La pancréatite est une inflammation du pancréas, une glande responsable de la production d'enzymes digestives qui aident à la digestion des aliments et de la production d'insuline, une hormone qui régule la glycémie. La prise en charge de la pancréatite aiguë (PA) a été grandement clarifiée par la récente conférence de consensus française [1]. Dans une enquête préliminaire, il est apparu notamment que les pancréatites aiguës bénignes déclenchaient une batterie de traitements dont l’utilité était loin d’être démontrée et dont l’utilisation reposait sur la pérennisation de pratiques ancestrales [2]. Celles-ci ont été largement remises en cause particulièrement dans le domaine de la nutrition.
Différencier la Pancréatite Aiguë de la Pancréatite Chronique
Avant d’aborder l’aspect diététique, sachez que l’on distingue la pancréatite aigüe de la pancréatite chronique. Dans le détail, la pancréatite aiguë se caractérise par une inflammation soudaine et sévère du pancréas. Elle résulte le plus souvent de calculs biliaires ou d’un alcoolisme chronique et se manifeste par des douleurs abdominales sévères, des nausées et des vomissements.
La pancréatite chronique, elle, se développe sur une période prolongée, généralement à la suite d’une inflammation récurrente du pancréas. Les crises douloureuses sont entrecoupées d’épisodes de rémission mais provoquent petit à petit la destruction de la glande pancréatique. Elles surviennent souvent après un repas et sont à l’origine de douleurs abdominales persistantes, d’une perte de poids et des problèmes digestifs.
La pancréatite chronique est une maladie inflammatoire évoluant par poussées au cours desquelles la destruction des cellules acineuses et endocrines va à terme conduire au déficit exocrine (malabsorption) et endocrine (diabète). Dans la pancréatite chronique alcoolique, c’est la formation de bouchons protéiques secondairement calcifiés qui est responsable de ce processus. Ces bouchons obstruent les canaux excréteurs secondaires puis primaires du pancréas et vont induire douleurs, dilatation canalaire et faux kystes d’une part et destruction des acini et des îlots endocrines d’autre part (1,2).
En effet, le pancréas est un organe clé de l’absorption digestive des nutriments (protéines, lipides, glucides et vitamine B12 notamment). C’est aussi un organe déterminant dans l’utilisation du glucose par les cellules, grâce à la sécrétion d’insuline par les cellules béta des îlots de Langherhans. Le pancréas s’ouvre sur un carrefour stratégique, le duodénum, là où se mélangent 4 sécrétions exocrines (gastriques, biliaires, pancréatiques et duodénales). Ce carrefour est la première porte d’entrée des nutriments dans l’organisme, via la veine porte. C’est la raison pour laquelle un pancréas altéré induit de nombreuses perturbations digestives et métaboliques qui participent à une dégradation de l’état nutritionnel (1,2).
Rôle de l'Alimentation dans la Gestion de la Pancréatite Chronique
L’alimentation joue un rôle clé dans la gestion de la pancréatite chronique : certains aliments peuvent aggraver les symptômes et l’inflammation du pancréas tandis que d’autres la préviennent. Et Marie Behar de prévenir : « Les consignes alimentaires sont les mêmes en cas de pancréatite aigüe et chronique, à moins que la pancréatite aigüe soit liée à une lithiase vésiculaire grave. Dans ce cas, elle nécessite une prise en charge hospitalière et la mise en place d’une alimentation entérale par sonde pendant quelques semaines ».
Dans le détail, une alimentation adaptée est indispensable pour :
- réduire la stimulation du pancréas et lui permettre de se reposer ;
- soulager les symptômes en évitant les aliments susceptibles d’aggraver les douleurs, les nausées et les vomissements ;
- prévenir les carences nutritionnelles, car la pancréatite chronique peut entraîner des difficultés d’absorption des nutriments, en particulier des graisses et des vitamines liposolubles comme les vitamines A, D, E et K ;
- prévenir la perte de poids et les complications telles que le diabète ou les problèmes de digestion en réduisant la charge sur le pancréas et en favorisant une meilleure santé digestive.
À noter : en complément des conseils diététiques qui vont suivre, pensez à surveiller votre hygiène de vie. Pratiquez une activité physique régulière, faites attention à votre sommeil, apprenez à gérer votre stress, arrêtez de fumer, etc.
En cas de pancréatite chronique, respectez absolument ces trois premiers conseils :
- Mangez lentement et prenez le temps de bien mâcher les aliments pour ne pas trop solliciter le pancréas.
- Fractionnez votre alimentation en misant par exemple sur trois petits repas principaux et deux à trois collations équilibrées par jour pour optimiser la digestion ;
- Évitez les restrictions alimentaires inutiles et adoptez une alimentation variée et équilibrée. En cas de doute, consultez un(e) spécialiste qui saura vous conseiller.
Le Régime Idéal pour Faire Face à la Pancréatite Chronique
Le régime idéal pour faire face à la pancréatite chronique, selon Marie Behar ? Un régime qui s’approche du régime méditerranéen :
- misez sur des fruits et légumes frais riches en vitamines et en antioxydants ;
- privilégiez les céréales complètes (avoine, quinoa, riz brun, orge, etc.) ;
- n’oubliez pas les légumineuses (lentilles, pois chiches, haricots rouges, etc.) ;
- pensez aux protéines maigres (blanc de poulet, dinde, lapin, poissons maigres comme le lieu noir, le cabillaud, le colin, la sole, produits laitiers faibles en gras, sources végétales de protéines, etc.)
- ne supprimez pas les graisses saines (avocats, poissons gras comme le saumon, les harengs, les maquereaux, graines, noix, etc.). « L’alimentation doit rester équilibrée : pas question d’éviter le gras. En revanche, opter pour des graisses saines et alternez les sources de d’oméga-3 et d’oméga-9 », insiste Marie Behar.
Et si vous tolérez les produits laitiers, choisissez des options faibles en matières grasses comme le lait demi-écrémé ou écrémé, les yaourts demi-écrémé voire écrémé, sucrés ou non et les fromages (dans la limite de 30 g par jour).
N'oubliez pas de prendre en compte votre tolérance individuelle pour ajuster progressivement votre alimentation. Ce qui fonctionne pour vous ne fonctionnera pas forcément pour une autre personne souffrant de pancréatite chronique. Et inversement. Marie Behar.
Quels Fruits et Légumes pour Épargner le Pancréas ?
« De manière générale, les fruits et les légumes ne sont que très peu digérés par le pancréas car ils contiennent essentiellement des fibres et de l’eau : deux nutriments qui ne sont pas digérables. Il est toutefois conseillé de continuer à manger des fruits et des légumes dans le cadre d'une alimentation variée ! Choisissez donc des fruits et des légumes de saison et cueillis à maturité pour augmenter vos apports en vitamines et minéraux », répond l'experte. Selon les saisons, mieux vaut privilégier des légumes riches en vitamines comme les carottes, les courgettes, les patates douces, les potirons, les haricots verts, les poireaux, les asperges, les épinards, etc. Même son de cloche pour les fruits : choisissez des bananes, des pommes cuites, des poires mûres, des pêches, des nectarines, des prunes, etc.
Aliments à Éviter en Cas de Pancréatite
Vous l’aurez compris, mieux vaut éviter certains aliments qui peuvent augmenter l’inflammation du pancréas et aggraver les symptômes :
- Les aliments trop riches en matières grasses, tels que les aliments frits, les viandes grasses et les produits laitiers entiers, qui peuvent être difficiles à digérer.
- Les aliments épicés tels que les piments forts, les sauces piquantes et autres condiments épicés, qui peuvent irriter le système digestif et augmenter l’inflammation du pancréas.
- Les aliments riches en sucre ajouté, tels que les bonbons, les produits sucrés, les sodas et les boissons sucrées, qui peuvent entraîner des pics de glycémie et aggraver l’inflammation du pancréas.
- Les viandes grasses et les viandes transformées, telles que le bacon et les charcuteries, qui peuvent être difficiles à digérer et aggraver l’inflammation du pancréas.
- Les produits laitiers entiers, tels que le lait entier et les fromages (consommés en excès), qui peuvent être difficiles à digérer et peuvent aggraver les symptômes de la pancréatite.
- Les matières grasses saturées, comme la crème fraiche entière, les huiles de coco ou de palme ou le beurre cuit.
- La caféine, que l’on retrouve dans le café, dans le thé et dans certaines boissons énergisantes, qui peut stimuler la production d’acide gastrique et aggraver les symptômes de la pancréatite.
« Si vous prenez des enzymes pancréatiques, faites attention à votre consommation de fibres, qui peuvent altérer leur action », souligne Marie Behar. Au risque de nous répéter, il s’agit de recommandations globales qui peuvent être adaptées en fonction de votre situation individuelle et des conseils de votre médecin ou de votre nutritionniste.
Boissons à Privilégier et à Éviter
En cas de pancréatite aiguë ou chronique, mieux vaut privilégier des boissons non irritantes pour l’estomac et le pancréas, afin de ne pas aggraver l’inflammation.
Quelles Boissons Privilégier en Cas d’Inflammation du Pancréas ?
Il est important de rester hydraté en buvant au moins 1,5 litre d’eau tout au long de la journée. Des bouillons légers et non gras peuvent aussi être intéressants pour l’hydratation, tout comme les tisanes à bases de plantes comme la camomille ou la menthe poivrée. Vous pouvez aussi opter pour des jus de fruits dilués avec de l’eau pour réduire leur acidité. Sans oublier les alternatives végétales au lait de vache ou de brebis, comme le lait d’amande ou de riz.
Peut-on Boire de l’Alcool Après une Pancréatite Aigüe ?
Notre experte est formelle : l’alcool est toxique pour le pancréas et fortement contre-indiqué après une crise de pancréatite aigüe ou lorsqu’on souffre de pancréatite chronique.
Autres Aspects Importants de la Prise en Charge
L’aspiration gastrique a deux buts. Son utilisation est indiscutable chez les malades ayant un iléus réflexe provoquant des vomissements abondants. Des nausées ou des vomissements ont été décrits dans 70 à 90% des cas. Dans un autre travail ayant inclus 88 malades ayant une pancréatite dont seulement 3 étaient sévères, la fréquence des vomissements requérant une sonde d’aspiration gastrique était de 13%. La deuxième justification théorique de l’aspiration gastrique est de limiter l’arrivée de liquide acide dans le duodénum et, partant, la stimulation de la sécrétion hydroélectrolytique pancréatique et donc la gravité de la PA.
Huit études randomisées et prospectives ont cependant montré que l’aspiration gastrique n’améliorait pas l’évolution d’une pancréatite. La pose systématique de la sonde d’aspiration gastrique retarde la reprise alimentaire, allonge le délai de reprise du transit, la durée de la période douloureuse, les besoins en analgésiques et la durée totale de l’hospitalisation (de l’ordre de 2-3 j). De plus, des effets secondaires spécifiques de la sonde naso-gastrique (hémorragie, douleurs oro-pahryngées) ont été rapportés.
Le jeûne s’impose initialement de lui-même au malade en raison de l’intensité des douleurs abdominales, des nausées ou vomissements et de l’iléus réflexe. La base rationnelle de la mise à jeun prolongée est celle d’une «mise au repos» pancréatique, la stimulation de la sécrétion pancréatique enzymatique étant jugée susceptible d’aggraver les lésions de pancréatite. Banks [3], dans le traité de la Mayo Clinic, recommande, sans preuve, une renutrition entre le 4e et le 7e jour d’hospitalisation, dès que les douleurs abdominales ont disparu, que le malade a faim et que l’amylase est redevenue proche de la normale.
C’est la raison pour laquelle les malades sont habituellement réalimentés progressivement, préférentiellement avec des hydrates de carbone plutôt qu’avec des lipides et des protéines. Une rechute douloureuse pendant la réalimentation est notée dans 21% des cas. Ces rechutes ne sont jamais graves. Les recommandations qui peuvent donc être faites sont que les malades ayant une PA non sévère peuvent être réalimentés sans risque dès la disparition des douleurs (en pratique, après 48 heures sans douleur) et la quasi normalisation du taux des enzymes pancréatiques sériques. Bien que la nature du régime n’ait fait l’objet d’aucune étude contrôlée, une augmentation progressive de la charge calorique et lipidique sur 4 à 5 jours semble raisonnable.
Nutrition Entérale et Parentérale
La pancréatite sévère induit un état de stress métabolique comparable à celui rencontré en cas d’infection sévère, caractérisé par une accélération du débit cardiaque, une baisse des résistances vasculaires systémiques, une augmentation de la consommation d’oxygène. Elle génère ainsi un déficit calorique net, une balance azotée négative et globalement, une détérioration de l’état nutritionnel. Ainsi, les besoins caloriques peuvent atteindre 140% des besoins de base. Les facteurs qui déterminent les besoins énergétiques sont le statut nutritionnel de départ, la gravité de la pancréatite et la survenue de complications septiques. Chez les malades qui ont une pancréatite non sévère, les risques d’une morbidité et notamment d’une surinfection, d’une intervention chirurgicale (en dehors d’un éventuel traitement de la lithiase biliaire) sont nuls ou faibles. Les besoins caloriques sont donc peu importants. McClave et al. Il en est tout autrement au cours de la pancréatite sévère.
Pendant longtemps, la nutrition parentérale totale a été la voie d’abord choisie car elle est sensée ne pas stimuler la sécrétion pancréatique. La nutrition entérale totale pose en théorie le problème de la parésie gastrique, de l’obstacle à l’évacuation duodénale et de l’iléus observés chez les malades ayant une pancréatite sévère. Plusieurs études ont en fait montré une diminution des complications septiques si une nutrition entérale totale est mise en place précocement.
Conclusion
La prise en charge de la pancréatite aiguë a beaucoup changé ces dernières années. En cas de pancréatite bénigne, elle s’est beaucoup simplifiée ne reposant que sur une sédation des douleurs et une perfusion simple pour maintenir un bon équilibre hydro-électrolytique. En cas de forme plus sévère, la nutrition entérale doit être privilégiée par rapport à la nutrition parentérale. Le risque de rechute douloureuse à la réalimentation est plus élevé.
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