Le repas peut influencer les paramètres pharmacocinétiques des médicaments : vitesse d’absorption du principe actif, concentration maximale, étalement du pic sérique, aire sous la courbe.
Comment le repas affecte l'absorption des médicaments
Schématiquement, il s’agit soit d’améliorer l’efficacité du produit, en augmentant la résorption, ou en modifiant le métabolisme, soit d’améliorer la tolérance.
La phase de vidange gastrique correspond au franchissement du pylore.
- Après ingestion, un médicament se retrouve dans l’intestin très rapidement lorsque l’organisme est à jeun (10 à 30 minutes).
- Le repas entraîne donc un allongement du temps de séjour du principe actif dans l’estomac avec pour conséquences favorables une augmentation de l’intensité de résorption de certains médicaments (dissolution améliorée par un séjour prolongé dans l’estomac).
- La nature même des aliments peut influencer le temps de vidange gastrique.
Aliments chauds, acides, alimentation visqueuse (la viscosité est augmentée par une teneur élevée en pectine) ou épaisse, teneur élevée en sucre ou sel (augmente l’osmolarité), teneur élevée en graisses ou protides (par action sur les osmorécepteurs ou stimulation de la sécrétion d’entérogastrine qui freine la vidange) sont autant de facteurs qui augmentent le temps de vidange gastrique.
La bile est sécrétée en continu mais elle est stockée dans la vésicule biliaire. Le repas déclenche la décharge dans l’intestin toutes les 30 minutes pendant 2 à 3 heures. Le contact des graisses ou des extraits de viande sur la paroi duodénale provoque la sécrétion de cholécystokinine et la décharge des sécrétions biliaires.
Les substances hydrosolubles (type riboflavine) sont mieux résorbées si le repas est riche en glucides.
La biodisponibilité de certains antirétroviraux est sous la dépendance de la teneur en graisses du repas.
Médicaments à marge thérapeutique étroite, les modifications de biodisponibilité des antirétroviraux en fonction de la composition des repas ont été étudiées de façon très précise.
Exemples spécifiques d'antirétroviraux et de repas
- Repas riches en lipides : l’administration du lopinavir + ritonavir (Kaletra) et du ténofovir (Viread) nécessite un repas riche en graisses (870 kcal dont la moitié de lipides).
- Repas pauvre en lipides ou à teneur modérée (500-680 kcal dont 1/4 d’origine lipidique) pour l’éfavirenz (Sustiva) qui se prend avec un repas pauvre en graisses.
- Protéines : un régime riche en protéines entraîne une augmentation de l’activité du cytochrome P450.
Amélioration de la tolérance des médicaments
Certains médicaments peuvent être irritants au niveau gastro-intestinal. L’absorption simultanée avec un repas (au cours ou à la fin) permet d’améliorer la tolérance, mais le moment de prise est indifférent pour l’efficacité.
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont les médicaments les plus incriminés dans la genèse des effets indésirables nécessitant une hospitalisation.
Ils sont responsables d’hémorragies gastro-intestinales. La prise au cours des repas semble améliorer la tolérance.
Chloroquine, proguanil, (Nivaquine, Savarine…), méfloquine (Lariam), atovaquone (Malarone) se prennent au cours des repas. La mauvaise tolérance digestive peut sinon inciter le patient à suspendre son traitement et à s’exposer dès lors à un risque de paludisme.
Le fénofibrate (Lipanthyl, Sécalip…) est mieux toléré au cours des repas.
Statines et antidiabétiques
Côté statines, la plupart peuvent se prendre pendant ou en dehors des repas. Seule la pravastatine (Elisor, Vasten) nécessite une prise au cours des repas, tandis que la simvastatine (Lodalès, Zocor) s’administre un quart d’heure avant.
La metformine (Glucophage, Stagid…) se prend de préférence au cours des repas pour éviter les troubles digestifs très fréquents (#gt;10 % des cas). Les sulfamides hypoglycémiants comme le glibenclamide (Daonil…) se prennent au tout début des repas.
La plupart peuvent induire des nausées.
Autres médicaments
Responsable d’ulcérations gastro-intestinales parfois graves, le chlorure de potassium se prend au cours ou à la fin d’un repas. Diffu-K et Kaleorid LP sont des formes galéniques à libération lente conçues pour diminuer le risque de perforation intestinale.
Bétahistine (Serc), colchicine (Colchicine Houdé, Colchimax), ergotamine (DHE), thioridazine (Melleril), diosmine (Daflon, Diovenor…) sont des principes actifs mieux tolérés lorsqu’ils sont pris au cours des repas.
Les antidiabétiques oraux comme l’acarbose (Glucor) ou le miglitol (Diastabol) agissent au niveau de la bordure en brosse de l’intestin en diminuant la dégradation des di-, oligo- et polysaccharides en monosaccharides absorbables.
L’orlistat (Xenical), inhibiteur des lipases gastro-intestinales prescrit dans le traitement de l’obésité, empêche l’hydrolyse des triglycérides d’origine alimentaire en acides gras libres et monoglycérides absorbables. Il doit être pris immédiatement avant, pendant ou jusqu’à une heure après le repas.
Les alginates (Gaviscon, Topaal, Topalkan…) se transforment au contact du contenu acide de l’estomac en un gel mousseux, surnageant au-dessus du contenu stomacal, et protégeant l’oesophage en cas de reflux oesophagien.
Absorption des acides et des bases
Mécanisme habituel pour les médicaments présentant un caractère polaire faible ou nul, la diffusion passive est fonction de la liposolubilité de la molécule et de son degré d’ionisation. Seule la fraction non ionisée du médicament est liposoluble et peut franchir la membrane lipoïdique.
Le degré d’ionisation d’une molécule dépend de deux facteurs : le pKa (constante d’acidité : plus l’acide est fort, plus le pKa est petit) et le pH du milieu (1-2 pour l’estomac à jeun, 3 pour l’estomac lors des repas, 4-6 pour le duodénum, 6-8 pour l’intestin grêle).
Au final, les acides faibles sont résorbés en milieu acide (gastrique) tandis que les bases faibles sont résorbées en milieu basique (intestin).
Le passage actif se fait contre un gradient de concentration et nécessite un transporteur spécifique assurant la résorption des molécules comme les acides aminés, les ions ou certains acides et bases forts.
Médicaments à prendre en dehors des repas
Les principes actifs susceptibles de se chélater avec les nutriments doivent être pris à distance des repas. Ainsi, le zinc forme des complexes insolubles avec les phytates de l’alimentation. Les médicaments comme Rubozinc sont à prendre à distance de pain complet, germes de soja ou grains de maïs. De même, la tétracycline forme des complexes avec les aliments riches en calcium.
Cette interaction concerne certains médicaments résorbés par transport actif, lorsque le transporteur est aussi celui de nutriments. C’est le cas des acides aminés alimentaires et des médicaments de structure voisine tels que lévodopa (Sinemet), méthyldopa (Aldomet) qui sont à prendre en dehors des repas comprenant des protéines.
Même pris à jeun, les biphosphonates ont une biodisponibilité très réduite : moins de 1 % pour le risédronate (Actonel ) et l’alendronate (Fosamax), 3,5 % pour l’étidronate (Didronel). La prise au cours d’un repas diminue encore cette biodisponibilité, la rendant parfois nulle.
La prise de nourriture ralentit l’absorption de nombreux antibiotiques. Par exemple, la prise de fosfomycine (Monuril, Uridoz) au cours d’un repas entraîne une moindre concentration urinaire de l’antibiotique, avec un risque de diminution de l’efficacité. Celui-ci doit donc se prendre à jeun ou 2 à 3 heures avant un repas. Idem pour les macrolides (josamycine, roxithromycine, érythromycine…), la céfalexine (Céporexine, Keforal), oxacilline et dérivés (Bristopen, Orbénine, Oracilline), qui doivent être pris à distance des repas.
Pour le céfaclor (Alfatil), l’absorption au cours d’un repas diminue le pic de concentration sérique (50 % à 75 % du pic sérique obtenu à jeun) et son apparition est retardée de trois quarts d’heure à une heure, mais la biodisponibilité totale n’est pas modifiée. Ils ont une meilleure biodisponibilité pris en dehors des repas. Toutefois, leur mauvaise tolérance digestive impose parfois une prise au cours des repas.
Les médicaments à action locale, non résorbés par l’intestin, doivent être pris en dehors des repas pour une meilleure efficacité. Ainsi, l’amphotéricine B (Fungizone) est un antifongique à usage topique qui n’est pratiquement pas absorbé par la muqueuse digestive. Pour exercer localement son action, elle doit être prise en dehors des repas.
La dompéridone (Motilium, Péridys…) accélère la motricité intestinale. Le pic plasmatique après administration orale est atteint en 30 minutes.
Les pansements gastro-intestinaux à base de sels d’aluminium ou de magnésium (Maalox, Moxydar, Phosphalugel, Rennie, Rocgel, Xolaam…) doivent être administrés deux heures après les repas, lorsque l’effet tampon de l’alimentation a disparu.
Chronopharmacologie
La chronopharmacologie étudie l’influence du moment d’administration des médicaments sur la réponse de l’organisme et concerne donc l’étude, en fonction du moment d’administration, des variations de la toxicité des médicaments (chronotoxicité) et de leur activité, aussi bien qualitative que quantitative.
La chronopharmacologie s’explique par la chronopharmacodynamie et la chronopharmacocinétique.
Par exemple, on connaît depuis longtemps la variabilité temporelle de la survenue de symptômes en rhumatologie, endocrinologie, cardiologie ou pneumologie.
Il est bien connu que le diamètre bronchique varie au cours des 24 heures en passant par un minimum nocturne, ce phénomène étant accentué chez l’asthmatique. Ainsi, plus de 70 % des crises d’asthme ont lieu vers 3 heures du matin.
Oui, il existe des variations d’activité des médicaments liés au moment de leur administration et des modifications temporelles de leur toxicité.
L’absorption d’un médicament peut varier au cours des 24 heures indépendamment de la présence d’aliments : par exemple, une prise unique de lorazépam à 7 heures du matin est suivie d’une absorption plus rapide qu’après une prise à 19 heures. De même, la fixation protéique de la carbamazépine passe de 90 % lors d’une administration à 4 h 00, à 72 % pour une prise à 10 h 00.
L’élimination des médicaments, essentiellement rénale, est elle aussi sous la dépendance de modifications rythmiques (flux sanguin rénal, pH, filtration glomérulaire…). Par exemple, l’élimination urinaire des salicylés est plus importante lors d’une ingestion le soir entre 19 h 00 et 23 h 00.
Quant à la toxicité, certains travaux ont montré que dans les cancers de l’ovaire ou de la vessie, la tolérance des sels de platine est meilleure lors d’une administration à 18 h 00.
Avec quelle boisson prendre ses médicaments ?
L’alcool n’est bon ni pour la santé, ni pour prendre des médicaments. Mais ne croyez pas que votre café soit anodin si vous en consommez beaucoup. L’association du Ciflox et de la caféine risque d’entraîner une augmentation du taux de caféine dans votre sang. Gare aux palpitations et aux insomnies !
Le lait peut entraîner la formation de complexes ne pouvant pas traverser les membranes biologiques.
Précautions avec le lait
- Attention aux médicaments pédiatriques, souvent donnés dans le biberon pour en faciliter l’administration ! En particulier, l’efficacité du fluor est diminuée. Eviter l’emploi simultané.
- En revanche, le lait augmente l’absorption de l’atovaquone (Malarone).
Les tannates présents dans le thé forment des complexes insolubles avec les sels de fer et en diminuent la biodisponibilité.
Le café, tout comme les boissons riches en caféine, peut également former des complexes insolubles avec certains principes actifs comme l’halopéridol.
Interactions avec la caféine
- Disulfirame : l’augmentation de la caféinémie est importante chez les alcooliques récemment abstinents.
- Fluvoxamine ; effets non rencontrés avec les autres inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine.
- Dipyridamole : effet diminué par blocage des récepteurs à l’adénosine par la caféine.
- Lithium : augmentation probable de l’élimination rénale.
Jus de pamplemousse
Le jus de pamplemousse contient un inhibiteur du cytochrome P450 de type 3A4 qui ralentit le métabolisme de certains médicaments. Toxicité éventuelle de la ciclosporine (Néoral, Sandimmun) par augmentation du taux plasmatique. Augmentation de la biodisponibilité du saquinavir (Fortovase, Invirase) jusqu’à une toxicité.
L’effet peut être recherché pour augmenter les taux de l’antirétroviral, mais l’effet du jus de pamplemousse est variable d’une personne à l’autre. Boire régulièrement du jus de pamplemousse trois fois par jour pendant 5 jours provoque une augmentation de plus de 500 % de la concentration plasmatique en félodipine (Flodil) ! Augmente l’activité du triazolam et du midazolam par diminution du métabolisme.
Jus de fruits
Ils ne contiennent pas d’inhibiteurs enzymatiques, mais le pH d’un jus de citron ou d’orange est d’environ 2,5 à 3,5, celui d’un jus de tomate de 3,9 à 4,4. Les jus de fruits peuvent modifier la pharmacocinétique de certains médicaments (absorption et élimination, notamment des médicaments basiques) ou altérer les principes actifs sensibles à un pH acide. Les mécanismes sont très complexes.
De fortes doses d’alcool retardent l’évacuation gastrique (par spasme du pylore), diminuant la résorption et/ou la biodisponibilité de certai...
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