Le refus de la diversité ne peut pas s'expliquer par la laïcité. L'offre de choix de viande ne relève pas de prescriptions religieuses mais de l'intérêt général. "On peut ne pas avoir envie de manger de viande, de manger telle viande, être végétarien ou végétalien ou suivre un régime!", s'étrangle Nicolas Cadène, rapporteur général auprès de l'Observatoire de la laïcité.
Non seulement l'arrêt des menus de substitution ne relève pas directement de la sphère religieuse mais elle ne correspond pas à l'esprit de la laïcité, qui promeut l'égalité entre les citoyens et non la division. "Désormais, il y a ceux qui ont de la viande dans leur assiette, et ceux qui n'en ont pas. N'est-ce pas là que l'on crée une différence?", s'interroge auprès du Parisien Kamel Chibana, qui a monté un collectif pour protester contre la décision du maire de Lagny-le-Sec.
"Cela crée, en plus, un problème là ou il n'y en avait pas. Les repas de substitution n'ont jamais posé problème", s'insurge aussi une parent d'élève de Sargé-lès-Le Mans, jointe par France Bleu.
Najat Vallaud-Belkacem avait alors appelé au "discernement" , avant de durcir le ton, condamnant une décision qui "prend en otage les enfants" . "Supprimer la possibilité d'avoir un menu non confessionnel, je trouve que c'est une façon, en réalité, d'interdire l'accès de la cantine à certains enfants."
L'argument a été balayé lundi par le tribunal administratif de Dijon, qui a annulé la suppression des menus de substitution en invoquant «l'intérêt supérieur de l'enfant». Dans sa décision, le tribunal note que la ville n'apporte aucune preuve qu'il soit impossible d'éviter le regroupement des élèves.
Décisions de justice et positions politiques
La cour administrative d'appel de Lyon a donné tort, ce mardi 23 octobre, à la mairie de Chalon-sur-Saône, qui a mis fin aux menus de substitution lorsque des plats à base porc étaient servis dans les cantines scolaires. Cette décision, qui vient confirmer celle du tribunal administratif de Dijon en 2017, constitue un nouvel élément dans une vieille controverse.
Nicolas Sarkozy, président de l'UMP a approuvé la suppression des menus de substitution, lui aussi au nom de la "laïcité". "Dans les cantines d'écoles publiques, je suis opposé à ce qu'on appelle les repas de substitution où, en fonction de l'origine des enfants, de la religion des parents, on choisit des repas différents", avait-il déclaré sur TF1 .
Sondage d'opinion
Une majorité de Français est opposé aux menus de substitution dans les cantines. Selon un sondage Odoxa/CQFD-iTélé, publié vendredi soir, 53% des Français sont opposés "à ce que les cantines des écoles publiques proposent un plat de substitution aux enfants qui, parce qu'ils sont juifs ou musulmans, ne mangent pas de porc ", contre 46% favorables (1% sans opinion).
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