L'élevage porcin en liberté suscite un intérêt croissant, en lien avec le bien-être animal et le respect de l'environnement. En France, la réglementation impose que les truies gestantes soient logées en liberté et en groupe un mois après l’insémination artificielle (IA) et ce, jusqu’à une semaine avant la mise-bas.
Les Bases de l'Élevage Porcin en Liberté
Hugues et Jennifer Moly, avec leurs trois salariés, élèvent des porcins et des bovins allaitants : 20 truies reproductrices, 2 verrats, 450 porcelets par an (dont 200 sont engraissés sur la ferme) et 25 vaches allaitantes et leur suite (chaque femelle fait au moins 1 veau et les mâles castrés sont engraissés jusqu’à 30 mois).
« J’ai différents types de parcs : des parcs pour truies gestantes (2 lots de truies, avec un verrat par parc), des parcs de naissage où les porcelets passent 2 mois avec les truies (1 mois seuls avec leur mère et un mois regroupés avec deux autres truies et leurs porcelets), des parcs d’engraissement où les porcs passent 4 mois et un parc d’attente où je les prélève petit à petit en fonction de la demande.
« Au niveau du chargement instantané, je mets des lots de 2 à 3 bandes d’au moins 30 porcelets (constitués dès le deuxième mois passé dans le parc de naissage) dans des parcs d’engraissement de 1 à 2 ha, pendant 4 mois, la condition étant que les terres se reposent ensuite. Les bandes restent quatre mois à l’engraissement.
Gestion Pastorale et Rotation des Parcelles
« Il y a un intérêt à maintenir des couverts végétaux de qualité dans les parcs des porcins. Cela nécessite une rotation adaptée : un temps de présence des porcins, un temps de repousse, et un temps de pâturage de bovins en fonction de l’herbe. Il arrive aussi que je fasse pâturer porcins et bovins en même temps sur une même parcelle. La cohabitation ne pose pas de problème.
En effet, sur deux ans de rotation, les parcelles ne sont pas exploitées par les porcs aux mêmes périodes de l’année et elles ne sont occupées que 50 % du temps.
« Quant aux truies, 20 truies tournent sur 4 ha, ce qui représente 2 000 m²/truie, avec environ 1 000 m²/truie de chargement instantané. Pour avoir une bonne gestion pastorale, il faudrait qu’elles tournent sur 6 ha (3 000 m²/truie), toujours avec un chargement instantané de 1 000 m²/truie, ce qui permettrait de régénérer davantage les prairies.
« L’élevage des porcs a un effet positif sur la productivité de mes prairies et cultures, contrairement à ce que l’on pourrait penser. Ils améliorent la productivité des prairies et des céréales en les retournant et en les fertilisant. Je réalise 30 % de journées de pâturage de plus sur les prairies où sont les porcs.
J’estime qu’une année de pâture par les cochons équivaut en termes de restitution à un précédent de 2 ans de luzerne. Si en 2014, j’ai réussi à maintenir la production de fourrages pour mes vaches et à rester assez autonome, j’ai un peu délaissé la gestion des prairies et fait quelques erreurs.
Aujourd’hui, j’adapte donc mes rotations et ma technique de pâturage. Après ces deux années de pâturage sur une même parcelle, il faut la mettre en culture ou en prairie pendant au minimum 2 ans et idéalement au moins 4 ans. Pour maintenir la prairie en état, les porcs doivent pâturer de manière discontinue, mais il faut aussi alterner la période de pâturage d’une année sur l’autre.
Alimentation et Soins
« Les truies et les verrats mangent au cornadis, il y a des barrières entre chaque animal pour éviter toute concurrence. Les cornadis sont montés sur un chariot mobile pour faciliter les rotations. Les aliments sont fabriqués avec les céréales de la ferme : triticale-pois, féverole, orge, blé, graines de soja, et des tourteaux (8 % de l’aliment). Au printemps, lorsqu’il y a une bonne pousse d’herbe, je peux réduire la ration (aliment fabriqué à la ferme, à base de céréales, protéagineux, tourteaux, son…) : la consommation des truies et des porcs diminue ainsi de 500 g (passant de 3 Kg à 2,5 Kg par jour). L’hiver, les truies ont du foin en plus.
« J’ai des niches de 2m20 x 1m90 et de 1m50 de haut, qui ont une base plus large que le toit. Ainsi les parois sont obliques ce qui permet aux porcelets de s’échapper lorsque la truie se couche. Les niches sont simples, bien isolées, et c’est un modèle que l’on peut facilement construire soi-même.
Lors des mises-bas, moins j’interviens, mieux cela se passe. Je ne rentre jamais dans les cabanes car cela stresse la truie, elle bouge, et risque d’écraser des porcelets. Je paille beaucoup afin que la truie fasse un nid et pour limiter le risque d’écrasement. Je castre les porcelets à 8 jours en utilisant une bombe de froid, toujours loin des mères pour qu’elles n’entendent pas leurs petits.
Trois bandes de porcelets sont regroupées, ce qui représente des lots de 30 à 35 porcs à l’engraissement. Je ne mélange jamais des bandes de porcelets qui n’ont pas grandi ensemble en parc de naissage afin d’éviter qu’ils se battent.
« Chez moi, c’est assez simple : lorsque mes porcs rencontrent des problèmes de santé, je leur fais une cure de chlorure de magnésium. Je mets 2 g/litre dans leur eau de boisson pendant une semaine. Mon lot qui semblait en mauvaise santé a ainsi récupéré une peau parfaitement rose et souple et une bonne vigueur.
Les Cases de Maternité et le Bien-Être Animal
À l’initiative de Midiporc, l’Ifip et des acteurs de la filière porcine Occitanie ont imaginé l’élevage de porc de demain devant à la fois concilier le bien-être animal et le respect de l’environnement.
Une réflexion doit aussi être portée sur l’aspect visuel de la salle. Pour limiter la sensation d’enfermement, il faut éviter d’utiliser trop de cloisons de 1,20 mètre de haut. Il faut donc impérativement réfléchir le mode d’ouverture des cages afin de garder un maximum de cloisons basses (0,5 mètre de haut).
Concernant les types de sol, la case est majoritairement sur caillebotis, plastiques ou enrobés, afin de faciliter l’évacuation des effluents et garder un sol propre. Une dalle pleine est présente sous la niche afin de limiter les remontées d’air froid et maximiser le confort thermique des porcelets.
Selon l’agencement du réfectoire, situé au milieu de la case avec les deux côtés qui sont ouverts, ou un réfectoire situé sur le côté de la case, le résultat en termes d’espace de liberté disponible est très variable. Il se situe entre 3,5 m² à 4,1 m² pour un rapport « surface de liberté » sur « surface d’emprise au sol » qui varie entre 55 % et 73 %.
Les résultats obtenus sur la liberté des truies dans stations des chambres d’agriculture en Bretagne, à Guernévez, et dans les Pays de la Loire, aux Trinottières, donnent des références essentielles sur ce mode de logement.
La plupart des équipementiers proposent aujourd’hui des cases liberté, dont certaines sont encore en phase de test. Peu d’élevages sont pour le moment équipés en France, mais de nombreux éleveurs sont en phase de test. Dans la plupart de ces élevages, les truies en liberté ne représentent qu’une partie des maternités, le reste des cases étant un système de contention classique.
Les Cases Liberté en Maternité Porcine
Les cases liberté en maternité porcine poursuivent leur développement. Dans ce contexte, la chambre régionale d’agriculture de la Bretagne a réalisé une enquête dans 29 exploitations. Elles comptent en moyenne 232 truies présentes et 53 places liberté, et disposent d’une expérience de 2,8 années avec ce système.
« La réflexion se fait le plus souvent lorsqu’il y a un bâtiment à revoir sur l’élevage. 86 % des enquêtés ont reconstruit leur maternité liberté dans un bâtiment neuf. Dans la plupart des cas, les éleveurs craignent une évolution de la réglementation ou une restriction d’accès au marché comme dans la filière des œufs », détaille Nicolas Villain, chargé d’étude à la chambre régionale d’agriculture de la Bretagne.
La surface moyenne est d’environ 6,6 m² dont 4 m² pour la truie. Pour le choix du type de case, les critères le plus souvent cités sont la facilité d’utilisation du matériel et la visibilité sur les animaux. La sécurité, l’espace pour la truie et la solidité du matériel sont également mis en avant.
« Il y a autant de conduites que d’élevages enquêtés », appuie Nicolas Villain. Les éleveurs enquêtés ont néanmoins un point commun : tous essaient de mettre en place une double ambiance avec une salle fraîche et une zone chauffée pour les porcelets.
« La durée de contention de la truie varie 0 à 21 jours avec une moyenne de 7 à 10 jours après la mise bas. La libération se fait plutôt autour des repas en observant si les porcelets sont assez vigoureux et si la truie est calme. »
Avantages et Inconvénients des Cases Liberté
Selon les éleveurs, le principal avantage de la case liberté en maternité est le déplacement facilité des truies. Les inconvénients relevés sont l’accès aux porcelets une fois la truie libérée et le temps de lavage plus long. Mais si c’était à refaire, tous les enquêtés se disent partants.
L'Élevage Plein Air : Conditions et Objectifs
Avant de se lancer, il est prudent de vérifier si le site d’exploitation réunit les conditions favorables à la création d’un élevage plein-air, notamment au regard des surfaces disponibles, des conditions de sol et de météo. En fonction de ses objectifs et des caractéristiques de son exploitation (type d’installations, emplacement, surface disponible, main-d’œuvre, caractéristiques de l’environnement, etc.), chaque éleveur choisit son mode d’élevage et sa conduite.
Les Truies Libres en Verraterie
Dans l’objectif d’identifier les facteurs de réussite de la conduite des truies libres en verraterie, la Chambre d’agriculture de région Bretagne a réalisé une enquête auprès de 38 éleveurs pratiquant. Une enquête réalisée auprès de 38 éleveurs pratiquant la mise en liberté précoce des truies sur la période des inséminations et les premières semaines de gestation a été menée dans l’objectif d’identifier les points de vigilance et facteurs de réussite de cette conduite.
Bien qu’aucune législation n’encadre la libération des truies en maternité, cette pratique a tendance à devenir la norme sur le terrain. C’est donc dans une logique similaire que certains éleveurs réduisent voire suppriment la période de contention des truies pendant la phase de mise à la reproduction. Cette approche, appelée « truies libres en verraterie », est encore peu répandue mais suscite un intérêt croissant.
Stratégies d'Allotement
Il faut notamment éviter de regrouper les truies pendant la période la plus à risque, entre le 12e et 18e jour de gestation et, donc, de constituer les groupes avant cette période, soit dès le sevrage, soit juste après les inséminations. Les agressions liées à la mise en place de la hiérarchie sont ainsi avancées. Si elles ont lieu au sevrage, elles ont l’avantage de stimuler les venues en chaleurs.
Concernant les stratégies d’allotement, il est préférable de constituer des groupes de truies homogènes sur le plan corporel, plutôt par rang et ne pas mélanger les cochettes avec les multipares.
Avantages de la Conduite des Truies Libres en Verraterie
Les éleveurs interrogés ont relaté de nombreux avantages à la conduite des truies libres en verraterie, Beaucoup d'entre eux soulignent le plaisir de voir les truies évoluer en groupe, ainsi que l'impact positif sur le bien-être de leur troupeau. Les éleveurs qui regroupent leurs truies dès le sevrage rapportent une meilleure venue en chaleur, en raison du stress généré par la mise en groupe.
Malgré cela, un quart des éleveurs trouvent leurs truies plus calmes et estiment que cette conduite améliore la relation entre l'éleveur et ses animaux. Pour un tiers des éleveurs, leurs conditions de travail se sont améliorées, notamment grâce à la réduction des déplacements des animaux et du raclage des déjections derrière les truies.
Il est à noter que les bâtiments existants peuvent constituer un frein à la mise en œuvre de cette conduite, à cause notamment d’une chaîne de bâtiments non adaptée.
Litière et Sols
La verraterie liberté n’impose ni ne s’oppose à la conduite sur litière. Les éleveurs qui ont fait le choix de la paille décrivent des truies moins agressives car occupées à fouir. Les verrateries sur caillebotis sont choisies notamment pour le bon niveau de propreté des truies. En cas d’humidité, ce type de sol devient facilement glissant. Les risques de chutes et de boiteries ou panaris sont alors accrus.
Performances et Avenir
Enfin, et non des moindre, un quart des répondants jugent que leurs truies libres affichent de bonnes performances. Cette conduite, encore peu répandue, est amenée à gagner en popularité à mesure que la législation sur le bien-être animal évolue, comme en témoignent les réformes prévues en Allemagne et au Danemark d'ici 2028 et 2035. L’arrêt de la contention en verraterie a d’ailleurs été recommandé dans un rapport de l’EFSA publié en 2022.
Tableau 1: Avantages et Inconvénients de l'Élevage Porcin en Liberté
Aspect | Avantages | Inconvénients |
---|---|---|
Bien-être animal | Comportement naturel, espace, interactions sociales | Risque d'agressions, blessures |
Environnement | Fertilisation des sols, amélioration de la productivité des prairies | Gestion des effluents, risque de parasitisme |
Travail de l'éleveur | Déplacements facilités, relation améliorée avec les animaux | Accès aux porcelets, temps de lavage plus long |
Performances | Bonnes performances reproductives | Nécessité d'une gestion rigoureuse des rotations et de l'alimentation |
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