La porcelaine est une céramique fine et translucide produite à partir du kaolin par cuisson à plus de 1200°C. Elle est majoritairement utilisée dans les arts de la table. Cette céramique d’exception fascine le monde entier par son élégance et son raffinement. Elle a conquis le milieu de la haute gastronomie et des arts de la table, ainsi que l’univers luxueux de la mode et des arts décoratifs. Percez les secrets de fabrication de la porcelaine de Limoges.
Les matières premières et la préparation de la pâte
La porcelaine n’est pas issue d’une argile naturelle. On utilise des pâtes céramiques très blanches contenant environ 50 % de kaolin, 25 % de feldspath et 25 % de quartz. Tout commence par la préparation de la pâte pour laquelle trois roches sont nécessaires dans les proportions suivantes : une moitié de kaolin, un quart de quartz et un quart de feldspath. La pâte de porcelaine est composée de 50% de kaolin, 25% de quartz et 25% de feldspath.
Le quartz et le feldspath sont réduits en poudre sous l’action de meules en granit, puis moulus dans un cylindre en rotation contenant des galets et de l’eau. Depuis le XXe siècle, on utilise des broyeurs à galets. Ces broyeurs ont succédé aux moulins à meules de grès. Ces machines permettent d’obtenir la finesse du grain souhaitée. La matière obtenue est filtrée puis pressée dans des filtres-presse. La terre subit ensuite une dernière opération : le désaérage. Il permet d’éliminer toutes les bulles d’air qui auraient pu rester à l’intérieur de la terre ou de la pâte.
Ces trois ingrédients sont mélangés à de l’eau de façon à obtenir une pâte plus ou moins liquide adaptée au procédé de fabrication retenu. Ces pâtes sont assez peu plastiques, elles sont souvent façonnées par pressage ou coulage. Cette opération se faisait autrefois avec les pieds, d’où le nom de l’atelier de “marche à pâte” encore conservé dans quelques manufactures qui fabriquent elles-mêmes leur pâte. Cette dernière sort de la machine sous forme de “boudins”, qui sont ensuite découpés en petites galettes rondes appelées “camemberts”.
Il existe différentes consistances de pâtes :
- Liquide, appelée barbotine, elle est utilisée pour le coulage.
- Désaérée et malaxée sous forme de boudins de pâte semi molle, elle est utilisée pour le calibrage.
Le moulage
La première phase de fabrication d’une pièce en porcelaine est la création de son modèle. La création du modèle se fait à partir d’un dessin à l’échelle finale. À partir d’un dessin (qui représente l’objet réalisé à l’échelle finale), le modeleur réalise l’objet sous forme d’un volume de plâtre à l’échelle «taille crue», soit 14% plus grand que la taille réelle de la pièce ; en effet, il faut anticiper le retrait que prendra la pièce à la cuisson. Le moule en plâtre est réalisé à partir d’un volume dit à « taille crue », c’est-à-dire environ 14 % plus grand que la taille souhaitée pour la pièce finale. Le modèle (objet unique de référence) donnera naissance au moule mère appelé aussi noyau. C’est de celui-ci que seront tirés les moules de production.
L’artisan peut se servir d’un tour ou utiliser la technique du moulage, soit par pressage, soit par coulage. Différentes méthodes sont employées selon la finalité de l’objet et la consistance de la pâte. Jusqu’à une époque récente, les moules étaient en plâtre, mais celui-ci est peu à peu remplacé par des matières synthétiques. En principe, et en raison du caractère déterminant de ces ateliers, chaque manufacture possède son atelier de moulage où l’on travaille le plâtre. C’est un atelier séparé des autres afin d’éviter que le plâtre ne contamine la pâte de porcelaine. Puisque les moules ne peuvent servir que 30 à 50 fois, il faut les renouveler régulièrement. Après le modeleur intervient l’établisseur. Il fait le premier moule et les matrices à partir des modèles ou des moules échantillons.
Le coulage
Le coulage est un procédé employé pour les pièces creuses (cafetières, vases, soupières…). Ce procédé utilisant la pâte liquide est plutôt destiné à la fabrication de pièces creuses, notamment des soupières ou des vases. La pâte liquide est versée dans des moules en plâtre. La barbotine est versée dans des moules en plâtre. Par capillarité, l’eau contenue dans la pâte pénètre dans le plâtre, provoquant le durcissement progressif des bords. Par capillarité, l’eau est absorbée par la porosité du moule qui conduit la pâte à se fixer contre les parois. Elle se met alors à durcir sur une épaisseur de plus en plus conséquente. Après un temps de prise précis, proportionnel à la dimension de la pièce (il faut environ trente minutes pour une soupière) l’excédent de barbotine est rejeté. Au bout du temps imparti selon le modèle, l’excédent de pâte liquide est évacué. Les pièces sont alors démoulées. Puis, la pièce se raffermit et se rétracte, permettant le démoulage.
Le calibrage
Le calibrage est un procédé utilisé pour la fabrication des pièces rondes et hautes (tasses, saladiers…). Cette technique employant des pâtons semi-mous est réservée aux pièces plutôt rondes et hautes, comme les tasses ou les saladiers. Une galette de pâte semi-molle est déposée dans un moule en plâtre lui-même placé sur un tour. La galette de pâte est déposée dans un moule en plâtre qui est ensuite mis en rotation avant de recevoir l’outil métallique, appelé calibre, qui exerce une pression en creux ou en bosse pour obtenir la forme désirée. Un calibre métallique s’abaisse, écrase la pâte de façon à la répartir contre les parois du moule et tranche l’excédent. L’excédent est découpé au couteau et le démoulage se réalise après rétractation de la pièce. On parle de calibrage en creux lorsque le calibre donne le profil intérieur de la pièce et de calibrage en bosse lorsqu’il donne le profil extérieur.
Le pressage isostatique
Le pressage isostatique est un procédé utilisé depuis les années 80 pour la réalisation des pièces rondes et plates telles que les assiettes. Un autre processus plus récent peut être employé pour les assiettes. La pâte, sous forme de granules (poudre obtenue par projection de barbotine), est comprimée à une pression d’environ 350 bars à l’intérieur d’un moule d’acier et de polyuréthane. La poudre de porcelaine devenue compacte forme l’objet. Le temps de séchage est éliminé.
Le séchage et le finissage
Après le démoulage, on procède au séchage des pièces, qui varie de douze à vingt-quatre heures en fonction de leur taille. Le retrait du moule laisse des marques dans la pièce de porcelaine. Ces coutures, ainsi que les éventuels autres défauts, sont éliminés à la main. Le garnissage consiste à assembler, avec de la barbotine additionnée d’un liant, les garnitures telles que les becs et les anses sur le corps des objets, mais aussi à percer les trous sur les becs des théières et cafetières. C’est aussi lors de cette étape que sont ajoutés les becs, les anses et autres garnitures. L’assemblage sur le corps des objets s’effectue à l’aide de barbotine mélangée à un liant. Le finissage permet d’ôter les coutures provoquées par la division du moule en plusieurs parties et d’effacer toute autre imperfection.
La cuisson
La cuisson à haute température (1400°C) procure à la porcelaine une très grande résistance mécanique et thermiques. Elle est lisse et facile à nettoyer et elle ne craint ni le congélateur, ni le four : résistance de - 25 à + 300°C. Les pièces ainsi obtenues sont mises à sécher. Après ce séchage, elles subissent une première cuisson en dessous de 1000°C pour être dégourdies, c’est-à-dire déshydratées. La cuisson est réalisée dans un four tunnel (jusqu’à 70 mètres de longueur) ou un four classique. La terre poreuse se transforme en une matière blanche, translucide, imperméable et sonore.
Les pièces subissent une première cuisson à 980° C pendant 24h dans des fours fonctionnant actuellement au gaz naturel. Cette première cuisson, aussi appelée cuisson de dégourdi, est réalisée entre 900 et 1000 °C en atmosphère oxydante. Le geste est précis, rapide : 1 200 soucoupes à l’heure. Cette cuisson durcit les pièces de porcelaine afin de leur conférer une grande résistance mécanique. Les pièces de porcelaine de Limoges sortent du four avec un aspect mat et une texture poreuse.
Les pièces subissent ensuite une deuxième cuisson dite de grand feu, à 1 400° C durant vingt-quatre heures. Cette deuxième cuisson est dite de grand feu puisque la température monte à 1400 °C. C’est durant cette cuisson que la pièce prend l’essentiel de son retrait (10% à 12%) par rapport au modèle et atteint sa taille définitive. La cuisson de la porcelaine dure doit atteindre 1400°. Dès le XVIIIe siècle, on élabore des fours capables d’atteindre cette température. On met au point à Sèvres dès 1769 des fours ronds. Initialement ces fours fonctionnent au bois. À partir des années 1850, on les alimente au charbon. Enfin, on employa le gaz (premiers essais en 1845, mais il ne fût définitivement adopté par les industriels qu’à la fin des années 1950). L’installation des pièces dans le four est délicate.
L’utilisation d’un four à combustible est indispensable pour le grand feu car lui seul permet de maîtriser l’atmosphère de cuisson. Le four électrique, puisqu’il ne consomme pas l’oxygène, ne cuira jamais parfaitement la porcelaine. L’apparition du four électrique s’est fait quand la métallurgie a pu développer des résistances électriques en alliages de chrome et de nickel suffisamment résistants à la chaleur. Les premiers essais ont eu lieu dans les années 1940, et le développement de ces fours s’est fait dès les années 1950, en même temps que l’augmentation du nombre d’ateliers de décor.
La décoration
Les éléments de décoration peuvent être appliqués à la main, ou sous forme de décalcomanies généralement fabriquées par sérigraphie. Après application, cette décoration est définitivement fixée sur la pièce par une dernière cuisson. Suivant le style de la collection, la pose du décor est plus ou moins complexe. Certaines pièces de valeur sont peintes à la main et les artisans font preuve d’une dextérité exceptionnelle en utilisant une grande variété de pinceaux. Dans la majorité des cas, un décor à la feuille (principe de décalcomanie) est apposé à la main sur la porcelaine blanche. Il est trempé dans l’eau de façon à détacher le motif de son support papier et appliqué sur la pièce. Le décor à la feuille est fabriqué par différents procédés d’imprimerie, à l’origine la lithographie, actuellement la sérigraphie. La manufacture Bernardaud est une des seules de Limoges à posséder une imprimerie. Les filets et garnitures (anses, becs…) sont tous peints à la main. Ces techniques de décoration sont les plus courantes. Dans le cas de commandes spéciales, on peut avoir recours à des techniques plus spécifiques telles que l’incrustation ou la pose d’or relief. Les différentes techniques de décoration requièrent un savoir-faire d’excellence et une grande habileté manuelle. Cette étape participe au prestige de cet artisanat de luxe qu’est la fabrication de porcelaine de Limoges.
Pour appliquer le décor, on utilise deux méthodes. La première est appelée décor de grand feu. La polychromie est obtenue grâce à des oxydes métalliques : chaque oxyde donne une ou plusieurs couleurs après cuisson. Les oxydes de base sont le cobalt, qui produit le bleu, le cuivre, qui peut se transformer en vert ou en turquoise, le fer, qui peut donner du jaune ou du rouge, le manganèse, qui donne les bruns ; le rose ou pourpre est obtenu avec du chlorure d’or. Au XIXe siècle, dans un souci d’industrialisation, on utilise les techniques de l’imprimerie à taille-douce qui permettent, grâce à une plaque de cuivre, l’impression d’un décor monochrome. Ce décor monochrome est rehaussé à la main avec des couleurs (“enluminures”). La chromolithographie remédie à cet inconvénient par l’impression d’un décor au moyen d’un nombre de pierres équivalent au nombre de couleurs souhaitées. Ensuite sont apparues des techniques permettant de produire des décors en série : la chromolithographie. C’est un procédé d’imprimerie qui fonctionne comme une décalcomanie faite à partir de couleurs céramique. Cette technique, très bien maîtrisée à la fin du siècle, permet l’emploi d’une palette de dix-huit couleurs.
- La peinture des filets et des bandes : les émaux et les couleurs vitrifiables sont apposés à la main à l’aide de pinceaux de différentes tailles.
- Le décor par décalcomanie : sur le principe de la chromolithographie, le motif se détache de son support.
- L'incrustation est un procédé de décor par gravure à l’acide. La pièce est décalquée : le décor à la feuille est imprimé non pas de couleur mais de vernis protecteur. Ce même vernis, appelé également bitume de Judée, est appliqué au pinceau sur le reste de la pièce à l’exception du motif à graver. Après rinçage, deux couches d’or ou de platine sont appliquées dans ces motifs en creux, suivies chacune de deux cuissons de finition.
- La pose d’or en relief : les motifs au pinceau sont réalisés en relief à l’aide d’une pâte spéciale qui est ensuite saupoudrée d’or. La pose d’or relief est une technique de décoration qui consiste à réaliser au pinceau des motifs or en épaisseur, à l’aide d’une pâte spéciale.
Pour les pièces comportant de l’or, la dernière opération est celle du sablage. Le sablage est indispensable pour toutes les porcelaines comportant de l’or. En effet, lorsqu’il est cuit, l’or a un aspect mat. Sablé, c’est-à-dire frotté avec un chiffon et du sable, il prend alors tout son éclat. L’or et le platine sont polis à la pierre d’agate et au sable de Nemours afin d’obtenir une meilleure brillance. La pièce est ensuite rincée au pétrole, à la lessive et à l’eau, avant d’être décorée successivement de deux couches d’or (brillant puis mat) ou de platine brillant, nécessitant deux cuissons.
Le choisissage
C’est la dernière étape de la fabrication du blanc. Toutes les pièces de la production sont vérifiées une à une et choisies en fonction de leur niveau de qualité. Les pièce sont classées selon leur qualité. En dépit de nombreux contrôles intermédiaires préalables, plus de 25% de la production est écartée lors du choisissage.
L'essor de la porcelaine de Limoges
La situation géographique de la Haute-Vienne, avec son abondance de feldspath et de quartz, son gisement de kaolin, ses forêts et ses cours d’eau, a grandement participé à l’essor de la production de la porcelaine de Limoges. C’est au centre de Limoges et dans sa région qu’est fabriquée la porcelaine Bernardaud. Alors que la fascination pour la porcelaine se développe dans toute l’Europe, un Jésuite, le Père François-Xavier d’Entrecolles, né à Limoges le 25 février 1665 et mort à Pékin le 2 juillet 1742, rapporte par un récit détaillé la fabrication de la porcelaine en Chine, en 1712 et en 1722. Des essais sont menés à Sèvres et à Limoges. La toute première manufacture de porcelaine de Limoges est en fait une «Fayancerie Royalle» fondée à Limoges en 1736 par Massié.
D’abord acheteur de blanc, Charles Haviland assurait le décor avant d’expédier le plus gros de sa production aux USA, pour lesquels ses décors étaient conçus et où il bénéficiait d’un excellent réseau de distribution. Le bois était coupé par des bucherons en Creuse (département voisin) ou dans l’Est de la Haute-Vienne, à plusieurs dizaines de kilomètres, avant de transiter sur plusieurs cours d’eau affluents de la Vienne pour rejoindre Limoges où le bois était arrêté par un ramier. À partir des années 1980, les habitudes de consommation ont changé et l’industrie a connu un net recul de ses ventes. Les manufactures les plus illustres sont : Bernardaud, Haviland, Raynaud, Royal Limoges, R. Haviland & C. Parlon, J. Esprit Porcelaine Créateurs à Limoges est un collectif de designers céramistes qui imagine les objets d’aujourd’hui et de demain.
Un projet d’IGP (Indication Géographique Protégée) vise à labeliser et contrôler la provenance des produits estampillés «Porcelaine de Limoges -France» afin d’éviter les contrefaçons et la fraude, et préserver le tissu industriel local.
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