Déstockage Alimentaire : Définition et Enjeux

Le déstockage alimentaire est devenu un enjeu majeur dans un monde confronté à l’urgence climatique, au gaspillage alimentaire et aux défis logistiques. Chaque année, des millions de tonnes de produits alimentaires sont jetées ou détruites, alors que des solutions existent pour les redistribuer ou les valoriser. Entre régulations strictes, impératifs économiques et responsabilité sociale, les entreprises et les distributeurs doivent repenser leur gestion des surplus alimentaires.

Définition du Déstockage Alimentaire

Le déstockage alimentaire désigne la gestion des invendus ou des surplus de denrées, visant à éviter leur destruction. Cette pratique est encadrée par des lois telles que la loi Garot (2016) et la loi AGEC (2020) en France.

Alors que le hard-discount propose "à meilleur marché" des produits identiques du 1er janvier au 31 décembre, le déstockage alimentaire se concentre sur des "opportunités". En effet, les magasins de déstockage ne vendent que des produits en fin de vie commerciale qu'ils rachètent aux industriels de l'agroalimentaire ou au réseau classique de distribution, moyennant des prix cassés.

Le Leclerc de Landerneau (29) a lancé un nouveau concept de déstockage alimentaire. L'hypermarché breton a installé deux éléments de mobilier (un sec et un frais) pour regrouper cette nouvelle offre. Les aliments sont encore largement consommables : certains produits frais offrent par exemple plus d'une semaine de date.

Jusqu'à présent, ces produits partaient chez des spécialistes du déstockage. Le Leclerc de Landerneau a donc décidé de ne plus laisser ces volumes s'échapper dans des circuits alimentaires parallèles.

L'offre est par nature irrégulière, et mise en scène sous forme d'arrivages. Évidemment, quand l'hyper brade un stock complet de saucissons Cochonou (comme c'est le cas cette semaine), l'impact sur le rayon charcuterie doit se faire sentir.

Mais le Leclerc de Landerneau assume. Ce n'est pas la première fois que le magasin prend une initiative de la sorte. Particulièrement actif en matière de développement durable, il fait par exemple partie des points de vente pionniers à avoir adopté le concept "Zéro Gâchis".

Législation Française contre le Gaspillage Alimentaire

Ces dernières années, la France s'est dotée d'une législation anti-gaspillage renforcée : pacte national, loi Garot, loi Egalim, loi AGEC. Depuis 2013, la lutte contre le gaspillage à tous les niveaux de la chaîne est devenue une priorité.

L'objectif est clair : réduire le gaspillage de 50 % par rapport à son niveau de 2015 dans les domaines de la distribution alimentaire et de la restauration collective d'ici 2025 et d'ici 2030 dans les domaines de la consommation, de la production, de la transformation et de la restauration commerciale.

Pacte National contre le Gaspillage Alimentaire

Lancé en juin 2013, ce pacte national réunit l'ensemble des parties prenantes tout au long de la chaîne alimentaire, et pose les jalons de la lutte contre le gaspillage en France. L'objectif affiché est de réduire de moitié le gaspillage alimentaire à l'horizon 2025. Pour cela, 16 mesures ont été mises en place, comme la promotion du don alimentaire, la mise en œuvre d'actions de prévention et de réduction du gaspillage alimentaire en interne, le développement de dispositifs de récupération, de transformation et de don des invendus sur les marchés alimentaires publics, ou encore la participation à la quantification du gaspillage alimentaire.

Loi Garot

C'est en février 2016 qu'est entrée en vigueur la première loi française relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire. La loi Garot vise à :

  1. Favoriser la prévention du gaspillage.
  2. Utiliser les invendus par le don ou la transformation.
  3. Utiliser les restes alimentaires à des fins de compost ou de valorisation énergétique.

Ainsi, depuis la loi Garot, les magasins doivent respecter des règles spécifiques au quotidien. Par exemple, les surfaces commerciales de plus de 400 m² ont l'obligation de nouer un partenariat avec une association d'aide alimentaire pour lui faire don de ses invendus alimentaires, au lieu de les jeter ou de les détruire. Les distributeurs alimentaires ont également l'interdiction de rendre impropres à la consommation des invendus encore consommables.

Depuis la loi Garot de 2016, les magasins de plus de 400 m² de surface commerciale ont l'obligation de donner tout ou partie de leurs invendus à au moins une association caritative. Le point de vente doit nommer un responsable du don en interne, et garantir la traçabilité et la qualité des produits donnés.

Loi Egalim

Entrée en vigueur en novembre 2018, la loi Egalim a pour but de fournir un meilleur cadre aux relations entre les acteurs de la chaîne de production alimentaire. Elle vise à :

  1. Renforcer la qualité sanitaire, environnementale et nutritionnelle des produits.
  2. Favoriser une alimentation saine, sûre et durable pour tous.

La possibilité de faire des dons alimentaires est étendue à la restauration collective et à l'industrie agroalimentaire. Autres mesures mises en place : l'encadrement des taux de remise des produits anti-gaspillage au sein de la grande distribution, et l'obligation faite aux restaurateurs de fournir des « doggy bags » aux clients qui en font la demande.

La loi Egalim a été complétée en 2021 par la loi Egalim 2, pour renforcer la protection des agriculteurs et modifier les obligations relatives aux dates de durabilité minimale, comme détaillé plus bas.

Loi AGEC

Entrée en vigueur en février 2020, la loi AGEC (acronyme pour Anti-Gaspillage pour une Économie Circulaire) pose un objectif principal de réduction des déchets. Elle comprend :

  • La mise en place d'une production plus vertueuse, de meilleure qualité.

La loi AGEC met notamment fin à l'élimination des invendus non alimentaires : produits électriques et électroniques, vêtements et chaussures, meubles, livres, produits d'hygiène et de puériculture devront être donnés à des associations ou à des structures de l'économie sociale et solidaire. À défaut de don, le recyclage est encouragé.

Les sanctions envers ceux qui détruisent ou détériorent les invendus alimentaires sont renforcées : l'amende sera modulable en fonction de la taille du commerce et peut aller jusqu’à 15 000 € par manquement pour une personne morale.

Par ailleurs, les initiatives vertueuses sont valorisées grâce à la création d'un label national Anti-Gaspillage Alimentaire. Ce label peut être accordé à toute personne morale qui contribue aux objectifs nationaux de réduction du gaspillage alimentaire. Il est délivré par des organismes certificateurs sélectionnés et agréés par l'État.

La loi AGEC pose également l'interdiction d'éliminer les produits non alimentaires, comme les produits d'hygiène quotidienne, les vêtements et les chaussures, les objets électroniques, l'électroménager ou les livres : ces derniers doivent faire l'objet d'un don en priorité.

Enfin, depuis février 2020, la loi AGEC interdit la destruction des invendus non alimentaires. Les vêtements, les chaussures, l'électroménager, les produits d'hygiène, de beauté et de puériculture, les livres et les meubles ne peuvent désormais plus être détruits.

Les Dates Limites : DLC et DDM

Il existe 2 catégories de date limite pour les produits alimentaires : la date limite de consommation (DLC) et la date de durabilité minimale (DDM). Seul le dépassement de la DLC comporte un risque pour la santé.

Date Limite de Consommation (DLC)

La DLC est la date après laquelle la consommation d'un produit devient dangereuse pour la santé. Elle est indiquée sur les produits alimentaires très périssables et emballés. Par exemple, viandes déjà découpées, charcuteries, plats cuisinés réfrigérés, yaourts.

Elle est indiquée par la mention : "À consommer jusqu'au..." suivie de l'indication du jour, du mois et éventuellement de l'année.

Il est interdit de proposer un produit à la vente le lendemain de la DLC. Le vendeur des produits périmés risque une amende de 1 500 € par produit périmé proposé à la vente.

Le vendeur qui vend volontairement des produits périmés en cherchant à tromper ses clients commet un délit de tromperie. C'est notamment le cas si des produits périmés ont été vendus avec une nouvelle étiquette comportant une date plus récente. C'est ce qu'on appelle la remballe. La personne responsable d'un délit de tromperie risque une peine allant jusqu'à 7 ans de prison et 750 000 € d'amende.

Date de Durabilité Minimale (DDM)

La date de durabilité minimale est une date indicative. Une fois la date dépassée, le produit perd de ses qualités gustatives ou nutritives (baisse de la teneur en vitamines par exemple), mais il n'est pas dangereux pour la santé. C'est le cas, par exemple, des produits secs, stérilisés ou déshydratés (café, lait, jus de fruits, gâteaux secs, boîtes de conserve...).

La date de durabilité minimale des produits est précédée de l'une des mentions suivantes : "À consommer de préférence avant le ..." quand la date comporte l'indication du jour, "À consommer de préférence avant fin ..." dans les autres cas.

Un produit peut être proposé à la vente avec une DDM dépassée. Cela n'est pas une infraction (c'est-à-dire un fait interdit par la loi).

Stratégies de Déstockage Alimentaire

Le déstockage est une stratégie essentielle pour les enseignes souhaitant maximiser leur résultat d’exploitation tout en gérant efficacement leurs stocks excédentaires. L’accumulation d’invendus peut en effet devenir un véritable fardeau pour les entreprises, augmentant les coûts de stockage et immobilisant des liquidités précieuses.

Le déstockage transforme la marchandise non-écoulée en opportunité de ventes supplémentaires à prix réduits. Bien que les marges soient plus faibles, les transactions enregistrées permettent de récupérer des fonds et de rentabiliser des produits qui, autrement, représenteraient une perte sèche.

Méthodes de Déstockage

  • Soldes et promotions : Les soldes intermédiaires et les promotions sont des méthodes classiques pour écouler rapidement les stocks excédentaires tout en maintenant une image positive de la marque.
  • Vente aux enchères ou à prix discount : La vente aux enchères en ligne permet de cibler un marché différent, souvent représenté par des acheteurs à la recherche de bonnes affaires.
  • Déstockage durable : S’inscrire dans une démarche de déstockage durable en collaborant avec des acteurs de l’économie circulaire permet de valoriser les produits qui n’ont pas trouvé preneur en circuit classique.

Exemples de Déstockage Réussi

Carrefour, comme de nombreux magasins de grande distribution, utilise le déstockage via des plateformes d’enchères pour écouler ses produits et optimiser la gestion de ses stocks. Ce processus permet de libérer de l’espace dans les entrepôts tout en générant des revenus à partir de produits excédentaires ou retournés par les clients.

Chiffres Clés du Gaspillage Alimentaire

En France, chaque année, 10 millions de tonnes de nourriture sont perdues ou gaspillées tout au long de la chaîne alimentaire. Ces 10 millions de tonnes d'aliments représentent 16 milliards d'euros, soit 50 kg et 240 euros par Français chaque année.

Ce gaspillage se produit à différents moments de la chaîne de production :

  • 32 % au moment de la production effective.
  • 14 % au moment de la distribution dans les supermarchés, épiceries ou magasins de proximité.

Une partie des aliments est aussi directement jetée par les consommateurs. En effet, chaque Français jette 7 kg d'aliments non consommés et encore emballés par an.

Selon l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), 1,3 milliard de tonnes de nourriture sont perdues ou jetées chaque année, ce qui correspond à 30 % des aliments produits sur la planète.

Initiatives et Plateformes Innovantes

Des applications comme Too Good To Go ou OptiMiam connectent les commerçants avec des consommateurs pour vendre à prix réduit des paniers « surprises » composés d’invendus.

Côté industrie, Unilever et PepsiCo utilisent des algorithmes pour optimiser leur production et limiter les surplus.

La blockchain permet de tracer les dons, comme le fait IBM Food Trust, tandis que l’IA aide à prédire les ventes (ex. : Symphony Retail AI).

Conclusion

Le déstockage alimentaire n’est pas qu’une contrainte réglementaire : c’est une opportunité de repenser notre rapport à la consommation. À l’heure où la FAO alerte sur l’insécurité alimentaire mondiale, le déstockage alimentaire apparaît comme un pilier essentiel de la transition écologique.

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