Des millénaires nous séparent de l’Égypte ancienne et pourtant notre fascination pour l’architecture, les mythes mais aussi l’art qui a prospéré le long du Nil et au-delà ne faiblit pas. Lieu de découverte et de redécouverte, ce foyer de civilisation est aussi un espace qui fait écho à nos propres interrogations. Des siècles auparavant, le culte du corps était déjà présent tout comme la question de l’alimentation. Parfois liés au religieux, ces deux aspects reposent également sur des questions de santé et d’apparat.
Les Céréales : Base de l'Alimentation Égyptienne
Les céréales composent la base de l’alimentation égyptienne pendant toute l’histoire de cette civilisation. L’orge est au Proche-Orient la première et la plus importante céréale cultivée, mais les blés ont eu une large place dans la production antique. Bien que parfois miraculeusement conservées, il est aujourd’hui difficile de déterminer précisément toutes les espèces biologiques cultivées. Elles se sont enrichies au cours des siècles, soit au contact d’autres civilisations, soit par les croisements pratiqués plus ou moins volontairement par les ancêtres des agronomes.
Hérodote, voyageur infatigable, note avec étonnement l’absence de labour préalable à l’ensemencement. La terre molle recevait directement les grains, mis en terre soit par le passage d’un simple araire ou d’une houe, soit plus simplement foulés par des troupeaux qu’on laissait déambuler à ces fins.
Le Pain et la Bière : Nourriture de Base
À partir de l’exploitation de ces céréales, le pain et la bière forment la nourriture de base. Les textes racontent qu’une table fournie doit comprendre « du pain et de la bière, du bœuf et de la volaille par milliers ». L’aspect des pains était différent de celui des pains consommés dans nos cultures européennes modernes.
Le pain comme la bière sont issus de céréales dont la fermentation a dû d’abord être comprise pour être maîtrisée. Autant pour le premier celle-ci devait être arrêtée, autant pour la seconde elle devait être contrôlée et orientée. Pour le pain, il est généralement admis qu’il est issu de bouillies de céréales. La cuisson de ces bouillies permettait d’en assurer la conservation sans risque de poursuite de fermentation. Rapidement, la maîtrise des cuissons a permis l’émergence d’un nouveau métier : le boulanger. Il apparaît souvent à l’œuvre dans de nombreuses représentations de boulangerie. Les premiers fours sont portatifs mais le dispositif se perfectionne petit à petit. Sur certaines peintures ou reliefs, les boulangers se protègent des flammes en cherchant à maîtriser le feu et la chaleur du four.
La conservation exceptionnelle des vestiges archéologiques dans le désert égyptien a permis la découverte de pains vieux de plusieurs millénaires, dont quelques spécimens sont conservés au musée du Louvre. On ne connait évidemment plus toutes les recettes, mais nous savons en revanche que les variétés de pains et gâteaux n’avaient que peu à envier à la diversité des vitrines de nos boulangeries contemporaines.
Plus que le vin pourtant grandement apprécié mais réservé à une élite, la bière était une boisson de choix pour agrémenter les repas et la vie quotidienne. Elle était réalisée dans des brasseries - illustrées par des maquettes antiques - et préparée à base de grains d’orge peu cuits, sans doute légèrement germés dans de l’eau sucrée à partir d’ajout de dattes. Riche en dépôts, la bière était clarifiée par l’intermédiaire de petits filtres à boire, souvent retrouvés dans les tombes à côté des maquettes. La conservation de la bière étant difficile à maîtriser, elle était produite pour une consommation quasi immédiate. Elle n’était en effet comestible que quelques jours et façonnée sans doute au sein même des familles, en plus des grandes brasseries gérées par l’Etat.
Religion et Alimentation : Une Liaison Intime
Religion et alimentation sont intrinsèquement liées. La religion, en particulier antique, a besoin de la nourriture pour donner forme au rite : les aliments, en tant qu’offrandes, circulent entre l’ici-bas et l’au-delà, depuis les hommes qui les présentent aux dieux et aux morts, puis en retour, depuis les dieux - parfois les morts - qui garantissent l’abondance et les fruits de la terre. Au cœur des pratiques alimentaires, la religion impose sa marque en contribuant à la fabrique d’un cadre normé, qui est aussi vecteur d’identité. Elle désigne ce qui est consommable, donc tenu pour pur, et ce qui ne l’est pas, fixe les règles de préparation des mets, du champ à la cuisine, et édicte des normes de conduite au moment de leur consommation. C’est précisément parce que la notion de norme est au cœur de l’une comme de l’autre, que religion et alimentation sont des moyens privilégiés d’interroger les sociétés, de les comparer entre elles, et de souligner les spécificités de chacune.
L'Apparence Physique et les Normes Sociales
La minceur était-elle une règle ? L’iconographie laisse nettement entrevoir des modèles de « perfection » corporelle, en tous cas une tenue du corps et une sveltesse qui sied à l’élite. Ce que l’on nomme dans le vocabulaire médical contemporain « anorexie mentale » est un trouble psycho-pathologique qui ne semble pas attesté dans notre documentation égyptologique. L’iconographie valorise le corps du roi, en le présentant très volontiers de manière massive, et insistant sur les lignes de forces dessinant volontiers des jambes musclées, des pieds et poings massifs, et un port de tête altier. Autant que l’on puisse en être certain, la stature puissante du roi renvoie à sa fonction de protecteur de l’Egypte et de vainqueur des ennemis.
Les préceptes de vie connus par la littérature « sapientiale » insistent souvent sur la sobriété. La momification accorde au corps du défunt un statut de dignité particulière.
Usages de la Nudité
En premier lieu, il faut souligner que les usages de la nudité dans l’iconographie sont assez larges, concernant hommes, femmes, enfants, et divinités. Plusieurs idées principales sont à souligner. En premier lieu, les travailleurs les plus simples, ouvriers ou pêcheurs, peuvent être représentés dans le plus simple appareil. Ce n’est pas le cas des autres classes sociales, dotées par l’iconographie de vêtements simples et conventionnels (pagnes, etc.), pas toujours révélateurs de la réalité de l’habillement (il peut faire froid en Egypte !). La nudité est par ailleurs signe de l’enfance, et c’est ainsi qu’elle est systématique dans leur représentation.
Dans l’iconographie divine, les données sont sensiblement différentes. Si la nudité peut clairement être signe de l’enfance, elle est aussi, et surtout, l’apanage de certaines déesses, soit qu’on les envisage dans leur fonction maternelle, comme Nout donnant naissance au dieu solaire, soit qu’elle soit prisée par les déesses importées du Proche-Orient, tels Qadesh ou Astarté. Cette nudité des entités divines, renvoie certainement à l’idée du renouvellement de la vie, ou à ce que l’on pourrait qualifier de « vitalité sexuelle ».
On peut déduire d’abord de l’iconographie, qui aime à représenter des danseuses ou servantes dénudées - que certains voient plus comme des prêtresses que des courtisanes (ce qui est souvent difficile à délimiter) - un goût pour des corps jeunes et fins, voire graciles. Les seins féminins sont objets de l’attention, ainsi que la chevelure, dont le tressage apparaît comme un apprêt requis. L’attention au domaine du cutané, soutenu par le fait que le mot « peau » signifie simultanément « aspect », oriente vers un goût pour ce qui est lisse, pour l’épilé, ou le doux.
Vin, Bière et Ivresse Rituelle
Vin et bière sont des boissons très courantes. L’ivresse est dotée parfois d’une connotation positive lorsqu’elle est envisagée comme ressource rituelle. Un mythe affirme que la déesse lionne Sekhmet, massacrant l’humanité, l’épargna finalement à la suite de son ivresse (le sang ayant été changé en liquide alcoolique), devenant à cette occasion la belle et favorable Hathor. Ainsi, pour célébrer celle-ci, de même que d’autres déesses participant au même cycle mythique, on s’enivre volontiers pendant de grandes célébrations festives, réjouissance apparemment très prisée par la population (si l’on en croit notamment Hérodote).
La Viande de Porc
La viande de porc est en fait une nourriture très courante, mais n’est pas particulièrement valorisée car il s’agit de la viande populaire par excellence, moins prestigieuse que la viande de bovidés par exemple. Dès lors, elle ne figure pas dans les mises en valeurs que sont les représentations d’offrandes funéraires, domaine où cette viande ne convient pas. Des moments du calendrier festif prévoyaient cependant l’abattage des porcs, lors de rites probablement lunaires.
Importation de Vins
L’importation de vins, notamment venant du Levant, est attestée dès les plus hautes époques, signe d’un attrait pour un certains luxe dépassant le nécessaire.
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