Défis et solutions en matière d'alimentation en Afrique du Sud

L'accès à une alimentation saine, diversifiée et sûre reste un défi majeur dans une grande partie de l’Afrique, particulièrement au sud du Sahara. Par leurs conséquences sanitaires, économiques, sociales et environnementales, les enjeux alimentaires d’aujourd’hui viennent renforcer les difficultés futures des pays de la région. En comparaison, l’accès des populations à une alimentation saine, diversifiée et sûre, a enregistré peu de progrès.

La recherche sur l’alimentation en Afrique

La recherche sur l’alimentation en Afrique vise à l’amélioration des politiques publiques. Elle se situe au carrefour de plusieurs champs disciplinaires, incluant par exemple (de manière non-exhaustive et simplifiée) les éléments suivants:

  • Les recherches en agronomie cherchent à développer et promouvoir des pratiques agricoles plus performantes et des variétés de semences améliorées.
  • En économie, les travaux portent largement sur les inefficacités de marché (du crédit, du risque, de la terre, du travail ou encore des produits) auxquelles font face les exploitations familiales, et la conception de politiques publiques permettant d’y faire face.
  • En santé publique ou en nutrition, les chercheurs et chercheuses mettent en évidence les problèmes de malnutrition, l'évolution des régimes alimentaires et l’effet de différents types d’interventions (préventives notamment).
  • De leur côté, les sciences de l’environnement cherchent à mieux prédire et tenir compte des évolutions du climat et de ses conséquences pour l’alimentation dans la région.

Dans chacune de ces disciplines, les dernières décennies ont produit des résultats importants, changé des paradigmes, identifié des axes de politiques publiques prometteurs.

Les obstacles à la mise en œuvre des politiques publiques

Ce décalage s’explique en partie par la distance, encore trop grande non seulement entre ces différentes approches disciplinaires, mais également entre le monde de la recherche et celui des décideurs publics. L’organisation de la recherche sur l’alimentation en porte une part de responsabilité au travers de la faiblesse des travaux interdisciplinaires, d’un manque de recherche sur le passage à échelle des interventions, d’un engagement limité dans la formation des décideurs. Du point de vue des politiques publiques, le sujet de l’alimentation est souvent fragmenté entre différents ministères ou départements opérationnels (par exemple, agriculture, économie, santé, protection sociale, environnement), limitant les effets sur l’alimentation de politiques trop sectorielles. C’est également vrai dans la recherche où peu d’études sont conçues pour prendre en compte les autres dimensions disciplinaires de l’alimentation, afin de mieux informer les politiques publiques.

Même lorsque les conditions semblent particulièrement favorables, la traduction de résultats de recherche dans les politiques publiques nécessite un effort additionnel que les chercheurs et chercheuses sont rarement en capacité de fournir. La présentation, dès 2014, des résultats aux différentes instances publiques et privées, nationales et internationales a généré un fort intérêt, mais ne s’est pas suivie d’une réflexion sur d’éventuelles prises en compte dans la politique publique.

Efficacité des interventions et passage à l'échelle

Une partie de la recherche portant sur l’alimentation en Afrique s’intéresse à l’efficacité de nouvelles interventions visant l’amélioration de certains domaines de l’alimentation. Les résultats obtenus sur la base de protocoles de recherche rigoureux s’appuient le plus souvent sur l’observation et l’analyse de projets pilotes, géographiquement ciblés et mis en œuvre dans des conditions optimales. Souvent, ils n’offrent qu’une indication partielle des effets de cette même intervention si elle était mise en œuvre à grande échelle, dans les conditions d’intervention plus habituelles. D’évidence, le passage à l’échelle d’une intervention est une composante fondamentale du lien entre le monde de la recherche et celui des décideurs publics. Il demande de comprendre les dynamiques administratives, économiques, politiques ou sociales qui conditionnent la réussite d’une intervention dans des conditions habituelles.

Logique différente mais mêmes effets, un système de mesure et de certification de la qualité des oignons sur les marchés de gros au nord du Sénégal incite les producteurs locaux à des changements de pratiques agricoles et augmente leurs revenus de 10 %.

Le rôle des partenariats

Au-delà de la reconnaissance académique des travaux, la recherche sur l’alimentation en Afrique vise à informer les décideurs publics. Cette information passe le plus souvent par la diffusion des résultats (sous forme d’ateliers et autres) en fin de projet, sans illusion quant à leur traduction en politiques publiques futures. Moins fréquemment, elle s’appuie sur l’implication des décideurs tout au long du projet de recherche, soutenue par une formation intense à la logique et aux outils des recherches menées. En République démocratique du Congo, un partenariat de quatre ans avec une unité du ministère de l’Agriculture a ainsi permis de mesurer l’effet non-anticipé d’un programme de promotion de variétés de semences améliorées sur la déforestation de forêt primaire. Ces effets ont pu être pris en compte dans la conception des phases ultérieures du programme, grâce à la qualité de la collaboration entre chercheurs et décideurs, et à des retards administratifs dans la mise en œuvre des nouvelles phases. Quand ils existent, ces types de partenariat dépendent donc souvent de volontés individuelles et de contextes favorables. Or, la temporalité de la recherche est rarement coordonnée avec le calendrier des décisions de politiques publiques, le turnover fréquent dans les administrations publiques contraint les nécessaires relations de long terme. Plus généralement, les administrations n’ont pas de personnels formés à faire le lien entre équipes de chercheurs et décideurs.

Les difficiles connexions entre recherche et décisions publiques ne sont ni nouvelles, ni spécifiques au sujet de l’alimentation en Afrique sub-Saharienne. L’enjeu y est en revanche très élevé et requiert de nouvelles approches.

Initiatives et solutions

Les étudiants y combinent un master disciplinaire lié aux enjeux spécifiques de l’Afrique, à une formation mineure leur donnant accès aux principaux concepts et approches des autres disciplines. IPORA est une plateforme de recherche établie en partenariat avec l’université d’Addis Abeba (Éthiopie), l’université Houphouët Boigny (Côte d’Ivoire), et l’université Internationale de Rabat (Maroc). Soutenu dans le cadre du Plan d’Investissement d’Avenir, IPORA dispose de ressources de fonctionnement significatives pour construire une communauté interdisciplinaire de chercheurs, chercheuses et de décideurs publics, capable d’identifier et de conduire sur le long terme des recherches sur des interventions innovantes de politiques publiques, de leur conception à leur mise à échelle. Le sujet de l’alimentation est une des priorités de ces différentes initiatives.

L'exemple du Burkina Faso et du soja

Dans les pays du Sud, assurer la sécurité alimentaire passe par le renforcement des petits exploitants et leur accès aux marchés locaux. Pour se faire, ils doivent produire davantage et mieux et se diversifier. L’histoire commence en 1980. Le président du Burkina Faso d’alors, Thomas Sankara, décide de promouvoir la culture du soja. Dans ce pays enclavé où l’agriculture, qui emploie 80 % de la population, est dominée par le coton destiné principalement à l’exportation, cette diversification vise à mettre les producteurs à l’abri d’un retournement des cours et à assurer une meilleure autosuffisance.

La difficulté d’accès au crédit, le manque d’accompagnement et de formation ont dissuadé les petits producteurs malgré les avantages du soja. Peu gourmand en intrants et riche en protéines, il aurait pu assurer une amélioration de 10 % des revenus à l’hectare pour une population qui vit encore dans sa grande majorité au-dessous du seuil de pauvreté (moins de 2 dollars par jour). L’absence d’unités de transformation a également constitué un frein.

Le rôle de la société civile et des associations

Sur toute la planète, la société civile et les associations de coopération internationale multiplient les initiatives. A l’image du programme Promotion de l’agriculture familiale en Afrique de l’Ouest (Pafao), porté par le Comité français pour la solidarité internationale (CFSI) et la Fondation de France depuis 2009. Objectif : permettre aux petits producteurs, qui fournissent 70 % des denrées consommées dans le monde mais qui sont peu protégés du fait du développement des échanges internationaux, de reconquérir leur place sur les marchés locaux, notamment dans les villes. Relever le défi passe par un accroissement de la productivité qui aille de pair avec le respect de l’environnement et une utilisation responsable des ressources, soit, sur ces deux points, un virage à 180 degrés face aux méthodes de l’agriculture industrielle promues par les organisations internationales comme le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale depuis les années 1970.

Du Bénin au Cap-Vert, en passant par le Niger ou le Togo, 200 projets ont déjà vu le jour dans le cadre du programme Pafao. Leur point commun ? Miser sur une meilleure mise en relation entre agriculture familiale paysanne et marchés, urbains et ruraux, chercher à augmenter l’offre en produits issus de l’agroécologie (qui vise à exploiter les potentialités de la nature au lieu d’utiliser des engrais chimiques, pesticides de synthèse et insecticides chimiques) et s’appuyer sur les semences locales, plus résistantes et adaptées aux conditions climatiques de ces pays que les variétés importées. Autre avantage : cette stratégie permet de donner un nouvel élan aux productions locales, qui peuvent se substituer aux importations.

Le Nigeria en a fait l’expérience : en 2011, pour limiter les achats sur les marchés internationaux de blé destiné à la fabrication du pain, il décide d’introduire de la farine de manioc à hauteur de 40 %. Deux ans plus tard, 254 milliards de nairas, soit 1,2 milliard d’euros, avaient été économisés.

Crise alimentaire en Afrique du Sud

La malnutrition infantile continue de ravager l'Afrique du Sud, où plus de 600 enfants ont perdu la vie en 2024, selon le ministre de la Santé, Aaron Motsoaledi. Lors d’une session au Parlement national, Motsoaledi a révélé que les décès liés à l’insuffisance alimentaire sont particulièrement alarmants dans la province du KwaZulu-Natal, suivie par Limpopo, le Cap-Oriental et Gauteng.

Malgré un rôle clé sur la scène internationale en tant qu'exportateur agricole, avec des recettes record de 13,2 milliards de dollars en 2023, l'Afrique du Sud fait face à une crise alimentaire interne sans précédent. Selon les données du ministère de l’Agriculture, environ 40 millions de personnes souffrent d’insécurité alimentaire dans ce pays de 63 millions d’habitants. Le contraste est frappant : alors que des cargaisons de fruits, légumes, céréales et viande sud-africains alimentent des marchés européens et asiatiques, des millions de Sud-Africains peinent à remplir leurs assiettes.

La crise sud-africaine s’inscrit dans un contexte plus large de dégradation de la sécurité alimentaire en Afrique subsaharienne. Les conflits armés, le changement climatique et les impacts économiques de la pandémie de COVID-19 ont contribué à aggraver l’insécurité alimentaire dans la région. En Afrique du Sud, cette crise soulève des questions sur la répartition équitable des ressources et le rôle des politiques publiques pour protéger les populations les plus vulnérables. Les décès de ces 600 enfants rappellent avec brutalité que la malnutrition n'est pas qu'une question d'accès à la nourriture, mais aussi de nutrition de qualité. Face à cette tragédie, le gouvernement sud-africain est sous pression pour agir. Plusieurs ONG internationales, comme Médecins Sans Frontières et Save the Children, ont intensifié leurs appels à une coopération globale pour s'attaquer aux causes profondes de la faim et de la pauvreté. La crise alimentaire sud-africaine ne peut être résolue sans une réponse collective à la fois nationale et internationale.

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