Sain pour l’humain et durable pour la planète : l’équation de nos régimes alimentaires est encore difficile à résoudre. Cependant, les fondamentaux qui permettront de construire ce nouveau paradigme commencent à se dessiner. Pour ce qui est de la France, l’État s’appuie sur les recommandations nutritionnelles émises par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), pour établir le Programme national nutrition santé (PNNS), support de politiques publiques dont l’objectif est d’améliorer la situation nutritionnelle et de santé de la population.
Les Fondamentaux d'un Régime Alimentaire Durable
Pour l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, la durabilité d’un régime alimentaire repose sur plusieurs critères :
- Il doit avoir un faible impact sur l’environnement.
- Contribuer à la sécurité alimentaire et nutritionnelle de la population.
- Être culturellement acceptable, économiquement équitable et accessible.
Mais les situations culturelles, économiques, sociales et agricoles sont tellement diverses de par le monde qu’il est impossible de définir « un » régime alimentaire unique que pourrait adopter la population mondiale.
Les Recommandations du PNNS en France
Voici les grandes lignes de ce plan :
- Réduire notre consommation de produits et boissons sucrés, de charcuterie et de viandes (hormis la volaille).
- Maîtriser la consommation d’aliments hautement transformés.
- Consommer des poissons issus de stocks durables.
- Mettre l’accent sur des aliments locaux et saisonniers.
- Augmenter notre consommation de produits végétaux de bonne qualité nutritionnelle comme les céréales complètes, les légumineuses, les fruits et légumes…
Ces recommandations permettent de tendre vers un régime plus sain mais permettent-elles d’avoir un impact moindre sur l’environnement ?
Impact Environnemental et Coût des Régimes Alimentaires
Les études sur la population française montrent que les 20 % de personnes ayant le meilleur régime alimentaire, d’un point de vue nutritionnel, consomment moins de viande, charcuterie, boissons sucrées et alcoolisées, et plus de produits végétaux que la moyenne. Pour aller plus loin, les chercheurs ont conçu par modélisation un régime qui répond aux recommandations nutritionnelles et permet de diminuer davantage les émissions de GES. Résultat, avec une réduction plus forte des produits animaux, une augmentation des produits végétaux et une baisse de la consommation des boissons chaudes (café, thé, etc.), les chercheurs arrivent à un régime qui émet 30 % de moins de GES que le régime moyen actuel.
Ces deux régimes, l’observé et le modélisé, ont un coût inférieur à celui du régime actuel (6,20 € et 6,40 € par jour par personne, au lieu de 6,70 €) mais restent tout de même inaccessibles pour une partie de la population - sachant que le budget moyen des Français se situe entre 5 et 6 € par jour et par personne, et celui des ménages les plus modestes autour de 3,50 €.
La Consommation de Viande : Un Enjeu Mondial
Très inégale dans le monde, la consommation de viande devrait augmenter de 60 % d’ici 2050 selon les projections, du fait de l’augmentation conjuguée de la population mondiale et du pouvoir d’achat des pays en forte croissance. Or, si les produits animaux apportent tous les acides aminés dont nous avons besoin et constituent la source principale de vitamine B12, de fer et de zinc essentiels pendant la grossesse et la croissance, une consommation excessive de viande, en particulier de viande rouge, peut avoir des conséquences néfastes sur la santé. Ses acides gras saturés et mono-insaturés peuvent entraîner des maladies cardiovasculaires. Par ailleurs, l’élevage, en particulier celui des ruminants, est responsable d’une partie des émissions de GES. En effet, au niveau mondial, les émissions directes et indirectes de GES provenant de l’élevage sont estimées à 14,5 % des émissions totales liées aux activités humaines, l’équivalent de 7,1 gigatonnes de CO2 chaque année.
L’élevage permet d’utiliser des terres agricoles non cultivables sous forme de prairies temporaires ou permanentes qui jouent un rôle majeur dans le stockage du carbone dans les sols. Les animaux permettent également la valorisation des coproduits et sous-produits des filières végétales non consommables directement par l’humain, ou encore apportent une fertilisation organique des terres.
L'Agroécologie et l'Agriculture Biologique
Un régime alimentaire durable commence par une production respectueuse de l’environnement. Côté champ, il s’agit de développer des modèles plus respectueux de l’environnement. L’agroécologie en est un bon exemple. Le principe : des pratiques agricoles (biocontrôle, couverts végétaux hivernaux, associations de culture, prairies permanentes, etc.) qui s’appuient sur les fonctionnalités offertes par les écosystèmes avec comme objectifs de réduire les émissions de GES, limiter le recours aux intrants de synthèse et préserver les ressources naturelles.
L’agriculture biologique, caractérisée par l’absence d’utilisation d’intrants de synthèse et d’antibiotiques, est également une bonne voie pour verdir les pratiques agricoles avec en prime des impacts bénéfiques sur la santé. Des travaux récents basés sur le suivi de 69 000 personnes pendant 7 ans, dans le cadre de l’étude Bionutrinet, ont montré une diminution de 25 % du risque de cancer (tous types confondus) chez les consommateurs réguliers d’aliments issus de l’agriculture biologique, par rapport à ceux qui en consomment moins souvent.
Si les études montrent que c’est la réduction de la consommation des produits animaux qui constitue le plus grand potentiel de diminution des GES, des actions complémentaires peuvent aussi y contribuer.
Manger Local et de Saison : Est-ce Toujours Durable ?
Manger moins ? Les études citées plus haut indiquent que les régimes occidentaux doivent baisser de 250 kcal pour atteindre 3 000 kcal par jour et par personne, gaspillage compris (soit 1 850 à 2 000 kcal réellement consommées). Quant au « manger local » très en vogue, il n’est pas forcément synonyme de durable. En effet, si le transport par avion fait grimper l’impact carbone d’un aliment, il représente seulement 1 % du tonnage des importations de fruits et légumes, et a donc un impact global limité. Ainsi, aller chercher ses fraises chez le producteur « local » en voiture, n’est pas forcément plus durable que de consommer un produit importé.
Manger de saison ? Là aussi, tout dépend de ce que l’on regarde. D’un côté, la diminution des achats de viande a tendance à faire baisser les coûts, d’autant plus qu’ils représentent le premier poste du budget alimentaire des Français. Manger plus de fruits et légumes peut en revanche faire augmenter les coûts, même avec les légumineuses pourtant moins chères.
Les Légumineuses : Une Solution Durable ?
Pour résoudre l’équation complexe du régime sain et durable, les légumineuses font office aujourd’hui de bonnes candidates : lentilles, fèves, haricots secs pour l’alimentation humaine ; pois, féverole, trèfle, luzerne pour l’alimentation animale. Sources de protéines (20 à 40 % selon les espèces contre 10 à 13 % dans le blé par exemple), les légumineuses permettent de réduire notre consommation de viande et diminuer l’importation de soja pour l’alimentation animale. De surcroît, les légumineuses présentent des avantages sur le plan agronomique et même climatique. Intégrées dans les rotations de culture, elles peuvent servir de piège à nitrates et fixer l’azote pour la culture suivante. Elles permettent de casser le cycle des maladies, des ravageurs et des mauvaises herbes, et ainsi d’utiliser moins de pesticides à l’échelle de la rotation des cultures. Malgré ces nombreux atouts, les légumineuses représentent seulement 4 % de la surface agricole utile en France et la consommation de légumes secs a été divisée par quatre en 20 ans pour atteindre un niveau très bas en France (2 kg par personne et par an en 2020).
Les Défis de l'Alimentation en France
Si les études récentes montrent que le surpoids et l’obésité tant chez les adultes que chez les enfants se sont stabilisés, cette stabilisation survient à un niveau qui, bien que moins mauvais comparativement à celui de nombreux autres pays européens, demeure trop élevé. Ainsi près de la moitié des adultes et 17 % des enfants sont en surpoids ou obèses en France aujourd’hui, avec des inégalités sociales encore très marquées. D’autres indicateurs n’évoluent pas de façon favorable. La croissance de la prévalence du diabète de type 2 se poursuit ; la pratique d’activité physique tend à décroître, particulièrement chez les femmes et les enfants, et reste très insuffisante. Les comportements sédentaires ont fortement augmenté ces dix dernières années.
Les attentes de nos concitoyens sont donc fortes pour une meilleure qualité nutritionnelle de l’alimentation. Mais au-delà, le consommateur recherche également des productions locales, de saison, ou sous signe de qualité, une plus grande transparence. Il s’agit donc de promouvoir une alimentation ancrée dans les territoires en lien avec une agriculture résiliente tournée vers la transition agro-écologique.
Les Instruments pour une Alimentation Plus Saine et Durable
Les principaux instruments permettant d’accompagner les consommateurs vers une alimentation plus saine et plus durable pour tous sont déjà bien identifiés :
- L’éducation à l’alimentation tout au long de la vie au plus près du terrain, assortie d’outils de partage et d’évaluation des pratiques.
- Des dispositifs d’information nutritionnelle et environnementale comme le Nutriscore ou l’affichage environnemental.
- L’encadrement de la publicité.
- Des actions auprès de l’industrie pour améliorer la qualité nutritionnelle des aliments.
- Les dispositifs d’aide alimentaire.
- La fiscalité comportementale.
Parallèlement, il est possible de faire évoluer la production agricole nationale pour contribuer à l’alimentation saine et durable des Français, d’accélérer l’évolution de la politique agricole commune pour qu’elle devienne plus favorable à l’environnement et à l’emploi, de renforcer les mesures de soutien à la transition agroécologique, ainsi que les initiatives des projets alimentaires territoriaux.
Améliorer l'Information et l'Accompagnement du Consommateur
Proposer un meilleur accompagnement du consommateur est nécessaire. Cela passe d’abord par l’éducation à l’alimentation, tout au long de la vie. Améliorer l’information nutritionnelle et environnementale auprès du consommateur, notamment via l’étiquetage. En effet, le consommateur est confronté aux moyens publicitaires et aux stratégies marketing des producteurs et marchands de produits de faible qualité nutritionnelle. Utiliser les leviers de la fiscalité comportementale ; il faut ainsi notamment évaluer la faisabilité et l’intérêt de la proposition discutée au Parlement européen de moduler la TVA sur les aliments en fonction des bénéfices nutritionnels et de leur empreinte carbone. Renforcer les moyens alloués à l’aide alimentaire et sa qualité.
Vers une Stratégie de Transition Alimentaire
Comme l’a prévu le législateur dans la loi dite « climat et résilience », les différents plans structurant la politique de l’alimentation doivent être coordonnés dans une stratégie de transition alimentaire de long-terme, prenant en compte les éléments de prospective en matière agricole, économique, environnementale, sanitaire, sociale et sociétale et proposant un cap clair de transition de notre système alimentaire vers la durabilité.
Tableau Récapitulatif des Recommandations pour une Alimentation Saine et Durable
Recommandation | Objectif |
---|---|
Réduire la consommation de produits sucrés et transformés | Améliorer la qualité nutritionnelle et réduire les risques de maladies |
Augmenter la consommation de produits végétaux (fruits, légumes, légumineuses) | Favoriser un régime équilibré et réduire l'impact environnemental |
Privilégier les produits locaux et de saison | Soutenir l'économie locale et réduire l'empreinte carbone |
Adopter des pratiques agricoles durables (agroécologie, agriculture biologique) | Préserver l'environnement et la santé humaine |
TAG: