Neuf millions de tonnes de bisphénol A (BPA) sont produites chaque année dans le monde. Ce composé chimique est utilisé dans le processus de fabrication de nombreux plastiques (emballages alimentaires, gobelets, etc.).
Découverte et Utilisations du BPA
Mis au point à la fin du 19ème siècle, le BPA fut étudié dans les années 1930 dans la recherche d’hormones de synthèse visant à limiter les avortements spontanés, mais il fut laissé de côté au profit du distilbène.
L’importance de la production du BPA et ses multiples utilisations le rendent très présent dans l’environnement. On utilise le polycarbonate pour fabriquer divers produits en plastique rigide : CD, DVD, verres de lunettes, vitrage de sécurité, prises et interrupteurs électriques, équipements médicaux, boitiers électroniques (téléphones portables, ordinateurs, bouilloires et cafetières électriques…), ainsi que pour protéger de l’oxydation les équipements et les objets qu’elles recouvrent : coques de navire, ponts ou meubles métalliques, sols, éoliennes, intérieur de réservoirs et tuyauteries en métal ou béton, réseaux d’adduction d’eau potable (cuves et canalisations), amalgames dentaires.
Enfin, une large proportion de papiers thermiques actuellement utilisés pour les terminaux d’impression de petite taille (reçus de cartes de crédit, pompes à essence, etc.) sont recouverts sur l’une de leur face d’une poudre de BPA.
Exposition au BPA et Effets Potentiels sur la Santé
Toutefois, la principale source d’exposition au BPA considérée par les agences internationales est l’exposition par ingestion, par migration du BPA des contenants vers les contenus alimentaires (WHO, 2010). Les autres sources et voies d’exposition étaient estimées négligeables pour la population générale (inhalation de poussières contaminées, pénétration cutanée due à la manipulation de papier thermosensible…). Cependant, une étude récente de l’INRA réalisée sur des modèles ex vivo de peau de porc et sur de la peau humaine, a montré une importante pénétration cutanée du BPA (Zalko, 2011 ; Marquet, 2011). Par ailleurs, des études américaines ont trouvé chez les personnes manipulant des papiers thermiques, que les doses résiduelles de BPA étaient supérieures à celle de la population générale (Braun, 2010).
Ce constat est connu des autorités, mais une équipe de recherche de l'université de Washington tire la sonnette d'alarme. D'après sa nouvelle étude, la dose moyenne relevée par le meilleur protocole de dépistage du BPA chez l'être humain pourrait être inexacte. Le caractère inexact des tests actuels serait dû au BPA en lui-même, qui se métabolise rapidement dans l'organisme, se transformant en sous-produits chimiques appelés métabolites. C'est cette transformation qui rend difficile le dépistage dans le sang ou l'urine à l'état pur.
Les scientifiques ont effectué des analyses d'urine de BPA en utilisant les techniques anciennes et nouvelles sur un échantillon de cinq hommes adultes et cinq femmes adultes, ainsi que sur un deuxième groupe de vingt-neuf femmes enceintes -à la fois parce que la grossesse change la façon dont le BPA est métabolisé, et parce que l'un de ces changements peut affecter directement le fœtus. Les résultats de cette étude impliquent des conséquences graves non seulement pour notre santé individuelle, mais encore pour les politiques gouvernementales visant à réduire l'exposition globale au bisphénol A.
Effets Cancérogènes
En 2002, un panel international d’experts s’est intéressé aux potentiels effets cancérogènes du BPA chez l’homme. Des études in vivo et in vitro ont été analysées. Chez l’homme, le rapport fait référence à une unique étude épidémiologique recherchant un lien entre exposition au BPA et cancer du sein (Yang 2009). En septembre 2011, l’Anses a publié une expertise collective sur les effets sanitaires du BPA. Celle-ci s’est intéressée aux effets cancérogènes du BPA sur la prostate et sur le sein. Il n’existe aucune étude de cancérogénicité du BPA chez l’homme pour le cancer de la prostate, et ses effets dans les études animales sont controversés. En ce qui concerne le sein, l’expertise de l’Anses confirme que la seule étude épidémiologique ne permet pas de conclure sur le pouvoir cancérogène du BPA, mais certains effets cancérogènes sont avérés chez l’animal (accélération de la maturation architecturale de la glande mammaire, développement de lésions hyperplasiques) ; d’autres suspectés chez l’animal (développement de lésions de type néoplasiques, augmentation de la susceptibilité à développer des tumeurs.
Réglementation et Recommandations
La Valeur Limite d’Exposition Professionnelle (VLEP) aux poussières de BPA inhalables établie par l’Union Européenne est de 10 mg/m3, en moyenne sur 8 heures (INRS, 2010). L’Union européenne (UE) est à l’origine d’un classement CMR de substances, et de plusieurs normes à valeur règlementaire en France. La législation européenne a d’autre part déterminé la limite de migration spécifique du BPA vers les denrées alimentaires qui sont à son contact. Cette limite conditionne la fabrication de matériaux en contact avec les aliments.
En février 2010, l’Afssa préconisait le développement de nouvelles méthodes d’évaluation afin d’optimiser la détection d’une toxicité potentielle du BPA, en précisant qu’à ce jour les données disponibles ne permettaient pas l’évaluation du risque sanitaire (Afssa, 2010). L’expertise collective publiée en septembre 2011 par l’Anses préconise elle aussi de nombreuses perspectives dans le champ de la recherche sur le BPA. Dans son rapport de juin 2010, l’Ineris préconise de considérer les femmes enceintes et allaitantes, les fœtus, et les nouveau-nés et jeunes enfants comme des populations potentiellement sensibles vis-à-vis des propriétés perturbatrices endocriniennes du BPA (Ineris, 2010). Cette précaution a été confirmée en juillet 2011 par le rapport de l’OPECST sur les perturbateurs endocriniens, et par l’expertise collective de l’Anses sur les effets du BPA qui considère la prévention des expositions de ces populations comme un objectif prioritaire.
Interdiction en France
En France, la loi concernant l’interdiction de l’utilisation du bisphénol A dans les contenants alimentaires a été votée au Sénat en 2e lecture en décembre 2012 : celle-ci est effective depuis le 1er janvier 2013 pour les produits destinés aux enfants de moins de 3 ans, et le sera au 1er janvier 2015 pour les autres produits.
Évaluation de l'EFSA
En janvier 2015, l’EFSA a publié sa réévaluation complète de l’exposition au BPA et de sa toxicité. Les experts de l’EFSA ont conclu que le BPA ne posait pas de risque pour la santé des consommateurs de tous les groupes d’âge (y compris les enfants à naître, les nourrissons et les adolescents) aux niveaux actuels d’exposition. Le bisphénol A (BPA) ne présente pas de risque pour la santé des consommateurs, y compris pour les enfants à naître, les nourrissons et les adolescents. Telle est la conclusion de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa), qui publie ce 21 janvier une réévaluation scientifique complète des effets sanitaires potentiels du BPA (1).
Les incertitudes entourant les effets sanitaires potentiels du BPA sur la glande mammaire ainsi que sur les systèmes reproductif, métabolique, neurocomportemental et immunitaire ont été quantifiées et prises en compte dans le calcul de la DJT.
Positions de la FDA
En 2012, l'administration américaine des denrées alimentaires et des médicaments (FDA) a modifié sa réglementation pour ne plus autoriser l'utilisation du bisphénol A dans les biberons. Dans le même temps, l'agence soutenait que les niveaux actuels d'exposition chez les adultes ne constituaient pas un risque pour la santé. En 2018, la FDA a maintenu que le bisphénol A ne représentait pas un réel risque malgré le désaccord de certain·es personnes impliquées dans la recherche, celles qui participent notamment au programme Clarity-BPA.
Avis de l'Efsa en 2023
Dans un avis, l'Efsa conclut que le BPA présente un risque faible pour la santé aux niveaux d'exposition actuels. Mais de fortes incertitudes persistent sur l'exposition cutanée et certains effets sanitaires, notamment perturbateurs endocriniens.
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