Le pain au levain est bien plus qu'un simple aliment; c'est une culture, un plaisir et une célébration. Il s'agit autant d'un art que d'un aliment. L’histoire de la fabrication du pain levé est riche de plusieurs milliers d’années d’évolution à travers différentes cultures et civilisations. Il existe donc mille et unes façon de fabriquer le pain. De très nombreux paramètres interviennent dans le processus de panification et les choix réalisés par le boulanger à chacune des étapes vont influencer le résultat final à la sortie du four et dans nos assiettes.
Les Origines Anciennes du Pain au Levain
Quand les premièr·es fabricant·es de pain, un groupe qui vivait de la chasse et de la cueillette appelé·es Natoufien·nes qui vivaient au Moyen-Orient il y a quelque 14.000 ans, firent cuire leurs premiers pains plats, il s'agissait pour ses membres d'un plat de fête et non d'un aliment de base. Le pain était à l'origine l'équivalent natoufien du gâteau de mariage.Lorsqu'elle a examiné les plus anciennes miettes de pain existantes, elle n'a trouvé aucune trace de levure. Les fours à voûte, et par conséquent les pains au levain, ne firent leur apparition que 5.000 ans plus tard. Cependant, ce ne sont pas les fours qui ont inventé le pain au levain. Ils ont simplement permis son invention.
Car il a bien fallu que quelqu'un invente le pain au levain. Un génie culinaire. Un palais curieux, sachant allier talent artistique et courage dans un moment de totale insouciance. Appelons la Mary, comme Mary Berry, la boulangère et co-animatrice de l'émission télévisée The Great British Baking Show, dont j'ai eu le temps d'apprécier le travail durant cette quarantaine prolongée. Si je considère que c'est une femme qui a inventé le pain au levain, c'est parce que des squelettes datant du Néolithique ont fourni des éléments prouvant que c'étaient les femmes qui s'occupaient de la transformation des céréales. Elle a vécu il y a environ 9.000 ans, au Néolithique, époque à laquelle, si l'on en croit les archéologues, de petits groupes de personnes habitant des petits villages ont été les premiers à arrêter la chasse et la cueillette pour se mettre à l'agriculture.
Nicholas Money, botaniste et auteur de The Rise of Yeast (La montée de la levure), pense que Mary a pu percer le secret du pain au levain en renversant accidentellement de la mousse de bière, riche en levures, sur sa pâte. Jusque-là , notre pionnière ne mérite toutefois pas vraiment de félicitations pour ce qui s'est produit. Ce qu'elle a provoqué n'était même probablement pas une première. Mais contrairement à toutes celles qui se seraient débarrassées de la pâte gonflée résultant de leur erreur, Mary a eu le courage et le génie de mettre la sienne dans le four. Contrairement aux âtres natoufiens, le four à voûte de Mary a dû atteindre la haute température nécessaire pour transformer rapidement l'eau en vapeur et les petites bulles de dioxyde de carbone de la levure en gros trous. Le pain a dû doubler de volume devant ses yeux. Et quand Mary a trouvé le courage de le goûter, au lieu de croquer dans une galette plate et dense, elle a certainement dû découvrir un pain aéré et savoureux.
Le Levain: Un Ingrédient "Vivant"
Qu'est-ce que le pain ? Le pain est un mélange de farine, d'eau, de sel, de levure et/ou levain (sauf pour le pain azyme), pétri puis cuit au four ou sur une surface chaude. La farine utilisée provient principalement de céréales panifiables, c’est-à -dire suffisamment riches en gluten, comme le blé tendre (froment), l'épeautre ou le seigle, à laquelle on peut adjoindre, pour le goût, une quantité plus ou moins importante de farines non panifiables (sarrasin, châtaigne, noix…). C’est un ingrédient des plus symboliques du pain, paré de belles vertus mais aussi de nombreux mystères. Retour sur l’histoire du levain, fait de farine et d’eau, qui nous rappelle que le pain est un aliment… « vivant ».
Mélanger avec soin farine et eau, laisser reposer sous un linge. Observer, après une dizaine d’heures, l’apparition de quelques bulles. Puis « nourrir » à nouveau cette pâte de farine et d’eau mêlées et sentir, progressivement, l’odeur aigrelette qu’elle dégage. La laisser encore au repos. Pour comprendre le secret du levain, il faut donc s’intéresser à un processus naturel : la fermentation. Le mélange de farine et d’eau favorise le développement de micro-organismes. Cette culture de bactéries lactiques et de levures va permettre d’engager un phénomène fondamental : la transformation, en l’absence d’oxygène, du glucose en éthanol (alcool) et en dioxyde de carbone. Une transformation similaire à celle observée lors du passage du raisin en vin ou du moût en bière.
Les Étapes de la Fabrication du Pain au Levain
Techniquement, la première opération (frasage) consiste à mélanger les ingrédients. L’eau est absorbée par la farine, et en continuant le mélange (pétrissage), on forme un réseau de gluten : les longues protéines qui composent le gluten s'associent par des liaisons moléculaires ce qui permet la création d'une structure tridimensionnelle élastique capable d'emprisonner le gaz produit lors de la fermentation. On laisse ensuite reposer la pâte (pointage) pour permettre aux ferments de travailler: les levures transforment les glucides en dioxyde de carbone et éthanol, le gaz remplit les alvéoles du réseau de gluten et fait lever la pâte.
Avant l’enfournement, on scarifie les pains avec une lame de rasoir (ou un couteau bien aiguisé) pour faciliter leur développement et faire en sorte qu'ils se déchirent sur le dessus et non sur les flancs. Pour activer la fermentation de la pâte, nous l’ensemençons avec notre levain. « Rafraîchir» signifie réactiver la fermentation des micro organismes par l’ajout d’eau et de farine au levain chef. Nous réalisons le pétrissage manuellement dans un grand pétrin en bois. Le fait de réaliser cette opération à la main nous permet de mieux sentir la consistance et la texture de la pâte ainsi que son évolution au cours des différentes étapes suivantes.
A la fin du pointage, nous divisons la pâte en petits pâtons que nous pesons au poids désiré puis nous réalisons le « boulage » c’est-à -dire la mise en boules des pâtons en les repliant sur eux-mêmes. Suite à cette opération, les pâtons sont entreposés sur des planches pendant une phase de « détente » après quoi ils sont repris un à un pour être façonnés dans leur forme finale avant cuisson. L’apprêt est la seconde phase de fermentation durant laquelle se poursuit la dégradation des sucres par les enzymes et la formation de C0² et d’alcool responsables de la levée des pâtons. Il est indispensable que la température du four à bois soit optimale au moment précis où les pâtons se trouvent dans leur état de levée maximale. Au début de la cuisson, la température de la pâte augmente rapidement et les ferments accélèrent la dégradation des sucres et la production de CO². Le volume des pains augmentent. Au-delà de 50°C, le C0² présent dans la pâte se dilate, accentue le développement du pain et la formation des alvéoles. Le gluten se coagule et les granules d’amidon se transforment en empois.
L'Importance de la Farine et de la Cuisson
La mouture sur meule de pierre, bien que plus lente, permet une plus grande richesse de la farine en minéraux et micronutriments. En effet, ce type de mouture exerce des pressions et frictions sur les enveloppes et le germe qui ont pour résultat d’inclure des éléments de ces fractions dans la farine finale. Sur le plan nutritif, l’emploi de farine semi complète (type T80) ou complète (type T150) apporte davantage de fibres, de minéraux et de vitamines qui sont contenus dans l’enveloppe et le germe du grain. Cette richesse peut toutefois être contrebalancée par le fait que les éventuels résidus de pesticides, herbicides et fongicides se trouvent précisément sur l’enveloppe du grain.
Après une cuisson d’environ 45 minutes, les pains cuits sont retirés du four et disposés en caissons aérés pour une phase de « réssuyage ». La cuisson au feu de bois confère à nos pains une saveur typique et une belle coloration de croute. Elle permet une cuisson en « température descendante » qui correspond parfaitement aux besoins de cuisson du pain.
Avantages du Pain au Levain
Sur le plan de la conservation enfin, le pain au levain présente l’avantage de se conserver plus longtemps qu’un pain à la levure. Si nous choisissons de travailler à la main du pétrissage au boulage et au façonnage des pâtons, c’est d’abord par plaisir et par besoin de proximité avec la pâte. Le travail manuel nous permet de sentir la consistance et la texture de la pâte ainsi que son évolution au cours des différentes étapes. Le levain dégrade en effet l’acide phytique présent dans les céréales qui, d’ordinaire, freine l’assimilation des minéraux par l’organisme.
Type de Fermentation | Vitesse | Conservation du Pain | Goût |
---|---|---|---|
Levure | Rapide | Moins Longue | Neutre |
Levain | Lente | Plus Longue | Acidulé et Complexe |
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