Et si la plus belle histoire d’amour de Paris était le pain… Sans ses boulangeries à tous les coins de rues, que serait la capitale?
Utopie : Un Voyage Olfactif et Gustatif au Cœur du XIème Arrondissement
Par ses effluves de pain chaud, la boulangerie Utopie enivre tous les jours les passants du XIème arrondissement de Paris. Dès l’ouverture de la porte, les effluves de pain chaud et de croissants enivrent. Puis les yeux se posent sur les couleurs vives du Blueberry, de la baguette au charbon végétal ou de la création Chocolat-Lait et sa chantilly noisette.
Quand Paris s’éveille, Erwan et Sébastien, boulangers pâtissiers sont déjà aux fourneaux depuis des heures. Il y a quatre ans, ils décident de fonder Utopie, une boulangerie. Comme ils aiment le partager avec leurs clients qui défilent toute la journée, les produits que l’on trouve chez eux sont authentiques et ont une forte personnalité.
Les deux artisans trouvent leur inspiration dans leurs différents voyages. Derrière le comptoir, au coeur du fournil, se découvre finalement le savoir-faire. Chaque jour, les artisans d’Utopie pétrissent, malaxent et pâtissent dans la plus pure tradition.
Le Pain : Un Symbole de Vie à Travers les Âges
Le pain est la nourriture essentielle de l’homme et lui donne l’énergie physique dont il a besoin. C’est la raison pour laquelle, sous une forme ou sous une autre, toutes les civilisations l’ont élevé à la hauteur d’un symbole de vie, l’ont considéré comme la marque de la générosité des dieux et déesses envers elles.
- Il y a plus de 5000 ans, Osiris se déclarait être le pain de vie des enfants de l’Egypte.
- Dans l’Antiquité, selon Ovide (1 er s. av JC), lorsque les Gaulois assiégèrent Rome, les Romains invoquèrent Jupiter qui leur conseilla de jeter par-dessus les murs ce qu’ils avaient de plus précieux. Ils confectionnèrent alors avec leur reste de farine, des miches de pain qu’ils lancèrent contre les assaillants. Ces derniers pensèrent que Rome était largement approvisionnée et possédait de quoi tenir un très long siège. A cause de cela, ils abandonnèrent leur assaut.
Les Juifs apportaient 12 pains en offrande, le jour du Shabbat dans le temple de Dieu, c'était les « pains de proposition » que seuls les prêtres pouvaient manger. Aujourd'hui, un pain tressé appelé Hallah est utilisé lors de chaque shabbat. En effet, les Juifs ont été condamnés à manger du pain sans levain, car ils ont dû quitter l'Égypte dans l’urgence et n'avaient alors pas le temps d'attendre que le pain lève.
Il y a plus de cinq mille ans, Osiris déclare être le pain de vie des enfants de l'Égypte, et trois mille ans plus tard le Seigneur Jésus-Christ utilise les mêmes phrases pour situer la valeur de son exemple et de son enseignement.
Les Écritures Saintes de la religion chrétienne recèlent environ quatre cents références au pain. La Cène est le terme issu du latin cena c'est à dire repas du soir. La Cène est le nom donné par les chrétiens au dernier repas que Jésus-Christ prit avec les douze apôtres le soir avant la Pâque juive, trois jours avant sa résurrection.
« Pendant le repas, Jésus prit du pain et, après avoir prononcé la bénédiction, il le rompit ; puis, le donnant aux disciples, il dit : « Prenez, mangez, ceci est mon corps ».
Dans le culte catholique: L'Hostie symbolise le pain sans levain, le sacrifice du Seigneur ce qu'on appelle l'Eucharistie. L'hostie illustre par sa forme ronde l'éternité et l'universalité de la vie. Chez les catholiques le pain renvoie naturellement au travail : « Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front » déclare Dieu dans la Genèse.
Dans l'Ancien Testament (de la Bible) l'Eternel envoya la manne aux Hébreux pendant qu'ils traversaient le désert lors de l'Exode. Cet aliment symbolise le pain et préfigure l'eucharistie pour les chrétiens.
L'Église orthodoxe utilise du pain levé. Car le mot Artos (qui signifie pain en grec) est utilisé dans tous les compte rendus de la Cène avec la signification de pain au levain commun. Pour les orthodoxes le pain au levain est aussi appelé «pain vivant». Le pain sans levain est considéré comme «mort». Quand le Christ se présente comme «le pain de vie», «le pain vivant», il est certainement bien représenté par du pain au levain.
Au Noël Ortodoxe: Le premier jour de Noël, la maîtresse de maison confectionne un pain spécial, nommé "Cesnica". Elle y cache une pièce, un haricot et un grain de maïs.. (En quelque sorte le principe de la galette des rois).
Ce repas rappelle pour les protestants que tous ensemble ils sont appelés à se nourrir de l'enseignement et de la vie du Christ, et que cela fait d'eux des frères et soeurs, invités à la même table.
Le Pain a inspiré de nombreux poètes et écrivains. Baguettes, miches, brioches… toutes les recettes ont investi tous les genres littéraires.
Les expressions françaises comprenant le mot « pain » abondent, tant celui-ci fait partie de notre patrimoine... - Ça ne mange pas de pain ! - Le pain a toujours été considéré comme une nourriture essentielle à la vie.
Le Pain et la Révolution : Une Préoccupation Primordiale
Assurer l’approvisionnement du peuple en pain devient une préoccupation primordiale pendant la révolution et reste d’actualité au début du XIXe siècle. Au point que des émeutes de la faim éclatèrent en province au printemps 89. Ces innovations fondamentales n'empêchaient pas le peuple d'être affamé.
Napoléon fait construire un grenier de réserve en 1807, dote ses armées de boulangeries ambulantes. Pour lui, le moral des troupes et du pays dépend beaucoup de la qualité du pain. Il aurait voulu « organiser la boulangerie qu’il considérait comme un service public. Si les évènements ne l’avais pas surpris, les boulangers auraient été des fonctionnaires ».
Pourtant, la loi du 14 juin 1791 qui interdisait les syndicats dans la crainte de voir se reformer les anciennes corporations, et surtout qui donnait tout pouvoir à l’autorité, accabla les boulangers jusqu’en 1863. Le boulanger vécu les jours les plus sombres de son histoire.
Le pain est un symbole politique fort. Ci-dessus, la Une du journal du front populaire en 1936.
L'Organisation des Boulangers au XIXe Siècle
A Paris et en province, on s’organise. Les boulangers souhaitent conjuguer leurs efforts pour lutter principalement contre la taxe du pain. Réunis le 04/04/1826, ils constituent la première société à caractère syndical, la « boulangerie commune ».
En région, il faut attendre 1875, pour voir la première chambre syndicale a Versailles. Leur nombre augmente sans cesse les années suivantes. En 1884, le premier congrès de la boulangerie tient ses assises à Paris. On y nomme une commission spéciale, chargée d’étudier la création d’un syndicat général.
A partir du XIXe siècle, le pain français tient la vedette. Pourtant, c’est aussi l’époque ou les critiques se font de plus en plus virulentes. De nombreuses campagnes de presse critique se pain blanc « qui dans notre estomac se résout en une bouillie semblable à l’empois de la blanchisseuse ou à la colle de l’afficheur.
L'Histoire et l'Évolution du Métier de Boulanger
Je vais donc vous raconter l’histoire du pain. Non pas la jolie version du pain sacré hérité de nos ancêtres et qui fait toute notre mythologie judéo-chrétienne, mais celle de la filière blé-farine-pain depuis 1850 c’est-à-dire depuis le début de la civilisation industrielle.
Il y a plus de 40 ans, Raoul Lemaire, un pionnier du pain bio, pestait déjà contre les méfaits des mauvais blés modernes : trop de protéines, trop d’élasticité, pas de goût. De même le professeur Calvel, éminent défenseur du bon pain et ambassadeur infatigable de la baguette française recommandait une bonne farine réalisée avec du bon blé pour faire un bon pain. C’était simple.
Avant 1850 il existait plus de 49 000 moulins en France soit beaucoup plus que de boulangeries, qui n’existaient pratiquement qu’en ville. Aujourd’hui quelques grands groupes rivalisent de concepts marketing du genre « banette » « copaline » ou autres « Baguépi » et laissent des miettes à quelques meuniers-résistants qui survivront tant que survivront des artisans-boulangers indépendants.
La Correction Maltée et l'Acide Ascorbique
Dans les années 60, l’activité enzymatique était corrigée avec du malt de blé. Le malt est un concentré sucré à fort pouvoir enzymatique naturel et est composé essentiellement d’alpha et de beta amylases. Pour une panification classique, ces enzymes suffisent à assurer la production gazeuse nécéssaire à un bon développement des pâtes.
Pour la partie gluten, les petits chimistes ont réussi à reproduire le vieillissement des farines par le biais de l’acide ascorbique E300. En fait, l’oxydation des farines est un phénomène naturel de renforcement du réseau glutineux par l’association des ponts di-sulfures des protéines. Plus ce réseau est structuré, mieux l’enveloppe du ballon devient résistante et permet de mieux gonfler.
Au début, le dosage juste de quelques amylases issues de céréales ne perturbait rien, au contraire. Il était normal de corriger les écarts que la nature, comme les pluies trop abondantes ou les étés trop secs, provoquaient sur les blés. En effet, la farine reste un matière vivante extrêmement changeante et un blé échaudé c’est-à-dire des « coquilles vides » n’a évidemment rien à voir avec un blé germé par excès d’eau et manque de soleil.
Les Allérgies
Un des principaux reproches que l’on fait aux enzymes est qu’elles souffrent d’un fort soupçon de faiseur d’allergie. Or, ce mal devient chronique : Il concerne 3,4% de la population générale et 8% des enfants de moins de 12 ans. Plus l’homme avance en âge, plus le mal s’aggrave pour à partir de 60 ans toucher plus de 50% d’entre eux.
La question n’est pas de savoir si l’allergie provient du fruit ou de la matière consommée, mais de la quantité de produits annexes et principalement chimiques que les intervenants économiques intègrent dans le produit de base. En clair, ce ne sont pas les abricots, bananes ou œufs qui provoquent l’allergie mais les enzymes, conservateurs et autres colorants.
Les Émulsifiants
Mais le pire reste à venir avec l’apparition des émulsifiants. Ce produit miracle permet de lier des matières normalement non miscibles. Comme pour la mayonnaise qui lie l’huile et le jaune d’œuf, l’émulsifiant permet une vraie gonflette de la pâte et du pain.
Non seulement le réseau glutineux se structure tant et plus mais la pâte devient tolérante à souhait. Plus besoin d’être vraiment boulanger pour réussir ses pains : plus de levains capricieux, plus d’accidents de pousse, plus de pâtons qui s’affaissent au four. Le pain devient un vrai produit Rambo : de la gonflette remplie de vide.
La Modernisation des Boulangeries au XIXe Siècle
L'histoire des boulangers est celle d’un métier à l’interface du progrès technique et de l’alimentation du quotidien. Et c’est bien parce qu’ils fabriquent le pain de tous les jours, dont les pouvoirs publics surveillent le prix comme un étalon du coût de la vie, que le métier s’installe comme un objet politique au XIXe siècle.
Et si la Commune de Paris n’a duré que soixante-douze jours, au printemps 1871, avant de s’éteindre dans la Semaine sanglante, l’une des rares mesures sociales mises en œuvre dans cet intervalle aura été d’abord pour eux : les élus communards voteront l’interdiction du travail de nuit des boulangers.
Au XIXe siècle, il n’était pas encore question de pétrins électriques mais d’inventions mécaniques qui tournaient à la vapeur. On commençait à parler en chevaux-vapeur et c’était une petite révolution copernicienne : l’activité de la panification, c’est-à-dire celle qui passe notamment par le fait de pétrir la pâte avant de la cuire, s’en trouvait bouleversée.
Tout le siècle sera rythmé par cette course à l’innovation. Mais cette marche trépidante, qui se soldera par une généralisation de la technique avec la Grande Guerre et le manque de main-d’œuvre, carburait en fait à plusieurs agendas : derrière la mécanisation et l’idée de vanter le boulanger comme un ingénieur en son fournil, l’injonction au passage au pétrin mécanique embarquait non seulement des rappels à l’ordre du côté des normes d’hygiène, mais encore l’idée qu’il était temps de dompter une profession indocile… tout en surveillant (déjà) le prix du pain de près.
Le Tact Face au Grand Capital
Toutefois, les boulangers résisteront plus longtemps devant ce qu’on leur vantait comme un progrès. Ils répliquent que l’investissement est coûteux pour ces patrons de petites affaires, et dénoncent la concentration comme un cheval de Troie du grand capital.
Dans l’imaginaire, les vastes ateliers au grand jour évoquent davantage les usines manufacturières qui, de surcroît, requièrent des compétences nouvelles, plutôt qu’un métier traditionnel transmis informellement, sur la base de savoir-faire séculaires "à mains nues", et parfois un peu secrets.
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