Malgré les politiques agricoles adoptées et mises en œuvre depuis 1970 en vue de créer les conditions nécessaires au développement du secteur rural, le Burkina Faso peine à atteindre l’autosuffisance alimentaire.
Les Défis de l'Autosuffisance Alimentaire
Au Burkina Faso, 56,2 % des 20 505 155 habitants sont des agriculteurs, des ouvriers qualifiés de l’agriculture, de la sylviculture ou de la pêche, selon le Recensement Général de la Population et de l’Habitant (RGPH) 2019. Cependant ces agriculteurs font face à de nombreuses difficultés qui entravent le bon déroulement des activités agricoles. Les changements climatiques sont l’une des difficultés qui ne permettent pas une bonne production.
Pression sur le foncier et changements climatiques
La deuxième conférence nationale des territoires s’est ouverte ce 26 octobre 2023 à Ouagadougou. Elle se tient sous le thème "territoires et défis de l’autosuffisance alimentaire dans un contexte de forte pression sur le foncier et de changement climatique". Le thème retenu pour l’occasion est "territoires et défis de l’autosuffisance alimentaire dans un contexte de forte pression sur le foncier et de changement climatique au Burkina Faso".
En plus du thème principal qui sera abordé, deux sous-thèmes sont aussi au menu des échanges. Ce sont l’offensive agropastorale et halieutique 2023-2025 : les acteurs et leurs rôles pour relever le défi de la souveraineté alimentaire, et le rôle de l’évaluation environnementale stratégique dans la mitigation des risques des changements climatiques sur les territoires et la sécurité alimentaire.
Difficultés d'accès au crédit et manque d'accompagnement
La difficulté d’accès au crédit, le manque d’accompagnement et de formation ont dissuadé les petits producteurs malgré les avantages du soja. Peu gourmand en intrants et riche en protéines, il aurait pu assurer une amélioration de 10 % des revenus à l’hectare pour une population qui vit encore dans sa grande majorité au-dessous du seuil de pauvreté (moins de 2 dollars par jour). L’absence d’unités de transformation a également constitué un frein.
Faible budget alloué à l'agriculture
Dans le budget de l’Etat 2022, la part pour l’agriculture est seulement de 5%. Entre 2019 et 2021, 26 Etats africains ont dépensé moins de 5% de leur budget dans le secteur agricole selon Oxfam. Alors qu’il faudrait atteindre au moins 10% de leur budget total en donnant la priorité aux petits producteurs et productrices pour développer leur savoir-faire. Mais plus de la moitié des dépenses du budget du Ministère de l’Agriculture passe dans son fonctionnement. Les paysans n’ont pas la capacité financière d’investir dans leurs moyens de production. Sans aide, ils ne peuvent pas se développer.
Solutions et Initiatives pour l'Autosuffisance Alimentaire
Afin de booster la production des céréales et des légumes, le gouvernement a adopté en mai 2023, l’initiative présidentielle pour la production agricole 2023-2024 et l’offensive agro-pastorale et halieutique 2023-2025.
L'Initiative Présidentielle pour la Production Agricole (IP-P3A)
Le gouvernement burkinabè a récemment pris un décret instituant l’Initiative Présidentielle pour la Production Agricole et l’Autosuffisance Alimentaire (IP-P3A), marquant un tournant décisif dans le secteur agricole du pays. Cette initiative ambitieuse vise à mettre en œuvre une agriculture climato-intelligente, une solution viable à court et moyen terme pour lutter contre les effets du changement climatique. Les Forces combattantes seront intégrées dans le processus de production agricole, assurant ainsi une sécurité alimentaire renforcée et le bien-être des agriculteurs burkinabè.
L’initiative se structure autour de quatre composantes principales :
- La mise en place d’une agriculture climato-intelligente sur 5 000 hectares, se concentrant sur l’adaptation et l’atténuation du changement climatique.
- L’urgence pour augmenter la production de riz, blé et produits maraîchers sur 16 000 hectares, visant une autosuffisance rapide.
- Le Programme Alimentaire Militaire déployé sur 6 750 hectares, garantissant un approvisionnement constant pour les forces armées.
- La défense contre l’insécurité alimentaire avec une production sur 5 000 hectares, impliquant 3 500 hectares gérés par la SOSUCO et les villages voisins avec les VDP et différentes coopératives, et 1 500 hectares par la Chambre nationale d’agriculture.
L’IP-P3A sera hébergée au Bureau national des Grands projets du Burkina (BN-GPB). Sa mise en œuvre sur cinq ans nécessitera une mobilisation financière colossale de 120,893 milliards de F CFA, soulignant l’engagement du gouvernement à transformer le paysage agricole du Burkina Faso.
Semences Améliorées
Dr Noufou Ouédraogo, chercheur en agronomie et amélioration des plantes à l’Institut de l’Environnement et de Recherches Agricoles du Burkina Faso (INERA), travaille sur les céréales traditionnelles dont le sorgho. Selon lui, la semence améliorée est la semence que les chercheurs parviennent à mettre au point, en utilisant les techniques d’amélioration des plantes.
« Nous partons à partir donc des semences paysannes. Les semences améliorées ont apporté une grande aide aux producteurs burkinabè et ont contribué à une augmentation dans rendements agricoles. « Aujourd’hui, les semences améliorées contribuent rien qu’à elles seules à 40 % du rendement des différentes spéculations au Burkina Faso » note Dr Ouedraogo.
De l’avis du chercheur Dr Ouedraogo, au Burkina Faso, le sorgho est la première céréale cultivée dans toutes les trois zones agro climatiques du pays.
Certaines variétés des semences mises au point par les chercheurs arrivent à répondre au besoin. Ces semences arrivent à tolérer les poches de sècheresse allant de deux semaines à trois semaines.
Alidou Tapsoba est l’un des producteurs qui ont opté pour les semences améliorées, car les anciennes semences donnaient avec un retard et la pluie ne suffisait pas à ces semences. Il précise que ces semences sont appelées semences Sowetini et depuis qu’il sème celles-ci, le résultat est appréciable. Selon lui, en 70 à 75 jours après la mise en terre, il y a un bon rendement.
Agroécologie et Agroforesterie
Les paysans sont capables d’accroître la production agricole, à condition qu’on leur donne les moyens de développer leur savoir faire en agroécologie et agroforestrie.
« Les arbres sont un facteur clé dans les recherches de solutions au niveau des changements climatiques. Il faut promouvoir l’agroforesterie, avoir plus d’arbres dans le champ. Ce qui va favoriser beaucoup d’infiltration en cas de fortes pluies et d’inondation et aussi en cas de sécheresse, les arbres sur le champ vont constituer un microclimat qui va maintenir un certain niveau d’humidité dans le sol pendant longtemps.
Villages Climato-Intelligents
Une autre alternative pour faire face aux changements climatiques dans le domaine agricole, est le développement des villages climato-intelligent. « Dans le village toutes les activités seront menées en tenant compte des changements climatiques, dès le départ on essaie de faire un état des lieux. Qu’est-ce qui a changé au niveau du climat, quelles sont les conséquences qu’ils ont actuellement et pour chaque conséquence on essaie de mettre au point un paquet technologique qui permet d’atténuer l’effet de ces changements et aussi qui permettent aux populations de s’adapter c’est-à-dire pouvoir produire vivre avec ce changement », explique Dr Josias Sanou.
Programme Promotion de l’agriculture familiale en Afrique de l’Ouest (Pafao)
A l’image du programme Promotion de l’agriculture familiale en Afrique de l’Ouest (Pafao), porté par le Comité français pour la solidarité internationale (CFSI) et la Fondation de France depuis 2009. Objectif : permettre aux petits producteurs, qui fournissent 70 % des denrées consommées dans le monde mais qui sont peu protégés du fait du développement des échanges internationaux, de reconquérir leur place sur les marchés locaux, notamment dans les villes.
Du Bénin au Cap-Vert, en passant par le Niger ou le Togo, 200 projets ont déjà vu le jour dans le cadre du programme Pafao. Leur point commun ? Miser sur une meilleure mise en relation entre agriculture familiale paysanne et marchés, urbains et ruraux, chercher à augmenter l’offre en produits issus de l’agroécologie (qui vise à exploiter les potentialités de la nature au lieu d’utiliser des engrais chimiques, pesticides de synthèse et insecticides chimiques) et s’appuyer sur les semences locales, plus résistantes et adaptées aux conditions climatiques de ces pays que les variétés importées.
Techniques pour améliorer la production agricole
- La fertilisation organique fondée sur le compostage, une pratique qui a l’avantage d’être accessible aux paysans.
- Le biogaz, combustible pour cuisiner et s’éclairer. Il est produit dans un biodigesteur individuel, alimenté essentiellement par les déjections animales des bovins et porcins.
- Planter des haies vives après avoir installé des clôtures d’épineux ou en grillage pour protéger les arbustes de la divagation des animaux.
Tableau récapitulatif des composantes de l'IP-P3A
Composante | Objectif | Superficie |
---|---|---|
Agriculture climato-intelligente | Adaptation et atténuation du changement climatique | 5 000 hectares |
Augmentation de la production | Autosuffisance en riz, blé et produits maraîchers | 16 000 hectares |
Programme Alimentaire Militaire | Approvisionnement constant pour les forces armées | 6 750 hectares |
Défense contre l’insécurité alimentaire | Production impliquant SOSUCO, villages voisins, VDP et coopératives | 5 000 hectares |
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