Scandale de la Viande de Cheval : Findus et l'Origine de la Crise

Le procès du scandale de la viande de cheval, également connu sous les noms de "horsegate" ou "chevalgate", s'est déroulé à Paris du 21 janvier au 13 février 2019. Quatre personnes ont comparu : deux anciens dirigeants de l'entreprise Spanghero et deux traders néerlandais.

Déclenchement et Propagation du Scandale

Ce scandale est loin d’être uniquement franco-français et n’a pas impliqué que les entreprises Spanghero et Findus. L’affaire éclate en trois temps.

  • Mi-janvier, les autorités sanitaires britanniques découvrent que des steaks hachés certifiés pur bœuf produits en Irlande contiennent de la viande de cheval. L’Agence de sécurité alimentaire d’Irlande (FSAI) signale alors que des traces d’ADN de cheval ont été détectées dans des hamburgers vendus dans le pays. Le 14 janvier, la FSAI informe le gouvernement irlandais et l’Agence britannique de sécurité sanitaire (FSA) que des hamburgers ont été contaminés.
  • Dix jours plus tard, on apprend que des carcasses britanniques de chevaux, contaminées par un médicament interdit, ont été vendues en France en 2012.
  • Alerté par un sous-traitant, le géant suédois Findus conduit des tests sur ses produits et annonce ainsi début février avoir trouvé de la viande équine dans ses lasagnes, d'abord au Royaume-Uni puis en France. Le 16 janvier, le scandale devient public et médiatique en Irlande et au Royaume-Uni. Il provoque un vif émoi dans l’opinion de ces deux pays car, à la différence de ce qui se passe en France, la consommation de viande de cheval y est considérée comme taboue. C’est à partir de ce moment-là que l’affaire va traverser la Manche.

Implication de Findus et Comigel

Suite au scandale qui a éclaté en Irlande et au Royaume-Uni, le 31 janvier, Findus France demande à son sous-traitant, l’entreprise française Comigel, de réaliser un audit de traçabilité et exige le lendemain que celle-ci procède aussi à un audit surprise chez Spanghero, fournisseur de Comigel. Or, cet audit révèle ce que Findus appelle des « incohérences de traçabilité ». Le 3 février, Findus France décide, avec un laboratoire agréé, d’étendre les tests ADN à l’ensemble des recettes contenant du bœuf.

Le 8 février, Findus annonce alors publiquement dans un communiqué avoir pris la décision, quatre jours plus tôt, de retirer de la vente en France trois de ses produits fabriqués par un fournisseur extérieur au motif qu’ils contiendraient de la viande de cheval dans des « recettes 100 % viande de bœuf » - des lasagnes, du hachis parmentier et de la moussaka -, et que les autorités françaises ont été informées le même jour. Comigel, le sous-traitant en question, annonce de son côté dans un communiqué également publié le 8 février avoir « identifié le fournisseur responsable », « retiré tous les produits liés à ce fournisseur » et « informé les autorités concernées en France et au Luxembourg des résultats de [ses] investigations ».

Après l’annonce faite par Findus, le scandale s’étend à d’autres produits, comme des spaghettis bolognaise, des raviolis ou des cannellonis, et à d’autres pays. Au total quelque 4,5 millions de plats préparés auraient été concernés.

Nature du Scandale : Fraude et Crise de Confiance

Contrairement à ce qui est souvent affirmé dans la presse ou ailleurs, le scandale de la viande de cheval n’est pas un scandale sanitaire à proprement parler. Personne n’a été intoxiqué par la consommation des produits qui ont été retirés de la vente. On a donc affaire ici principalement à une escroquerie qui a entraîné une importante crise de confiance envers l’industrie agroalimentaire, à partir du moment où le produit annoncé sur l’emballage, à savoir la viande de bœuf, a été remplacé par un autre produit, en l’occurrence moins cher, qui était la viande de cheval.

Le Rôle de Spanghero et des Traders Néerlandais

Findus sous-traitait la fabrication de plats surgelés de lasagnes à la viande de bœuf à Tavola, une filiale luxembourgeoise de Comigel spécialisée dans la fabrication de plats surgelés commercialisés par le groupe suédois, mais aussi par des marques distributeurs en France (Auchan, Casino, Carrefour, Picard, etc.) ou à l’étranger. Le fournisseur de viande de Tavola était la société Spanghero, entreprise du Sud-Ouest de la France appartenant alors à la coopérative basque Lur Berri.

Selon la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), 750 tonnes de viande aurait été ainsi concernées, dont 550 tonnes pour la fabrication des plats surgelés vendus dans 13 pays européens. La viande de cheval était en l’espèce du « minerais » de viande, c’est-à-dire des « chutes » issues de l’atelier de découpe utilisées pour la fabrication de steaks hachés et de plats cuisinés et vendues le plus souvent congelées. Une autre société de trading a été également impliquée dans cette affaire.

L’entreprise Spanghero a cependant été très vite accusée par le gouvernement français d’être à l’origine de la fraude pour avoir, d’après le ministère de l’Agriculture, réexpédié de la viande de cheval en l’étiquetant « bœuf origine UE ».

Ce sont les deux traders néerlandais qui sont soupçonnés d’avoir vendu en 2012 et début 2013 en modifiant l’étiquetage des produits plus de 500 tonnes de viande de cheval à la société Tavola, mais présentée comme du bœuf. Ceux-ci n’en étaient semble-t-il d’ailleurs pas à leur premier coup puisqu’ils avaient été condamnés en 2012 par la justice néerlandaise.

Impact et Conséquences sur la Confiance des Consommateurs

Même si la crise de la viande de cheval n’était pas un scandale sanitaire, Pascale Hébel, la directrice du pôle consommation et entreprise du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc), estime néanmoins qu’elle a provoqué une forte peur chez les consommateurs en leur donnant le sentiment de revivre la crise de la vache folle, quelque peu à l’instar d’une rechute après une maladie.

Le scandale de la viande de cheval, ainsi que d’autres affaires divulguées durant cette même période, ont par conséquent accru la défiance d’une grande partie des consommateurs envers l’alimentation industrielle ou transformée et a incité les catégories aisées, en particulier, à privilégier les produits bio, les circuits courts et les produits labellisés.

Cette crise n’a pas suscité chez le consommateur qu’une simple crainte par rapport à ce qu’il mange. Elle a aussi servi de révélateur pour le grand public de la réalité, et de la complexité, d’une filière viande désormais mondialisée.

La Complexité de la Filière Viande

En l’occurrence, le groupe Findus a commandé des lasagnes à la viande de bœuf à Comigel, un sous-traitant. Ce dernier a demandé à sa filiale luxembourgeoise Tavola de fabriquer les lasagnes. Tavola s’est fournie en viande fraîche auprès de Spanghero, qui, lui, a passé commande de la viande auprès d’un trader néerlandais installé à Chypre. Celui-ci a sous-traité la commande en question à un autre trader néerlandais installé, lui, aux Pays-Bas qui a acheté la viande à des abattoirs roumains.

Cette « révélation » a sans aucun doute inspiré deux sortes de sentiments chez les consommateurs. Le premier est l’impression qu’on leur cache la vérité sur ce qu’ils mangent et sur la façon dont leur nourriture est conçue. Cela a certainement conforté l’idée selon laquelle l’industrie agroalimentaire était une « boîte noire ».

Impact sur l'Image des Agriculteurs

Enfin, l’affaire de la viande de cheval a eu sans aucun doute une incidence notable sur l’image des agriculteurs. On peut voir qu’en février 2014, la confiance envers les agriculteurs a baissé de dix points par rapport aux résultats de février 2013.

En moyenne, 77 % des Français interrogés faisaient confiance aux agriculteurs entre 1999 et 2013. Ils n’étaient plus que 68 % en moyenne entre 2014 et 2018.

Mesures et Contrôles Renforcés

En France, tous les produits contaminés vendus par Comigel ont en principe été retirés des rayons. De façon plus générale, la DGCCRF a assuré qu'elle renforcerait ses contrôles en 2013 sur tous les produits susceptibles de contenir de la viande de cheval. Le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll souhaite par ailleurs renforcer la traçabilité de la viande dans les produits transformés.

L'Union européenne a de son côté décidé de lancer une campagne de tests ADN sur les produits étiquetés «bœuf» dans tous les États membres pour contrôler la présence éventuelle de viande de cheval. Des tests complémentaires pour déceler la présence de phenylbutazone ont également été recommandés.

Suite au scandale des lasagnes Findus, Benoît Hamon, alors ministre délégué à l’Économie sociale et solidaire et à la Consommation, demande l’obligation d’étiquetage de l’origine de la viande sur les plats préparés. Un étiquetage sur l’origine des viandes dans les plats préparés a tout de même été mis en place en France depuis le 1er janvier 2017.

Le Procès et les Accusations

Six ans après le scandale de la viande de cheval vendue comme du bœuf, le procès de deux ex-dirigeants de l'entreprise Spanghero s'est ouvert en janvier 2019 à Paris.

Jacques Poujol, Patrice Monguillon, Johannes Fasen et Hendricus Windmeijer sont soupçonnés de "tromperies" et "escroquerie en bande organisée". Tous les quatre, ils auraient vendu début 2013 plus de 500 tonnes de viande présentées comme du bœuf alors qu'il s'agissait de cheval.

Tableau Récapitulatif des Acteurs Clés

Acteur Rôle dans le Scandale
Findus Entreprise commercialisant les plats préparés contenant de la viande de cheval.
Comigel Sous-traitant français fabriquant les plats préparés pour Findus.
Spanghero Fournisseur de viande accusé d'avoir réétiqueté de la viande de cheval en bœuf.
Tavola Filiale luxembourgeoise de Comigel, fabricant des lasagnes.
Johannes Fasen & Hendricus Windmeijer Traders néerlandais soupçonnés d'avoir vendu de la viande de cheval comme du bœuf.

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