Redoutée de par sa capacité de conquête du territoire qu’elle déploie inlassablement, la ronce (Rubus fruticosus) est un mûrier sauvage aux multiples vertus. Des graines trouvées sur les sites lacustres du néolithique laissent à penser que les populations préhistoriques savaient en apprécier les bienfaits.
Les témoignages au cours de notre Histoire ne manquent pas, de Théophaste (IVe siècle av. JC), en passant par Dioscoride, Pline l’ancien, Hildegarde de Bingen, etc. C’est l’une des plantes sacrées des druides invitées sur terre pour protéger le royaume des fées. La ronce nourrit de nombreuses légendes.
Parmi ces légendes, l’une d’elle raconte que les feuilles du murier sauvage ont le pouvoir de retourner le mal aux ennemis qui les ont envoyés ainsi que celui d’éliminer les mauvais esprits de votre maison. Une autre légende, issue du folklore anglais, nous dit que les mûres ne devaient pas être cueillies après Michaelmass (29 septembre), car le diable y aurait laissé sa marque en urinant sur les feuilles.
Description botanique de la ronce
Difficile de la mettre dans une case bien définie tellement elle déploie de variantes. Elle compte en effet de nombreuses espèces et énormément d’hybrides. Plusieurs centaines d’espèces au total ! Déjà, on peut dire que c’est une vivace « coriace », vous n’en douterez pas si elle s’est installée sur votre propriété.
Elle à des feuilles semi persistantes, c’est-à-dire qu’elle ne se dénude jamais tout à fait. La première année, la liane reste relativement souple et herbacée. La deuxième année, elle se durcit, on dit qu’elle devient « semi-ligneuse ». Le renouvellement des rameaux est donc constant, mais les vieux rameaux ne disparaissent pas.
Certaines espèces ont des feuilles à 3 folioles, d’autres ont des feuilles à 3 ou 5 folioles sur le même pied. D’autres en ont 5 comme Rubus ulmifolius (ronce à feuilles d’orme, commune dans le midi de la France). Certaines ont 7 folioles.
Les fleurs sont petites et caractéristiques des rosacées : 5 pétales, 5 sépales et de nombreuses étamines. Le fruit, la mûre, n’est techniquement pas un fruit. C’est un regroupement de petits fruits, un amas de petites boules noires.
Chaque boule est une « drupe », un fruit qui contient une graine. C’est cette délicieuse gourmandise qui nous pousse à affronter ses redoutables dards. Le fruit sont d’abord verts, puis rouges, puis tournent au noir violacé - c’est à ce moment-là qu’on les cueille pour les consommer.
Son système racinaire est tout aussi vigoureux que sa partie aérienne, de nombreuses racines d’apparence grêle s’étendent en couronne autour du pied, à environ 20cm dans le sol. La ronce se multiplie grâce aux graines (nos amis renards sont les champions de la propagation, au travers de leurs excréments, car ces coquins adorent les mûres).
Les bienfaits et utilisations de la ronce
Tout d’abord le fruit est délicieux, très nutritif. On en fait des sirops, des configures, des tartes, des jus. Ces pigments ont des propriétés protectrices du système cardiovasculaire très intéressantes.
Ils peuvent aider à diminuer la tension arterielle, ont un effet protecteur sur les artères et empêchent le dépôt de la plaque (athérome). Donc un effet protecteur vasculaire général qui est très intéressant.
La feuille à peine éclose et les jeunes pousses (que l’on appelle les « turions »), qui sont les nouvelles tiges tout juste sorties de terre, peuvent être cuits et consommés un peu comme des asperges.
Comme expliqué dans mes deux vidéos sur les tanins, ces substances ont la capacité de resserrer des tissus boursouflés et suintants. Si vous souffrez de gingivite avec des gencives rouges, enflées, sensibles, qui saignent facilement, alors la ronce est faite pour vous.
Pour l’angine en revanche, elle devient un allié efficace. Mais obtenez un diagnostic médical d’abord. Votre médecin vous fera faire un frottis afin de vérifier si l’angine est virale ou bactérienne. Si elle est bactérienne, les complications d’une angine streptococcique mal soignée peuvent être sérieuses.
On préparera ici une décoction des feuilles, puis on salera la décoction une fois qu’elle est devenue tiède. En effet, le sel rajoute un effet thérapeutique bien connu pour l’angine. Une cuillère à café par 250 ml suffit, à bien dissoudre avant de faire un gargarisme plusieurs fois par jour.
On ne va pas utiliser la ronce s’il y a une petite irritation passagère. Pour une forte irritation de l’estomac, on pourrait par exemple combiner la ronce avec la réglisse (anti-inflammatoire et anti-ulcéreux), le souci et le plantain (deux réparateurs des muqueuses digestives).
Pour tout ce qui est diarrhée aiguë, en général il est bon de « laisser sortir » et de ne pas interférer avec ce processus d’élimination. Ses vertus hémostatiques la rendent efficace dans les petites blessures avec plaies (décoction des feuilles et cataplasmes).
La prise interne (forme décoction) est indiquée contre les métrorragies, c’est-à-dire les saignements entre les règles. Vous vous souvenez de mes vidéos sur les tanins ? Il en existe deux types. Nous parlons ici du deuxième type qui sont les tanins condensés.
Et là encore il faut s’imaginer la situation : les veines ont perdu leur intégrité, les valves ne fonctionnent plus, il y a accumulation de liquide dans le bas du corps, suintement avec du liquide qui s’accumule dans les tissus.
La ronce était traditionnellement utilisée en Europe pour traiter le diabète. On peut donc l’utiliser lorsque l’on accompagne une personne qui a des problèmes de glycémie trop élevée. On va combiner ces mesures avec des changements alimentaires bien sûr, c’est toujours la priorité lorsque l’on a des problèmes métaboliques.
Quasiment toutes les parties de la plante sont utilisables et présentent une utilité tout au long de l’année (feuilles, jeunes pousses, baies, racine). Les feuilles sont idéalement ramassées juste en début de floraison afin de maximiser la richesse en constituants. Il est compliqué de ramasser une grande quantité de feuilles seules.
On peut donc faire une coupe un peu plus grossière et ramasser les feuilles avec les branchettes, sinon on y passe des heures. Prenez les plantes riches en tanins loin de toute prise de médicaments, sinon l’absorption du médicament peut être bloquée en partie.
- Décoction : faites frémir les feuilles pendant 2 à 3 minutes, puis infusion 15 minutes à couvert. Utilisez 40 à 50 g/L (feuilles sèches), soit en prise interne 2 à 3 tasses par jour, soit en gargarisme ou bain de bouche.
- Teinture : elle est largement moins intéressante car l’eau fait un très bon travail d’extraction, alors pourquoi aller s’embêter avec une macération alcoolique ? Mais si vous désirez préparer une teinture des feuilles, utilisez la feuille sèche avec de l’alcool à 45°.
(1) L’extrait de feuilles de mûrier s’est révélé efficace contre Helicobacter pylori, la bactérie responsable des ulcères gastriques. L’étude en question a identifié les feuilles de mûrier comme une alternative efficace aux antibiotiques souvent prescrits pour combattre H.
En France et au Québec, il existe une confusion entre le véritable mûrier (morus) et la ronce ou mûrier sauvage (rubus) qui sont pourtant de genres botaniques très différents. Cela vient de la grande ressemblance entre les fruits que produisent les deux arbustes. Mais alors, d’où vient le nom de “ronce” ? “Ruber” signifie rouge en latin.
Fruits, feuilles, tiges, tout dans la ronce était utilisé ! Ce sont les jeunes pousses qui seraient les plus bénéfiques pour nous. Les bourgeons sont délicieux ! Ils sont utilisés en gemmothérapie pour soutenir le système respiratoire et soulager les bronches.
Recettes et préparations à base de ronce
Maux de gorge, aphtes ou encore gingivites ? La ronce est ton amie ! En infusion, elle est réputée pour combattre l’angine, la toux et les extinctions de voix. On peut même ajouter de la sauge ou de l’ortie qui ont des propriétés adoucissantes. En Ardèche, on la consomme bouillie avec du lait ou du miel. En Provence, on fait bouillir des feuilles de ronce avec du vin. Puis on laisse évaporer avec du sucre.
Note : Ces informations proviennent d’ouvrages de référence en aromathérapie. Dans la ronce, on peut tout utiliser : les fruits - les mûres- bien sûr mais aussi les feuilles, les boutons, les racines. Evitez les ronces qui sont en bordures de champs cultivés, elles sont souvent traitées et l’effet serait plutôt négatif !
Utilisations alimentaires :
- Tisane : Les feuilles de ronces sont riches en tanin, comme le thé. On peut les boire en tisane mais on peut aussi les mélangez avec des feuilles de framboisier. Cela fait une délicieuse tisane qui a un goût de fruit. Vous pouvez rajouter aussi des feuilles de fraisier, de cassis, de menthe poivrée, de mélisse, etc… Laissez infuser 10 mn.
- Thé : Pour augmenter le goût des feuilles de ronce vous pouvez les faire fermenter légèrement : laisser flétrir les feuilles à l’ombre dans un endroit humide où la température oscille entre 25 et 40o C en les empilant en couches bien tassées d’une dizaine de centimètres. Au bout de quelques heures, ou d’un jour ou deux, si l’on souhaite un goût plus prononcé et selon la température ambiante, elles deviendront plus foncées. Puis, faites sécher à l’air libre dans un endroit sec, en les aérant de temps en temps pour qu’elles ne se collent pas entre elles.
- Salade ou Légume : On cueille les jeunes pousses de l’année. On les pelle soigneusement pour enlever les petites épines, puis on les mange crues ou on les fait cuire comme un légume.
- Fruits crus : Haute teneur en vitamines C - Mangez les fruits crus est encore ce qu’il y a de mieux.
- Fruits séchés : Si vous faites sécher vos mures, il ne vous restera plus que les pépins, ils serviront à relever le goût de vos infusions.
- Confiture de mûres : 1kg de mûres, 750 gr de sucre, 1 citron, 2 verres d’eau - Dans une bassine à confiture versez le sucre et l’eau et faites un sirop en le cuisant doucement. Versez les fruits et le jus de citron. Remuez et cuire 20 mn après la reprise de l’ébullition. Jetez de temps en temps un goutte de sirop sur une assiette froide. Si elle fige, c’est le moment d’arrêter la cuisson.
- Gelée de mûres : Amenez à ébullition les mûres dans la bassine à confiture. Après quelques minutes versez le tout dans un tamis sur lequel vous aurez placez un tissu fin posé sur un saladier. Ecrasez les fruits pour extraire le maximum de jus. Mesurez le poids du jus et ajouter autant de sucre que de jus. Mélangez et faites cuire à feu doux 20 mn. Ecumez et mettez en pots.
- Tarte au mûres : Pâte sablée : 250 gr de farine, 125 gr de beurre, 60 gr de sucre, 1 pincée de sel. Malaxez le moins longtemps possible. Etalez la pâte dans le moule. Faites une première cuisson légère. Sortez du four.
Utilisations médicinales :
- Cataplasme : Pilez les feuilles et appliquez feuilles et jus sur les panaris, furoncles, anthrax pour les faire mûrir plus vite. Utilisez aussi sur les ulcères profonds des jambes, et pour l’herpès.
- Tisane : L’infusion de feuilles est diurétique, elle soigne aussi aphte, gingivite, enrouement.
- Diabète : 20 gr de feuilles séchées dans 1 litre d’eau - 2 tasses par jour loin des repas.
- Décoction : faire une décoction et s’en gargariser en cas de maux de gorge. Elle fait aussi cesser la diarrhée.
- Décoction - Ténia ou vers solitaire : 10 gr d’écorce de racine de mûrier cueilli avant la maturité du fruit dans 1/2 litre d’eau pendant 1/2 heure. Boire à jeun deux fois à 1/2 heure d’intervalle.
- Sirop, Gargarisme : Mettez dans un bocal des jeunes pousses de ronce fraîchement récoltées et placez-les au soleil. Au bout de quelques jours, une sorte de sirop s’en écoule.
- Macerât (pour la Gemnothérapie) : Mélangez à parts égales de la glycérine (en vente en pharmacie), de l’alcool de type vodka et de l’eau. Faites-y macérer les bourgeons (1/5 de bourgeons pour 4/5 de liquide). Laissez macérer trois semaines, filtrez.
Recette du sirop de mûres
Si vous en avez récolté suffisamment, vous pouvez en faire un sirop maison, à mélanger ensuite dans cinq à sept volumes d’eau par volume de sirop. Nettoyez les fruits et retirez les morceaux de ronces ou les queues éventuellement restés accrochés aux mûres.
Pesez-les aussi : il vous faudra environ la moitié du poids des mûres en eau, un peu plus si vous en avez beaucoup. Dans une casserole, versez les fruits et l’eau, portez à ébullition puis baissez le feu et laissez le mélange vivre sa vie une trentaine de minutes. Restez tout de même dans le coin, histoire de vous assurer que ça ne brûle pas.
Hors du feu, écrasez à la fourchette ou mixez les mûres et laissez refroidir. Filtrez. Vous pourrez utiliser le mou dans un fromage blanc. Pesez de nouveau le liquide : il vous faudra autant de sucre. Dans la casserole, faites cuire le sucre et le jus, le temps qu’il prenne un aspect sirupeux, légèrement nappant.
La ronce cultivée a-t-elle les mêmes propriétés ?
Les ronciers sans épines cultivés appartiennent bien à la famille des Rosacées, tout comme les ronces sauvages (Rubus fruticosus). Ces variétés sans épines sont généralement des hybrides sélectionnés pour leur facilité de récolte et leur rendement. Les espèces les plus courantes incluent des variétés comme Rubus fruticosus var.
Donc pour un usage médicinal ou en cuisine sauvage, oui les feuilles de ronces cultivées peuvent être utilisées, mais si l’on recherche une richesse maximale en principes actifs, les feuilles de ronces sauvages sont souvent privilégiées.
C’est vrai, la ronce ne fait pas bonne figure dans les contes de notre enfance. Pourtant, elle est bel et bien protectrice et joue un véritable rôle dans l’équilibre écologique ! Elle pousse sur des sols encore vierges et les protège des intempéries.
Enfin, elle sert aussi de nourriture aux oiseaux qui se régalent des fruits, et leur fournit tous les nutriments nécessaires pour migrer vers des contrées plus chaudes lorsque l’hiver arrive. Pour la calmer, apprivoisez-là !
Les racines de ronce possèdent des phytohormones très puissantes qui agissent comme une hormone de bouturage, et qui aident au développement de la plante. Pour cela, fabriquez une eau de ronce en prélevant des radicelles de la plante, écrasez-les puis ajoutez 4 volumes d’eau de pluie.
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