Le Paillon, torrent des Préalpes méditerranéennes, est le cours d’eau qui a vu naître et grandir sur ses bords la ville de Nice. Des trois fleuves du territoire communal, le Paillon est le plus urbain de tous : il négocie avec l’homme depuis des siècles en démontrant sa plasticité.
Origine et Géologie du Paillon
C’est au Miocène (il y a 23 à 5 millions d’années) qu’il s’est installé sur les matériaux accumulés par les mars secondaires et tertiaires, ramenés à l’état de pénéplaine à une altitude voisine de 300 mètres au-dessus du niveau de la mer. C’est alors un cours d’eau puissant, plus abondant que de nos jours, qui pousse ses sources jusque dans le massif du Mercantour et roule les eaux de l’actuelle Vésubie qu’il perdra ultérieurement (celle-ci allant rejoindre le cours du Var).
Le réseau hydrographique de l’actuel Paillon se constitue petit à petit entre la fin du tertiaire et le début du quaternaire de part et d’autre d’un axe principal que constitue l’ancien golfe marin de la vallée de Contes et de la plaine niçoise.
- Le premier correspond au Paillon de Cimiez et occupait toute la partie ouest de la ville (quartiers Saint-Maurice, Saint-Philippe, Saint-Barthélemy, Gambetta).
- Le second delta, édifié dès l’holocène, occupe toute la partie est de la ville.
Régime Hydrologique du Paillon
Le Paillon bénéficie d’une alimentation uniquement pluviale et, de ce fait, subit une alternance de deux saisons sèches (hiver et été) et de deux saisons humides (printemps et automne).
Les crues du Paillon sont soudaines, arrivant avec une rapidité déconcertante, imprévisibles, indépendantes de l’état pluviométrique général - car un simple orage de montagne peut déchaîner une crue terrible tandis qu’une semaine de pluies peut demeurer sans effet notable -, brèves (quelques heures souvent, deux ou trois jours au plus), dévastatrices et parfois meurtrières.
Les Paillons : Un Complexe Hydrographique
Le Paillon de l’Escarène fait partie du complexe hydrographique des Paillons, riche de 5 cours d’eau : le Paillon de Contes, le Paillon de Levens ou la Banquière, le Paillon du Laghet ou le Laghet, le Paillon de Nice et le Paillon de l’Escarène.
L’origine du mot « Paillon » est liée à la notion « d’eau, de cascade, de cours d’eau qui tombe d’une hauteur » (André COMPAN). Plusieurs graphies anciennes correspondent à la consonance de ce mot (« Palhon », « Paion »…). Selon J. M. RASCHI, la racine « Palh » désignait un point culminant et se retrouve dans certains noms de village (Peillon, Peille).
De direction nord sud, le Paillon de l’Escarène rejoint le Paillon de Contes au niveau du pont de Peille vers 140 m d’altitude. Long de 19,5 km (36,2 km avec ses affluents) et couvrant une surface en eau de 9 hectares, il prend sa source au pied du massif de Peïra Cava à 900 m d’altitude et possède 5 affluents importants.
Le bassin versant des Paillons (237 km2 de superficie) s’inscrit dans la partie orientale des chaînes subalpines méridionales dont la structure est directement héritée des mouvements tectoniques alpins (Arc de Nice). Son ossature est constituée de diverses roches sédimentaires (conglomérats, alluvions fluviatiles quaternaires argilo sableux, flysch, grès, argiles, marnes, dolomies, calcaires et gypses) s’étageant du Trias supérieur au Quaternaire et ayant subi de nombreuses déformations au cours des différents mouvements alpins (plis, failles, chevauchements).
Une grande partie du bassin versant des Paillons correspond à un système karstique : leurs eaux souterraines sont abondantes. Il est peu ouvert aux influences météorologiques marines car celles ci sont bloquées par la barrière montagneuse située au sud et à l’est du bassin. Le bassin versant spécifique au Paillon de l’Escarène couvre une superficie de 99 km2.
Les Paillons connaissent des étiages très importants avec des périodes d’assec total annuel et des crues violentes, mais rares. Rivière de 2ème catégorie sur l’ensemble de son linéaire, le Paillon de l’Escarène est un cours d’eau côtier de régime méditerranéen à Barbeau méridional et Blageon.
Son fonctionnement naturel est typiquement celui d’un cours d’eau méditerranéen à forte pente, sur substrat géologique calcaire (calcaires marneux, argileux et gréseux, calcaires nummulithiques de l‘Eocène, marnes du Crétacé et du Jurassique, flysch) avec un charriage intense de matériaux solides et une morphologie naturelle en tresse.
Qualité de l'Eau et Pollution
De tous les Paillons, le Paillon de l’Escarène est celui dont la qualité des eaux est la meilleure : ainsi, la qualité physico chimique des eaux est bonne (classée 1B) à excellente (classée 1A). Le Paillon de l’Escarène présente des eaux alcalines (pH compris entre 8 et 8,6), bien minéralisées et riches en calcium (Ca2+). Elles sont dans l’ensemble peu polluées par les hydrocarbures polycycliques, les PCB, les pesticides et les métaux.
La pollution d’origine agricole est faible sur les Paillons et les pollutions d’origine industrielle ont quant à elles fortement diminué depuis les années 80. On constate cependant une prolifération des dépôts, des remblaiements sauvages importants en lit mineur, des érosions de berges, une surexploitation de ses matériaux alluviaux, une légère dégradation de la qualité des eaux (légère eutrophisation et légère augmentation du taux de matières phosphorées mettant en évidence une pollution organique) dus aux effluents des stations d’épuration de l’Escarène, Lucéram et Peillon, même si leur impact reste limité, ainsi qu’une obstruction de son lit due à la chute fréquente de pierres liée à l’exploitation de la carrière des Clues.
Malgré cela, on peut considérer que le lit du Paillon de l’Escarène ne paraît pas aujourd’hui fondamentalement déstabilisé. Sa nappe alluviale, de faible profondeur, et ses eaux superficielles sont fortement exploitées, particulièrement en été, pour l’alimentation en eau potable et pour l’irrigation : un certain réchauffement des eaux est ainsi observé.
Sur le plan hydrobiologique, les eaux sont globalement d’assez bonne qualité, une légère dégradation étant constatée de l’amont vers l’aval. Sa richesse piscicole est relativement grande mais il ne semble pas faire l’objet d’une grande pression halieutique.
Faune et Flore du Paillon de l'Escarène
La végétation riveraine du Paillon de l’Escarène correspond essentiellement à une formation de ripisylve riche en Peuplier noir (Populus nigra), Saule blanc (Salix alba) et Frêne à feuilles étroites (Fraxinus angustifolia). On constate également l’apparition d’espèces adventices telles que notamment la Canne de Provence qui forme localement des peuplements denses, par exemple dans le secteur de la Condamine. Quelques mentions d’espèces d’intérêt patrimonial sont à signaler (Acanthoprasium frutescens, Moehringia sedoides, Potentilla saxifraga).
Les gorges du Paillon offrent un peuplement faunistique d’un intérêt patrimonial assez marqué avec 10 espèces animales patrimoniales dont1 déterminante.
Les mammifères sont représentés par la Genette commune (Genetta genetta), petit carnivore remarquable, originaire d’Afrique et d’affinité méridionale, en expansion géographique dans notre pays, habitant les mosaïques de milieux variés avec forêts, bocages, coteaux, friches buissonneuses, broussailles, rochers, éboulis et cours d’eau, jusqu’à 2 000 m d’altitude.
Le Cincle plongeur (Cinclus cinclus) espèce remarquable, liée aux cours d’eau froids, propres et bien oxygénés, à courant plutôt vif, entre 100 et 2 400 m d’altitude, niche dans ces gorges.
Chez les poissons, mentionnons la présence du Barbeau méridional (Barbus meridionalis), espèce remarquable d’affinité méridionale, liée aux cours d’eau clairs et bien oxygénés à débit rapide sur substrat de graviers, protégée au niveau européen par la directive C.E.E. « Habitats ».
Les amphibiens comprennent le Spélerpès de Strinatii (Speleomantes strinatii), également appelé Hydromante, espèce remarquable peu abondante à répartition très localisée en région P.A.C.A., correspondant à un endémique franco-italien présent en France uniquement dans deux départements (Alpes-Maritimes essentiellement et Alpes-de-Haute-Provence), recherchant les milieux humides, frais et ombragés (forêts, grottes, cavernes, éboulis) de 0 à 2 400 m d’altitude.
Quant aux arthropodes patrimoniaux, citons, parmi les espèces patrimoniales le Carabe de Solier (Carabus solieri), espèce déterminante et protégée en France, endémique des Alpes occidentales et de Ligurie, des pelouses subalpines et lisières forestières aux étages montagnards et subalpins.
Les peuplements de mollusques gastéropodes sont ici exceptionnels, caractérisés par la présence de six espèces rares ou endémiques : l'Aiguillette méditerranéenne (Renea elegantissima), espèce remarquable d'affinité sud alpine, forestière et hygrophile, en limite d’aire en région P.A.C.A.
Pêche dans le Paillon
Les paillons de l'Escarène et le Paillon de Contes sont tous les deux classés en 2eme catégorie piscicole. Ce cours d'eau, qui sèche sur sa partie basse, est intéressant à pêcher, notamment au niveau de Bendejun. Les lâchers de truites arc en ciel sont réalisés et il n'est pas rare de voir de belles truites en poste qui cherchent leur alimentation. La pêche au toc est le mode de pêche le plus fréquent.
Une canne assez longue de 4 à 6 m, sans moulinet, type canne au coup télescopique, équipée d'une ligne courte de 1,3 m est idéale pour faire les postes qui s'offrent à vous. Le vers de terre est très efficace, il n'a pas son pareil pour les décider. La teigne est également très productive et possède l'avantage de permette un ferrage à la touche. Lorsque l'on désire remettre les truites à l'eau après capture, c'est l'appât idéal, surtout si l'on utilise un hameçon sans ardillon.
Si la pêche au lancer est votre technique favorite, préférez un modèle court ne dépassant pas 1,8 m et d'une puissance de 3 à 8 grammes. Quelques cuillers suffisent pour ce cours d'eau. Préférez une tournante en n°1 si l'eau est basse. En revanche, la n°2 est idéale si l'eau est forte. Les tonalités claires fonctionnent très bien par temps et eau claire, les variantes sombres à l'inverse assurent des résultats intéressants lorsque l'eau est teintée et que le ciel est gris.
Prospectez en remontant le cours d'eau, en évitant de préférence de vous déplacer en marchant dans l'eau pour ne pas donner l'alerte. Lancez plein amont et récupérer votre leurre au ras du fond. Les truites suivent souvent quelques instant avant de se décider. La sensation à la vue de son leurre pris en chasse est forte !
Bassin d'Alimentation Luceramois
Le Paillon est cette petite rivière - ou plutôt fleuve, puisqu'il rejoint directement la mer - qui traverse la ville de Nice. Nous nous intéresserons ici à son bassin d'alimentation, que nous appellerons bassin luceramois, bien que, ainsi que le montre la carte qui suit, il se compose de deux bassins, celui du Paillon proprement dit et celui du Cuous. Dans la partie au nord de Luceram, entre le village et la cime de Peïra Cava, le bassin luceramois a sa pente générale dirigée vers le sud. Il est limité sur trois côtés par des rebords dont l'altitude varie de 990 m à 1581 m. Du point de vue géologie, nous sommes ici dans l'arc de Nice et plus précisément dans le synclinal de Peïra Cava. Dans les limites de nos cartes, le bassin d'alimentation du Paillon proprement dit n'occupe qu'une faible partie de ce bassin luceramois, la majeure partie étant constituée par celui du Cuous. En effet, le Paillon ne prend pas sa source sur les flancs de la Cime de Peïra Cava, mais nettement plus au sud, à quelques kilomètres seulement au nord de Luceram. Le Cuous ne rejoint pas le Paillon mais s'échappe au travers du rebord est pour gagner la Bévéra.
Glaciations et Évolution du Bassin
En altitude, des névés d'altitude et des glaciers de pente occupent l'amphithéâtre de vallons qui, sous le rebord nord du bassin luceramois, s'étend de la Cime de Peïra Cava à la Baisse de Beccas. Un peu plus bas, ces appareils se réunissaient pour donner naissance au glacier de vallée proprement dit. Or ces deux glaciers présentaient des caractéristiques très différentes : celui de la Vésubie, long de 28 km, était issu de sommets atteignant 2500 m à 3000 m, alors que celui de la Bévéra avait parcouru 7 km seulement depuis sa naissance vers 2000 m. Au sud de Lucéram, les deux vallées sont distantes d'une vingtaine de kilomètres, avec de nombreux sommets d'altitude supérieure à 1000 m.
Dans sa partie sud, le seuil est échancré par la profonde gorge du Vallon de Guiou. On peut voir sur la carte qu'à chacune de ces échancrures, les altitudes des sites témoins à l'intérieur et à l'extérieur du bassin luceramois sont voisines. Suivons tout d'abord le glacier de la Bévéra. Entre l'altitude de 1360 m environ à la Baisse de Beccas et l'échancrure Pas de la Capelette - Vallon de Guiou, les dimensions de la vallée de la Bévéra fournissaient un chemin plus aisé aux glaces que l'intérieur du bassin luceramois. La pente de la surface était donc plus faible côté Bévéra que côté Cuous (on pourra se reporter ici à la page altitude des glaciers, tracé théorique). Les choses sont moins simples pour l'échancrure ouest, le col Saint-Roch.
Le relief est plus compliqué. Heureusement, nous disposons ici de deux sites témoins, le versant d'érosion du Tournet et les ravines qui lui font face. Ces sites indiquent que le flot de glace qui les a creusés venait du Nord... C'était donc les glaces de la Bévéra qui l'emportaient ici sur celle de la Vésubie.
En conclusion, nous pensons donc que le schéma de circulation des glaces était le suivant : la glace de la Haute Bévéra pénétrait par la Baisse de Beccas et par l'échancrure Pas de la Capelette - Vallon de Guiou. Avant la glaciation maximum, en effet, il est possible que l'échancrure Pas de la Capelette - Cime de Penas ait été nettement moins marquée, consistant en un simple abaissement de la crête. Le Vallon de Guiou n'existait pas encore. Puis les glaciers arrivèrent, avec leur propre logique de circulation, différente de celle des eaux de surface.
On peut penser que l'épaisseur de glace était suffisante pour que la partie supérieure du glacier puisse franchir cet abaissement de l'arête et rejoindre la vallée de la Bévéra. L'érosion glaciaire s'exerçait alors, façonnant l'arête en forme de seuil, dont nous reste actuellement la remarquable épaule Pas de la Capelette - Cime de Penas, horizontale sur une longueur d'un millier de mètres.
Lors des glaciations suivantes, le niveau des glaciers dans la Vésubie et la Bévéra ne leur permettait plus d'alimenter le glacier du Paillon, qui disparaissait, étant donnée la faible altitude de son bassin d'alimentation. Cette disposition - glacier occupant la totalité d'une vallée et alimenté en partie par des points bas sur sa périphérie - n'est pas unique. C'est le cas de la vallée de la Roizonne (Isère) et, peut-être, de la montagne de Saint Genis, de la montagne d'Aujour (Hautes-Alpes).
On retrouve ici une succession d'événements quelque peu analogues à ceux qui, cette fois lors des deux dernières glaciations, se sont déroulés dans la vallée du Drac : pendant le Riss, le glacier de la Durance envoyait une diffluence importante au-dessus du col Bayard, alors qu'il ne le faisait que plus faiblement au cours du Würm. Le bassin du Drac, qui voyait passer un glacier important au Riss, était donc pratiquement vide de glace pendant le Würm.
L'épaisseur de glace à Lucéram, de l'ordre de quelques centaines de mètres, montre que les glaciers s'arrêtaient peu après ce village. A l'exception de quelques sommets assez élevés pour avoir pu abriter de petits glaciers locaux lors de la glaciation maximum, telle la Cime de Baudon (1266 m) sur Peille, la région au sud de Lucéram a donc toujours été vierge de toute présence de glace. Ceci nous permet de la considérer comme un terrain d'étude privilégié pour la géomorphologie non glaciaire.
Épaulements et Géomorphologie
L'examen des cartes de la région qui s'étend au sud de Lucéram, montre un certain nombre d'épaulements. Cette forme de relief n'est donc pas réservée aux massifs qui furent englacés. Dans les massifs qui ont connu les glaciers, les épaulements se disposent de part et d'autre des cours d'eau et la ligne qui joint leurs sommets est constamment descendante dans le même sens que la rivière.
En général, chacune des deux rives présente des épaulements et les lignes qui, sur chaque rive, réunissent leurs sommets sont sensiblement à la même altitude de part et d'autre de la rivière. Enfin, et c'est l'élément essentiel, la ligne qui joint les sommets des épaulements ne correspond pas à un niveau géologique unique, mais rencontre successivement toutes les roches dures.
Au contraire, dans les massifs qui n'ont jamais connu de glaciers, les sommets d'épaulements sont situés à des altitudes variables mais non selon une progression relativement régulière. Surtout, les lignes qui joignent leurs sommets suivent, parfois sur de longues distances, une limite de compartiment géologique, en général constituée de roches résistantes à l'érosion.
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