La pizza, un plat universellement apprécié, a une histoire riche et complexe, particulièrement en France. Avant d'enquêter sur le terrain, une consultation des archives du Guide Michelin et du Guide Baedeker pour y trouver mention des premières pizzerias a été effectuée. Cette démarche a pour ainsi dire été vaine puisque les mentions des premières pizzerias n’apparaissent que dans le courant des années 1960. Seul l’Annuaire des professionnels a fourni quelques indications disparates. Il est étonnant que la gastronomie et la cuisine de rue soient restées étrangères l'une à l'autre dans les répertoires de l'art culinaire, contrairement aux crêperies bretonnes, signalées et récompensées dès 1965 par le Guide Michelin.
Les Pionniers et Leurs Origines
La chronologie a été reconstituée essentiellement sur la base des entretiens menés auprès des pionniers et de leurs descendants. Pour le détail de la chronologie, où sont étudiées, en même temps que les origines des propriétaires, les cartes des pizzerias, se reporter à la thèse précitée. Les appellations génériques de Napolitains et Piémontais sont conservées. Ils seront beaucoup plus présents dans l’univers de la pizza dans la décennie suivante, pendant les années 1960 et même 1970, les années 1980 étant marquées par l’arrivée des Romains dans la profession, qui se mêlent aux Sardes arrivés entre-temps.
La pissaladière n’est en réalité pas niçoise : « Beaucoup de Piémontais se disent Niçartes… C’est comme leur pissaladière, elle vient d’Italie en réalité, en Ligurie elle s’appelle la sardenaïra et à Vintimille la pichadella. On la trouvait chez le boulanger dans les années 1960. Au départ, c’est une focaccia à l’oignon. » Ce témoignage de « Monsieur Pino Pizza » de Monaco, originaire de Calabre (où une pizza se faisait aussi une fois par semaine avec le pain) a été vérifié à partir des ouvrages de Vincenzo Buonassisi (Le livre de la pizza, Paris, Bordas, 1983) et de Rosario Buonassisi (op. cit., 1999). Francis Cressi, pizzaïolo, Niçois d’origine piémontaise (juillet 1998, Nice).
L'Évolution des Pizzerias et des Garnitures
Si dans les premiers temps, comme on l’a dit, la pizza constituait l’article essentiel vendu en pizzeria (d’où les noms attribués par les propriétaires eux-mêmes à leur pizzeria, tels que « la boutique », « le magasin », « le local »), à partir des années 1970 elle va être de plus en plus systématiquement accompagnée d’autres mets. Ainsi, M. Cressi de Nice, évoquant l’évolution de ses pizzerias, indiquait qu’au départ il avait dans l’idée de faire « une enseigne pour un produit » puisque, dès la seconde ouverture, « la pizza était le thème, mais on a ajouté d’autres produits ». Au fil des modes de la restauration, M. Cressi a ainsi ouvert une enseigne servant pizzas et pâtes, puis une autre servant pizzas et hamburgers, pizzas et choucroute, et encore pizzas et salades. Aujourd’hui, les cartes des antennes de livraison à domicile proposent, en plus des pizzas, d’autres mets - chinois, indiens et, dernièrement, japonais - au gré des modes traversant les citées urbaines.
La diversification des garnitures sera en réalité assez tardive dans les camions. Elle se fera dans les années 1980-1990, motivée par l’arrivée d’une nouvelle concurrence venue d’outre-Atlantique. Ce processus sera analysé dans le chapitre 4.
Les Camions à Pizza : Une Présence Contestée
La réticence des mairies existe toujours, tandis que les boulangers ont été remplacés par les chaînes de livraison à domicile. Le « problème » (des camions ambulants) a été explicitement abordé avec certains responsables de mairie et plusieurs responsables de chaînes de pizza américaines (chapitres 4 et 5).
Des recherches systématiques ont été menées sur un périmètre entourant chacune de ces villes et regroupant une cinquantaine de communes pour les villes de Toulouse, Marseille, Nice, Lyon, Paris et Brest. Les responsables de mairie contactés ont utilisé un registre de vocabulaire assez récurrent pour qualifier les camions à pizza : « inesthétiques », « insalubres », « tas de tôle ambulant », « ne respectant pas les règles d’hygiène de base », « indésirables », « voleurs de poules », « qui ne répondent pas aux attentes », « qui mettent en péril l’équilibre économique de la ville ». S’ajoutant à la prise de position des mairies, la législation professionnelle appliquée aux camions à pizza est aujourd’hui encore inachevée : il leur est refusé une égalité de classement avec la restauration; ils sont assimilés aux forains.
L'Automatisation et l'Avenir de la Pizza
Un distributeur automatique de pizzas a fait son apparition à Marseille, offrant une alternative rapide et accessible. En forme de four à bois, un écran tactile affiche une dizaine de variétés. Une quatre fromages à 7,50 € l'unité fera l'affaire. La commande est prise. Magie de la technologie, une vidéo de pizzas cuites au feu de bois défile sous nos yeux. En à peine trois minutes, un carton blanc sort d'une trappe. Surprise, une pizza toute chaude et toute dorée n'attend plus que d'être mangée.
Contrairement à ce que pense Yussuf de la pizzeria d'à côté, les "pizzas fraîches 24h/24 7j/7" de Bella Pizza ne sont pas confectionnées par la machine. Même si la façade du distributeur vante le côté "artisanal" de la préparation, pas de mini-pizzaïolo à l'intérieur de la machine. Dans un laboratoire agréé, Patrice et Stéphane Fayolle cuisinent eux-mêmes leur pâte et les ingrédients. Car dans leur laboratoire, les deux frangins cuisent une première fois à 90 % leurs pizzas. Un aller-retour au distributeur de Marseille et les 70 emplacements de la machine sont remplis. Conservée à une température comprise entre 0 et 4 degrés Celsius, la pizza peut rester trois jours avant d'être réchauffée.
Ludovic Lorillard, directeur commercial de Pizzadoor, souligne qu'il y a une explication historique à l'implantation des distributeurs principalement dans le nord et l'ouest de la France. Implantée à Lisieux, dans le Calvados, l'entreprise a d'abord fourni les abords d'agglomérations en déficit de pizzerias dans l'ouest de la France. En bord de route, les bornes à pizzas, estimées à 50 000 €, poussent désormais comme des champignons.
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