L'alimentation dans la Rome Antique : Un voyage culinaire à travers l'histoire

Ce peuple puissant est aujourd’hui dévoilé dans ses habitudes alimentaires. S’il est connu que les Romains mangeaient dans le triclinium et que la plupart d'entre eux mangeaient allongés, certains se demandent sûrement quels aliments composaient la cuisine romaine. Les Romains et leurs convives, qu'ils soient pauvres ou issus de familles riches, profitaient d’une nourriture riche et variée. Faites-vous une idée des spécialités culinaires de la Rome antique et de ses coutumes.

Pauvres ou riches, que mangeaient les Romains ?

Chez les Romains, familles riches ou pauvres, il y avait plusieurs repas principaux. Les céréales, telles que le blé et l’orge, formaient la base alimentaire, du petit-déjeuner (jentaculum) au repas du soir. Elles étaient utilisées pour confectionner du pain grossier et de la bouillie. La viande, parfois coûteuse, était souvent transformée en petites coupes ou saucisses, et le choix était grand : les Romains pouvaient manger de la volaille, du gibier, du porc, du veau, du mouton ou de la chèvre. Les Romains appréciaient, par ailleurs, une grande variété d’oiseaux allant du faisan à l’autruche. Les fruits de mer, consommés frais, séchés, salés, fumés ou marinés, étaient parfois accompagnés d’une sauce de poisson (garum) très prisée. Leurs repas étaient accompagnés de vin. Finalement, ces exemples d'aliments et de plats romains reflètent la sophistication et la diversité de la cuisine romaine.

Nourriture, plantes... Quels aliments mangeaient les Romains dans l’Antiquité ?

Dans les traditions et coutumes de la cuisine romaine, la table était ornée d'herbes aromatiques, dont l'utilité dépassait la fonction décorative. Les Romains consommaient des plantes avec enthousiasme, ainsi que des épices qu'ils importaient d'Orient (clou de girofle, noix de muscade...). Les fruits, tels que les pommes, figues fraîches, raisins, poires, prunes, dattes et cerises, offraient une variété sucrée. Les assortiments de fruits étaient servis en "secunda mensa". Les légumes, notamment fèves, lentilles, pois, asperges, champignons, oignons, navets, choux, poireaux, céleris et concombres étaient dégustés par les Romains selon les saisons. Les Romains, surtout les travailleurs modestes et les peuples de paysans, aimaient les céréales telles que le blé, l’orge, l’avoine, le millet, le seigle et le froment, consommés sous forme de gruau ou de pain. Les olives et l’huile d’olive, incontournables, agrémentaient leurs plats, tandis que les conserves diversifiaient davantage leur alimentation, témoignant de la richesse et de la diversité des habitudes alimentaires des Romains.

Cuisine et gastronomie : pourquoi les Romains mangeaient-ils leurs plats allongés ?

Les Romains mangeaient allongés, sous l’influence des élites gréco-romaines. Les banquets se déroulaient sur des banquettes, appelées "klinai". Les convives et les hôtes y étaient à moitié allongés et prenaient la nourriture avec leur main droite. Cette tradition, héritée des Mésopotamiens, exigeait que la nourriture soit préalablement découpée en bouchées. Les Gréco-Romains refusaient de se nourrir assis comme les Gaulois. Manger de cette façon revenait à se comporter comme des barbares. Boire et discuter en même temps que le repas permettait aussi aux Romains d’adopter une pratique réservée aux élites grecques. Le banquet revêtait d’ailleurs une importance particulière, il était souvent célébré sous des tentes avec une aura sacrée. C’étaient des moments significatifs avec des offrandes aux divinités. Les familles riches buvaient à la santé des convives et tous assistaient à des spectacles de danse et mangeaient jusqu'à la tombée de la nuit.

Que pouvaient donc manger les Romains d’il y a 2000 ans ?

Ni pizzas, ni pâtes à la carbonara, que pouvaient donc manger les Romains d’il y a 2000 ans ? Les informations sur le régime alimentaire des Romains nous sont parvenues grâce à des représentations artistiques comme les mosaïques, les bas-reliefs et les fresques, par des restes retrouvés notamment à Pompéi, ou encore par des textes divers, des traités d’agriculture à des ouvrages philosophiques, en passant par des pièces de théâtre. Le régime du Romain moyen est principalement constitué de céréales, notamment le blé et l’orge, consommés sous forme de gruau ou de pain. Ce pain assez foncé, plat et circulaire, est souvent fabriqué dans les maisons qui possèdent leur propre meule à grains et leur four, ou dans les boulangeries où il était aussi possible de cuire son propre pain. Les légumineuses constituent aussi une source importante de protéines et sont appréciées pour leur longue conservation. Les Romains qui en avaient les moyens consommaient de la viande, principalement de la volaille (des merles aux faisans, tout ce qui a des plumes) et du gibier (du lapin au cerf, tout ce qui court) mais aussi des animaux issus de l’élevage.

Si ni le sucre, ni le chocolat n’existaient, les Romains aisés connaissaient tout de même une grande diversité en termes de sucré, qui n’était pas forcément réduit au dessert, accompagnant d’autres aliments. Une des recettes sucrées de la bible culinaire d’Apicius est celle des dattes fourrées aux pignons de pin, signe de la gourmandise des Romains. Le vin accompagne ces repas, mais est très différent de ceux que l’on connaît aujourd’hui. Plus épais, il est coupé d’eau pour être consommé sans risquer l’ébriété. Une boisson à base de sureau était également appréciée. L’assaisonnement des plats était d’autant plus important qu’il était parfois difficile de trouver des produits frais, et permettait donc de cacher le goût avarié de certains aliments. Et comment parler de l’alimentation romaine sans évoquer le condiment le plus populaire qu’était le garum ?

Les Romains pauvres avaient accès à des céréales en bouillie, de la soupe de choux, parfois avec du lard mais pas de viande fraîche, légumes du jardin, fèves, pois chiche. Voici leurs repas pour les différents moments de la journée : pour le petit-déjeuner, ils mangeaient du pain frotté d’ail avec de l’eau. Pour le déjeuner, ils avaient accès à un repas frugal et froid. Pour leurs différents repas, ils avaient un déjeuner riche avec du fromage, des fruits, du pain trempé. Lors des occasions spéciales, leurs dîners devenaient de grands banquets interminables. Les nourrissons boivent du lait maternel aussi longtemps que possible après leur naissance. Le régime diététique et le fait de manger équilibré sont très importants dans la Rome antique. Selon Galien, la bonne santé repose sur l’équilibre des quatre humeurs qui régissent le corps : le sang, le plegme, la bile noire et jaune. L’origine de cette science et de la théorie des humeurs proviennent du grecque Hippocrate de Cos, il y a plus de 2 400 ans. Son objectif est de prévenir la maladie grâce à une alimentation et une hygiène de vie adaptées (exercices physiques, bains, massages…).

Les gladiateurs étaient végétariens et buvaient des boissons énergisantes appelées pyxis. Ce breuvage à base de cendres végétales était servi après les combats et les entraînements, afin de soigner les douleurs, de réparer et renforcer leurs os. En effet, la cendre des plantes est utilisée dans de nombreuses cultures comme un remède médical et une épice culinaire. Ils évitaient les produits laitiers mais consommaient des haricots, des céréales, de l’orge, du blé, des fèves, des légumes et des fruits secs. Certains Romains adoptaient un régime végétarien pour des raisons religieuses ou culturelles, ou en fonction des villes où ils habitaient.

Il ne fait aucun doute que de somptueux festins aient été organisés à Rome par certains empereurs, comme Caligula, Claude, Néron et Vitellius ; ou encore, plus tard, Elagabal. Selon l’idéal romain, un bon chef doit savoir contrôler son corps, qu’il s’agisse de désirs alimentaires ou sexuels. Les « mauvais » empereurs ont d’ailleurs une fâcheuse tendance à associer ces deux plaisirs charnels. Les orgies impériales, toujours dénoncées, et sous certains empereurs seulement, ne concernaient qu’une part infime de la population. Il en est de même du vomissement qu’on associe souvent à ces festins. Les médecins avaient coutume d’enfoncer une plume dans le gosier des convives qui souffraient d’indigestion.

C’est au contraire la simplicité alimentaire, voire la frugalité, qui caractérisait l’Empire romain. L’immense majorité de la population se nourrissait surtout de légumes et de céréales, sous la forme de bouillies et de galettes ; ou encore de fruits : figues, pêches, raisins… C’était donc un régime très végétal qui prédominait. Le vin était très répandu. C’était une boisson épaisse que l’on mélangeait avec de l’eau, parfois chaude. On y mettait aussi volontiers du poivre ou du miel. Seule une minorité de riches consommaient avec ostentation, non par goût des aliments, mais d’abord pour affirmer leur appartenance à l’élite.

En bon historien du « fait alimentaire », Dimitri Tilloi d’Ambrosi est parfaitement conscient des enjeux autres que nutritifs que représente la nourriture. Manger n’est pas un acte anodin : le repas s’inscrit dans un cadre social codifié. « Outre l’aliment, ajoute Dimitri Tilloi d’Ambrosi, le mangeur consomme aussi du symbole, construit autour d’une hiérarchie normée. La littérature latine nous offre un magnifique exemple de cette stratégie de distinction, à travers le personnage de Trimalcion dans le Satyricon, roman satirique attribué à Pétrone. Trimalcion, ancien esclave affranchi, figure du nouveau riche, adopte avec boulimie tous les codes de la haute société romaine. Ainsi, le dîner s’insère dans un esprit de compétition entre membres de l’élite. C’est à qui dépensera le plus d’argent et offrira les mets les plus inattendus ou exotiques. Les textes antiques évoquent des plats étonnants : crêtes de coqs, langues de paons, têtes de perroquets, vulves de truie, langues ou cervelles de flamants roses… Mais l’aliment le prestigieux au Ier siècle apr. J.-C.

Dimitri Tilloi d’Ambrosi a conçu son livre comme un parcours culinaire en trois étapes qu’il a intitulées : « Préparer », « Manger » et « Digérer ». Il nous guide d’abord à travers les étals des marchés de Rome où le client pouvait faire l’acquisition de fruits, légumes, viandes, poissons et fruits de mer. Le chercheur nous entraîne ensuite en cuisine. Les recettes romaines nous sont connues grâce au livre d’Apicius, L’Art culinaire (De re coquinaria). Mais nous savons malheureusement peu de choses sur la vie de ce grand cuisinier qui vécut au Ier siècle apr. J.-C., sous l’empereur Tibère.

Les Romains se mettaient à table trois fois par jour. D’abord pour un petit-déjeuner très simple, puis un déjeuner rapide et, enfin, pour le dîner ou cena, principal repas de la journée. Ces repas en position couchée étaient assez salissants. On mangeait avec les doigts, sauf les œufs pour lesquels on disposait de cuillères. Des aliments atterrissaient sur les mosaïques qui ornaient le triclinium. Souvent, les convives jetaient volontairement au sol les os, coquilles de mollusques, ou arêtes de poisson qu’ils venaient de retirer de leur bouche. Un geste vu comme propitiatoire.

Le parcours proposé par Dimitri Tilloi d’Ambrosi se termine logiquement aux latrines, les WC des Romains, bien identifiées sur plusieurs sites archéologiques. L’étude des coprolithes, c’est-à-dire des restes d’excréments minéralisés, retrouvés par les fouilleurs, a révélé la mauvaise hygiène des Romains qui ne se lavaient guère les mains avant de tremper leurs doigts dans les plats.

Les conseils diététiques des médecins de l'Antiquité

Avant Instagram et avant les régimes alimentaires créés à partir d’analyses ADN, l’alimentation constituait pour les médecins grecs et romains la principale forme de soins à prodiguer. Fait surprenant, les conseils que ceux-ci donnaient semblent à la fois modernes et remarquablement sensés. Le médecin romain Galien écrivait déjà au deuxième siècle de notre ère qu’une trop grande consommation de viande rouge (en particulier de bœuf) pouvait provoquer le cancer. Hippocrate conseillait à ceux qui cherchaient à perdre du poids de faire ce que nous appelons aujourd’hui du « cardio à jeun » : faire de l’exercice le ventre vide avant de manger. Dioscoride, père de la pharmacologie, écrivait quant à lui que la soupe de poulet « est très souvent prescrite à ceux qui sont en mauvaise santé pour les remettre d’aplomb. »

« La chose la plus importante de toutes, écrivait le Romain Celse, est que chacun connaisse bien la nature de son propre corps. » La plupart des personnes ont une faiblesse corporelle ou une autre, poursuivait-il - et que l’on ait tendance à prendre du poids ou à avoir du mal à en garder, à être constipé ou à avoir un transit express - « l’aspect le plus problématique, quel qu’il soit, devrait toujours faire l’objet de la plus grande attention », et il faudrait ajuster notre alimentation en fonction.

Les conceptions antiques de l’alimentation étaient ancrées dans des théories archaïques sur le fonctionnement du corps. La plupart des médecins grecs et romains croyaient que tous les corps existaient sur un spectre allant du chaud au froid et de l’humide au sec. De manière générale, à partir du médecin Galien, on fit correspondre les propriétés de l’humide, du sec, du chaud et du froid aux humeurs (ou substances) du corps. Le sang était chaud et humide ; les mucosités étaient froides et humides ; la bile noire était froide et sèche ; et la bile jaune était chaude et sèche. Dès Hippocrate, on se mit à croire qu’un déficit ou un excès de l’une de ces substances pouvait être la source de douleurs et de maladies.

On considérait que certains corps, comme ceux des femmes, étaient plus disposés à « l’humidité », tandis que d’autres, comme ceux des jeunes hommes, étaient plus chauds et plus secs. Mais de manière générale, on pouvait atteindre la bonne santé en maintenant l’équilibre entre ces propriétés, explique Claire Bubb, maîtresse de conférences en littérature et sciences classiques à l’Institut d’étude du monde antique de l’Université de New York et autrice d’un ouvrage paru récemment intitulé How to Eat : An Ancient Guide for Healthy Living.

« Pour le dire assez simplement, explique-t-elle, la théorie de base est qu’un patient qui souffrait d’une maladie chaude et sèche [par exemple le choléra] serait certainement soulagé par une alimentation froide et humide (et qu’il serait considérablement moins risqué de donner de la laitue à quelqu’un plutôt qu’un médicament aux effets indésirables potentiellement catastrophiques). » On voyait la laitue comme un aliment rafraîchissant pouvant réguler la température du corps de ceux chez qui elle était trop élevée, que ce soit à cause de leur nature intrinsèque, à cause de la maladie ou à cause de la météo.

Bon nombre des propriétés chauffantes et rafraîchissantes des aliments semblent aller de soi : la laitue et les concombres rafraîchissent, mais la roquette réchauffe parce qu’elle pique. La viande est un aliment qui réchauffe, surtout si on la fait rôtir (mode de cuisson qui ne mobilise pas de liquide et nécessite des températures de préparation plus élevées). Les crudités sont des aliments rafraîchissants et donc mieux adaptés à l’été, période où le corps à besoin d’être refroidi.

À en croire certains médecins de l’Antiquité, ces recommandations fonctionnaient. Galien affirme dans un ouvrage intitulé Sur les facultés des aliments que lorsqu’il était jeune homme - et que sa température était donc, dit-il, plus élevée en raison de son âge - il parvenait à se rafraîchir en mangeant de la laitue. Désormais plus âgé, cela l’aidait à s’endormir. « Le seul remède contre l’insomnie en ce qui me concerne, écrit-il, était de manger de la laitue le soir. »

Si l’alimentation était importante dans le diagnostic et dans le traitement des maladies, elle était encore plus essentielle comme moyen de prévenir ces dernières. Les traitements chirurgicaux et pharmaceutiques étaient encore balbutiants et la plupart des maladies étaient incurables. L’alimentation faisait donc office de médecine préventive ; l’un des seuls moyens pour un individu d’essayer d’éviter de tomber malade. Si une personne a besoin d’être rafraîchie, écrit Celse dans De la médecine, elle devrait boire de l’eau, dormir et manger des aliments acides. Si elle doit être réchauffée, elle devrait manger « uniquement des aliments salés et amers et de la viande ».

À l’Antiquité, les conseils diététiques étaient « extrêmement personnalisés », indique Claire Bubb. « L’alimentation idéale doit être adaptée sur mesure à chaque individu, ainsi l’idée d’une quantité quotidienne universelle recommandée n’aurait pas eu de sens. » On conseillait aux athlètes antiques, à un gladiateur costaud par exemple, de manger des aliments « nourrissants » et fortifiants, comme du porc ou du bœuf. Un fonctionnaire assis derrière un bureau toute la journée à faire de la comptabilité ou d’autres tâches bureaucratiques devait plutôt privilégier des aliments plus légers, comme du poisson. Mais ainsi que l’observe Galien, certaines personnes digèrent le bœuf plus facilement que le poisson. Pour elles, les règles étaient différentes.

En général, on conseillait à la plupart des patients de suivre deux principes clés : manger de saison et éviter les changements drastiques. Cette première recommandation concernait moins la disponibilité des aliments (vu ainsi, tout le monde mangeait de saison) que le fait de s’adapter à la météo : en été, mangez des aliments légers et rafraîchissants (concombres, laitue, légumes crus) ; l’hiver, ayez une alimentation qui réchauffe composée d’aliments plus lourds et réconfortants (viande rôtie et pain).

Si, pour la plupart, ces auteurs avaient un régime que l’on qualifierait aujourd’hui de « méditerranéen » (huile d’olive, poisson, légumes et céréales), il ne faut pas oublier que l’alimentation d’un individu de l’Antiquité était conditionnée par son statut socio-économique. Les incontournables du régime « moyen » étaient les lentilles, le pain (plutôt dense et noir) et une sauce de poisson fermentée que l’on appelait le garum. De temps en temps on y incluait du poisson et, les bonnes semaines, de la viande. Les riches avaient accès à des mets très assaisonnés et préparés, à un vaste éventail de viandes et de poisson (langue de flamant rose, panthère…)

Pour ce qui est des changements drastiques, si les médecins antiques comprenaient le désir de transformation corporelle, ils croyaient que les modifications radicales de l’alimentation pouvaient entraîner des maladies. Le fait de passer d’un régime hivernal à un régime estival du jour au lendemain était par exemple vu comme une chose extrême, aussi extrême que de se mettre d’une semaine à l’autre à courir des marathons alors que l’on avait un mode de vie sédentaire. Voici la mise en garde de Celse à ce sujet : « On ne peut pas passer de l’épuisement au repos complet, ni d’un long repos à un effort intense sans effets gravement néfastes ». Même lorsque l’on change de saison ou que l’on se met à faire plus d’exercice, il faut « y aller doucement et se méfier des excès », ainsi que l’écrit Dioclès dans son Régime de santé. Il est intéressant de noter que les études modernes corroborent les croyances des anciens : les changements de vie progressifs et mesurés sont bien plus efficaces et durables pour améliorer la santé globale que les changements importants et abrupts.

Si les médecins d’aujourd’hui débattent de la valeur nutritionnelle de divers types de graisses (les « bonnes graisses » des avocats et des noix sont recommandées, tandis que la consommation d’aliments frits et de viande transformée est corrélée à l’apparition de cardiopathies), les spécialistes antiques étaient en désaccord sur des ingrédients tels que les lentilles. Les lentilles étaient valorisées par des philosophes antiques, comme Zénon de Kition et Gaius Musonus Rufus, pour qui l’alimentation était surtout affaire de retenue, notamment en ce qui concerne la consommation d’aliments exotiques de luxe. Dans Comment rester en bonne santé, le Grec Plutarque avance que personne ne devrait trop s’éloigner d’un régime simple à base de lentilles, car « les choses les moins chères sont toujours meilleures pour le corps ». Mais d’après Claire Bubb, pour de nombreux médecins romains, les lentilles n’étaient pas bonnes du tout pour la santé. Dioscoride affirme dans De materia medica que « la lentille, consommée régulièrement, trouble la vue et la digestion, cause des maux d’estomac et des gaz […] et la constipation. »

De manière similaire, tandis que la plupart des personnes vantaient les mérites du chou et lui prêtaient des vertus d’ingrédient miracle, d’autres le voyaient d’un autre œil. « Le chou », écrit Caton l’Ancien, homme d’État romain et auteur d’un traité intitulé De l’agriculture, « est le légume qui surpasse tous les autres. » On pouvait le manger cru ou cuit, et arrosé de vinaigre il faisait « du bien au ventre » au point que l’urine que l’on produisait ensuite avait elle-même des propriétés médicinales. Consommé avant une fête, ajoute-t-il, il pouvait aider à prévenir la gueule de bois et les indigestions dues aux excès. Il purifiait non seulement le corps mais pouvait également clarifier l’esprit.

Trois siècles plus tard, Galien - sans aucun doute un meilleur médecin - exprima son désaccord. S’il reconnaissait au chou des propriétés purgatives, il écrivit dans un ouvrage intitulé Sur les facultés des aliments que ce « n’est certainement pas un aliment salubre, comme la laitue l’est, et qu’il possède un suc nocif et malodorant ».

Par certains aspects, les conseils diététiques délivrés à l’Antiquité coïncident étonnamment bien avec des tendances actuelles en matière d’hygiène et de philosophie de vie. Selon Claire Bubb, dès le cinquième siècle avant notre ère, des textes hippocratiques conseillaient d’essayer le jeûne intermittent (il était courant de ne prendre qu’un repas par jour), d’avoir une activité physique variée (navigation, chasse et marche sur des terrains variés) ainsi qu’un régime riche en graisses (beurre, fromage de brebis et huile d’olive) pour perdre du poids. « Les plats devraient abonder en graisses, écrivait Hippocrate, de sorte que [la personne au régime] se sente rassasiée avec une quantité minimale. » Et les scientifiques d’aujourd’hui en conviennent, dans un environnement contrôlé, la graisse a bel et bien un effet sur la satiété.

Ceci étant dit, tous ces conseils ne semblent pas applicables, ni même sains, pour une personne soucieuse de sa santé de nos jours. En raison de la palette relativement restreinte de traitements disponibles alors, il n’était pas rare que les médecins hippocratiques recommandent de se purger régulièrement. Ils conseillaient même de boire du vin (dilué) à des personnes de tous les âges. Passer de longues heures à prendre des bains et à se faire masser, choses que l’on prescrivait dans le cadre de programmes généraux de maintien en forme, voilà qui peut paraître alléchant… mais qui serait difficile à concilier avec des horaires de travail actuels.

Et puis, il y a de parfaites curiosités. L’obsession de l’Antiquité pour le chou, qui était un médicament quasi-universel en Méditerranée, semble relativement inoffensive.

Menu pour un dîner Rom(e)Antique

  • Œufs mollets avec des pignons de pin
  • Plateau de fruits de mer (bulots, crevettes, praires, oursins...)
  • Lentilles aux fonds de cardon
  • Agneau à la tarpéienne ou Moules d’Apicius
  • Moretum : fromage de chèvre, coriandre, ail céleri, huile d’olive, vinaigre
  • Pain perdu au miel
  • Dattes fourrées au poivre, pignon et miel

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