Les allergies alimentaires sont fréquentes chez l'enfant. Chez le nourrisson, elles donnent rarement lieu à des réactions allergiques graves et certaines disparaissent dans l'enfance. Le point avec le Dr Habib Chabane, allergologue.
Définition et Prévalence des Allergies Alimentaires
"Une allergie alimentaire se définit par une réaction anormale qui se produit à une dose normalement tolérée par les sujets sains. Cette réaction n'est ni d'origine toxique (sinon, chacun réagirait), ni liée à une intolérance (en cas de déficit enzymatique)" informe le Dr Habib Chabane, allergologue à Paris. Une allergie alimentaire est ainsi une réaction d'hypersensibilité à un aliment.
"En France, 6 à 7 % des enfants de moins de 16 ans, présentent des allergies alimentaires selon les parents" indique le Dr Habib Chabane. Cependant, seul 1 % des enfants ont une allergie immédiate confirmée par test de provocation orale en milieu hospitalier.
Types et Manifestations des Allergies Alimentaires chez le Nourrisson
"Les formes graves d'allergie alimentaire, appelées anaphylaxies, sont plutôt rares chez les nourrissons (enfants de moins de 2 ans). On estime entre 5 à 20 % les anaphylaxies qui touchent les nourrissons.
Les allergies les plus fréquentes chez le nourrisson sont les allergies non IgE-dépendantes. "Le premier aliment en cause dans les allergies retardées non IgE-dépendantes est le lait de vache, et cela jusqu'à l'âge d'un an.
Manifestations Cutanées et Digestives
"Elles peuvent se manifester par un eczéma atopique du nourrisson. 20% des nourrissons ont de l'eczéma. Cette pathologie associée à l'allergie peut être associée à une sensibilisation aux protéines de lait, à l'œuf, au blé, à l'arachide, indique l'allergologue.
Les allergies digestives sont la deuxième forme la plus fréquente d'allergie alimentaire non IgE-dépendante : les nourrissons régurgitent anormalement, plusieurs fois par jour et systématiquement après le biberon ou une tétée, ce reflux gastro-œsophagien va occasionner une œsophagite qui fait très mal (le bébé pleure, beaucoup, demande à téter sans arrêt, se réveille 5 ou 6 fois par nuit…), vomissent, et/ou ont la diarrhée, informe le Dr Habib Chabane. Cela peut entraîner un trouble de croissance avec un ralentissement voire une cassure de la courbe de poids. C'est un signal qui doit alarmer" prévient l'allergologue.
"Plus rarement, une allergie alimentaire retardée peut se traduire par des selles sanglantes. C'est la procto-colite hémorragique aux protéines de lait du nourrisson". arrêter tout de suite les protéines de lait de vache. "Mais que les parents se rassurent, c'est une forme bénigne qui guérit en 2 à 4 mois.
Des vomissements et une diarrhée chronique chez un nourrisson nourri au biberon sans cause identifiée, ou des épisodes de vomissements incoercibles, récurrents souvent accompagnés d'un état de léthargie lors de la diversification alimentaire, doivent faire évoquer un syndrome d'entérocolite aux protéines alimentaires (SEIPA).
Allergies IgE-dépendantes
fréquemment par une urticaire aiguë (plaques rouges qui démangent) et/ou un angio-œdème (des gonflements). Les anaphylaxies sont rares avant l'âge de 2 ans et parfois difficiles à diagnostiquer.
Si votre nourrisson présente de l'urticaire ou des gonflements suite à la consommation d'aliments, il convient de prendre rendez-vous avec votre médecin traitant ou votre pédiatre, en lui indiquant ce que l'enfant a mangé.
Évolution et Persistance des Allergies Alimentaires
"Il faut savoir que la particularité des allergies alimentaires du nourrisson est qu'elles disparaissent dans 80-90 % des cas avant l'âge de 2 ans lorsqu'elles concernent le lait, l'œuf ou le blé" informe l'allergologue. Seulement 1% des nourrissons allergiques aux protéines de lait de vache le sont encore à l'âge de 6 ans. L'allergie à l'œuf et celle au blé à la viande de bœuf/veau disparaissent elles aussi rapidement. Cependant, certaines allergies persistent.
"L'allergie à l'arachide et à la noisette disparaissent spontanément dans seulement 20 % des cas. Les allergies au poisson, fruits (kiwi) et légumineuses (lentille, pois) persistent dans 50 % des cas" enseigne l'allergologue.
Traitements et Prise en Charge
Côté traitements, l'urticaire et les œdèmes sont des symptômes habituellement bien contrôlés par la prise d'antihistaminique. Parfois un corticoïde par voie orale est nécessaire. Cependant, "en cas de choc anaphylactique une injection d'adrénaline est nécessaire. surdosage si on doit l'utiliser pour un nourrisson à partir de 10 kg, informe le Dr Habib Chabane.
Le traitement des allergies alimentaires repose aussi sur l'éviction. Les formes d'allergie alimentaire non IgE-médiées comme le SEIPA disparaissent en général sous régime d'éviction après un délai moyen de 2 à 3 ans, mais plus rarement pour le poisson.
Outre l'éviction, une induction de tolérance peut être mise en place pour les allergies immédiates IgE-dépendantes au lait, à l'œuf, au blé, avec l'allergologue. Cela fonctionne moins bien avec d'autres aliments" indique l'allergologue. Elle consiste en la prise quotidienne de doses progressivement croissantes de l'aliment, jusqu'à obtenir la tolérance d'une ration normale de l'aliment.
"Un nouveau traitement va bientôt arriver en France pour l'allergie à l'arachide, en 2021 au plus tard, annonce le Dr Habib Chabane. Ce traitement destiné aux enfants de 4 à 11 ans va leur permettre d'acquérir une tolérance à l'arachide dans un délai de 12 à 24 mois avec des gélules contenant des quantités croissantes d'allergène standardisé. On ne sait pas si elle sera permanente à l'arrêt du traitement, explique-t-il.
Prévention des Allergies Alimentaires
Les mesures de prévention ont changé suite aux études menées il y a un peu plus d'une dizaine d'années. "Ces études ont montré que l'introduction précoce des aliments réduit statistiquement les allergies, explique le Dr Habib Chabane. aujourd'hui sont d'introduire tous les aliments, y compris ceux considérés comme fortement allergisants (les cacahuètes ou les fruits à coque par exemple) autour de l'âge de 6 mois, mais pas avant l'âge de 4 mois, et au plus tard à l'âge de 11-12 mois, indique-t-il.
Allergie aux Protéines de Lait de Vache vs. Intolérance au Lactose
Allergie aux protéines de lait de vache, intolérance au lactose : pour beaucoup d’entre nous, c’est du pareil au même. Pourtant, l’une et l’autre n’ont rien en commun.
L’allergie aux protéines de lait de vache se guérit très bien
L’allergie, de manière générale, est une réaction du système immunitaire qui fait intervenir des anticorps ou des cellules immunitaires. Le corps se défend, à tort. Il « pense » que les protéines de lait de vache par exemple sont des intrus à éliminer. L’intolérance quant à elle, n’est pas immunitaire. Elle est plutôt la conséquence d’un déficit d’enzymes, qui ne sont plus produites par les cellules de l’intestin pour aider à la digestion d’un aliment.
Le lactose, qui est un sucre contenu dans le lait, doit être découpé par une enzyme appelée la lactase, pour être digéré et assimilé. Or, le corps n’en fabrique plus assez. Résultat : le lactose n’est pas digéré, et la personne présente des douleurs, des ballonnements et des gaz. Elle devient donc intolérante au lactose.
La sensibilisation aux protéines de lait de vache peut commencer très tôt, même in utero, et l’allergie concerne surtout les nourrissons et l’enfant. Elle est transitoire, et se guérit très bien. « Vers 2 ans, 80% de ces allergies au lait ont guéri. À 10 ans, 99 % ont disparu. Il en reste environ 1 % qui va persister jusqu’à l’âge adulte », détaille le docteur Habib Chabane, allergologue.
« L’allergie survient pendant la première année de la vie, année pendant laquelle le système immunitaire est encore assez « souple » pour mettre en place un système de tolérance », explique le docteur. Une fois sensibilisé, un enfant peut donc redevenir tolérant. Il y a toute une phase d’éviction puis de réintroduction à faible dose.
L’intolérance au lactose quant à elle ne peut se déclarer qu’à partir de 4-5 ans. Vous avez donc peu de chance d’avoir un enfant intolérant étant donné l’âge des petits gardés en crèche ou chez l’assistante maternelle. L’intolérance ne « guérit » pas spontanément comme l’allergie aux protéines de lait de vache. A faible dose, ou fractionné dans la journée, certaines personnes peuvent cependant tolérer un peu de lait (de lactose), mais quoiqu’il en soit leur corps ne produit plus assez de lactase pour digérer une portion normale de lait.
Réactions Immédiates et Retardées
Le lait contient plusieurs protéines qui sont les allergènes. « En général, les enfants vont se sensibiliser à 2 ou 3 protéines », détaille Habib Chabane. C’est la raison pour laquelle on parle d’allergie aux protéines de lait de vache et non pas à LA protéine de lait vache.
Quand un bébé boit un biberon, il peut présenter des réactions de type urticaire, gonflements (angio-oedèmes), ou avoir du mal à respirer r apidement. « Nous sommes dans le cas d’une allergie à manifestation immédiate car c’est dans les minutes qui suivent l’introduction de lait que se manifestent les symptômes », explique le docteur. C’est ce que l’on appelle dans le jargon médical, une allergie IgE-dépendante.
Il existe un autre type de mécanisme : la réaction retardée, dite non IgE. Concrètement ? Un enfant boit du lait et a des manifestations digestives plusieurs heures après. Il peut vomir, avoir des plaques d’eczéma qui apparaissent, avoir une diarrhée ou être constipé. C’est l’allergie la plus difficile à reconnaître car elle survient plusieurs heures après l’ingestion de lait.
Symptômes d'Allergies aux Protéines de Lait de Vache chez le Nourrisson
Divers symptômes peuvent survenir en cas d’allergie aux protéines de lait de vache :
- La régurgitation: le nourrisson régurgite beaucoup, c’est à dire plus de 6 fois par jour. Attention : même s’il est nourri au sein, il peut être allergique aux protéines de lait de vache car la maman en consomme et ces dernières passent dans son lait.
- Les vomissements: l’enfant vomit entre 1h et 4h après avoir pris un laitage.
- L’absence de prise de poids (stagnation pondérale): un petit qui ne prend plus de poids est un symptôme qui doit vous alerter. On parle alors de cassure de la courbe pondérale.
- Du sang dans la couche: « c’est rare », précise le docteur, mais parfois une allergie aux protéines de lait de vache peut donner lieu à ce que l’on appelle une proctocolite hémorragique.
- La diarrhée: l’enfant n’a pas de fièvre, pas de virus mais a une diarrhée.
- La constipation chronique: le bébé a 1 selle tous les 3 ou 4 jours. Cela peut vous alerter quant à une allergie de type retardé. « Parfois, tous les tests sont négatifs. On retire le lait de l’alimentation, et l’enfant n’est plus constipé », explique Habib Chabane. On proscrit alors tous les laitages.
- L’eczéma: il s’agit d’un eczéma étendu, qui dure malgré les crèmes et la consultation d’un dermatologue. « Il ne faut pas dire : ça va guérir tout seul, précise l’allergologue, il faut chercher une allergie aux protéines de lait de vache ».
Si un enfant que vous accueillez présente certains de ces symptômes, conseillez aux parents de prendre rendez-vous chez le pédiatre. Celui-ci fera un test sanguin et dirigera l’enfant vers un allergologue. Il pourra ainsi guider les mesures d’éviction et de réintroduction des laitages.
Mécanismes Immunologiques des Allergies
Et dans le corps, que se passe-t-il ? Qu’est-ce qui se joue exactement dans le corps lorsque l’on est allergique ou intolérant ? On ne nait pas allergique. Il faut un premier contact dit de sensibilisation pour le devenir. Au fur et à mesure des contacts, l’organisme va fabriquer des anticorps de l’allergie. C’est « une mauvaise orientation » du système immunitaire. Il se trompe et considère d’un seul coup les protéines de lait de vache comme des substances dangereuses pour l’organisme. Il met alors en place des réactions violentes : c’est l’allergie.
L’enfant sensibilisé qui boit du lait considère désormais ces protéines comme des intrus et fabrique des anticorps appelés IgE pour les éliminer. Dans l’organisme, il y a des cellules qui agissent un peu comme des vigiles qui surveillent tout ce qu’il se passe. Les IgE viennent se fixer sur ces cellules-vigiles et dès qu’ils entrent en contact avec les protéines de lait de vache, c’est l’explosion qui déclenche l’inflammation allergique.
Pour mieux comprendre, imaginez la chose suivante : les cellules sont des comme barils de poudre, les anticorps sont la mèche fixée sur ces barils, et les protéines de lait de vache sont l’étincelle qui va venir tout allumer. Résultat : quand ils se rencontrent, les barils de poudre explosent ! Et c’est la réaction allergique caractérisée par les signes d’inflammation (urticaire, gonflements, difficulté à respirer, etc.).
Mécanismes de l'Intolérance au Lactose
Chez les intolérants, il se passe tout autre chose : la lactase, l’enzyme chargée de découper le lactose, est programmée pour être fabriquée toute la vie ou pour s’arrêter. C’est comme ça et c’est différent selon chaque personne. Des cellules contenues dans l’intestin fabriquent la lactase. Si elles n’en fabriquent plus, on devient sensible. Le sucre (lactose) s’accumule dans l’intestin et n’est pas « digéré ».
Les bactéries contenues dans le colon vont alors « manger » le lactose mais leur métabolisme va produire des gaz qui font mal au ventre. C’est leur fermentation qui provoque ces maux de ventre et les ballonnements. Le lactose est un sucre qui retient l’eau. Il peut alors aussi stagner dans l’intestin et retenir l’eau des selles au point de donner une diarrhée.
Distinction entre Allergie et Intolérance
Allergie aux protéines de lait de vache et intolérance au lactose sont donc deux affections bien distinctes. La première concerne plutôt les nourrissons et les petits enfants, la seconde affecte davantag e les enfants plus grands et les adultes.
Restez attentifs aux différents symptômes liés à l’allergie aux protéines de lait de vache car vous pourriez être d’une grande aide pour les parents qui cherchent à comprendre ce qui affecte leur enfant.
Tableau Récapitulatif : Allergie vs. Intolérance au Lait
Caractéristique | Allergie aux Protéines de Lait de Vache | Intolérance au Lactose |
---|---|---|
Mécanisme | Réaction du système immunitaire | Déficit enzymatique (lactase) |
Âge d'apparition | Nourrissons et jeunes enfants | Enfants plus grands et adultes |
Réversibilité | Souvent transitoire et guérissable | Persistante, mais gérable |
Symptômes | Urticaire, vomissements, diarrhée, eczéma, etc. | Douleurs abdominales, ballonnements, gaz, diarrhée |
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