L'intégration d'une maison de retraite représente un coût pour les personnes âgées. Bien qu’il existe des aides sociales lorsque les revenus sont insuffisants, il arrive très fréquemment que la solidarité familiale entre en jeu. Même s’il peut s’agir d’un devoir moral naturel, la loi régit certaines obligations des membres d’une famille envers un parent âgé sous forme notamment d’obligation alimentaire.
Qu'est-ce que l'Obligation Alimentaire ?
L'obligation alimentaire est une aide matérielle à donner à un parent ou un beau-parent qui est dans la difficulté pour assurer ses besoins fondamentaux (logement, nourriture, soins, dépenses courantes...). Elle peut être donnée sous forme d'une somme d'argent ou en nature (obligation d'héberger, de nourrir et d'entretenir...).
L’obligation alimentaire s’applique si l’ascendant ne dispose pas de ressources suffisantes pour subvenir à ses besoins essentiels (se nourrir, se loger, s’habiller, se soigner…). Elle concerne les enfants et petits-enfants mais aussi les gendres et belles-filles. Dans la plupart des cas, l’obligation alimentaire sert à financer le séjour en EHPAD des personnes âgées, en complément de l’aide sociale à l’hébergement (ASH).
Lorsqu’une personne se trouve en situation de précarité financière, la loi prévoit la nomination d’obligés alimentaires, c’est-à-dire de membres de la famille qui auront l’obligation de l’aider financièrement ou en nature, à savoir, en objets ou en services. L’obligation alimentaire des enfants envers leurs ascendants peut ainsi participer à tous les besoins d’une personne âgée, à savoir, manger, s’habiller, se soigner et se loger. Elle peut notamment permettre d’aider au financement d’un hébergement en maison de retraite ou Ehpad.
L’obligation alimentaire concerne les parents, grands-parents et arrières grands-parents envers les enfants et réciproquement, lorsqu’ils sont dans le besoin. Elle concerne en effet tant les ascendants que les descendants. Le ou la conjoint(e) de la personne dans le besoin.
Les "aliments" au sens juridique du terme recouvrent les besoins fondamentaux de la personne : nourriture mais aussi habillement, soins, logement… Me Yvan Éon précise : « L’obligation alimentaire est déterminée en fonction des besoins des parents et des charges de « l’obligé », de celui qui paiera. Généralement, c’est le plus solvable qui prend le plus en charge. Ainsi, le parent qui réclame l’obligation alimentaire doit être dans le besoin et le débiteur doit avoir des ressources suffisantes. Tous les revenus sont pris en compte, y compris ceux des conjoints. En cas de nécessité, des aides sociales (ASH) existent au niveau des départements. Celles-ci sont soumises à des conditions de ressources. Si une personne âgée est dans le besoin et qu’elle ne peut pas bénéficier des aides, son mari ou partenaire de PACS devra intervenir.
Qui est concerné par l'obligation alimentaire ?
Les obligés alimentaires sont donc :
- Les enfants envers leurs parents et autres ascendants (article 205 du Code civil) ;
- Les gendres et belles-filles envers leurs beaux-parents (article 206). L’obligation alimentaire prend fin en cas de divorce ou lorsque l’époux et ses enfants sont décédés ;
- Les époux entre eux (article 214). Dans ce cas, on parlera plutôt d’un devoir de secours ;
- L’adopté envers l’adoptant (article 367).
L’obligation alimentaire ne s’applique pas envers ses frères, sœurs, oncles, tantes, etc…
Les personnes tenues à l’obligation alimentaire sont désignées sous le terme de « débiteurs d’aliments ». Tandis que la personne qui reçoit de l’aide est appelée « créancier d’aliments ».
Bon à savoir : en cas de demande d’aide sociale à l’hébergement (ASH), les petits-enfants ne peuvent plus être sollicités par les services du département. L’obligation alimentaire ne s’applique plus aux petits-enfants dans ce cas, depuis la loi « bien vieillir » du 8 avril 2024.
L'obligation alimentaire est réciproque entre les ascendants et les descendants. Elle s’applique aussi bien aux parents qui ont le devoir d’aider leurs enfants qu’aux enfants qui ont le devoir d’aider leurs parents.
Le gendre ou la belle-fille a cette même obligation alimentaire envers son beau-parent du fait des obligations liées au mariage. C'est-à-dire qu'un époux peut être tenu d'aider le parent de son conjoint en cas de besoin.
Me Yvan Éon précise : « Parfois, les enfants ne peuvent pas payer et le beau-fils peut se retrouver à financer l’EHPAD pour ses beaux-parents. » Cela est plutôt rare, mais au titre du lien d’alliance, cela est bien possible.
L'obligation alimentaire a un caractère d’ordre public, on ne peut donc pas y renoncer. Cependant, il arrive parfois que certains enfants n’aient pas été élevés par leurs parents. Dans ce cas, il est alors possible de ne pas payer l’EHPAD, de ne pas être solidaire. C’est ce qu’on appelle « un acte en contestation de pension alimentaire », comme l’indique Me Éon.
Comment est calculée l'obligation alimentaire ?
Deux critères prévalent en effet à l’instauration et au calcul de l’obligation alimentaire :
- l’état de nécessité du créancier d’aliments (le parent dans le besoin),
- les ressources et revenus disponibles des débiteurs d’aliments (les enfants appelés à contribuer).
Le montant de l’obligation alimentaire est calculée en fonction du besoin de la personne à aider et de la capacité financière de celui ou ceux qui doivent apporter l’aide.
Le montant de l'obligation alimentaire est fixée en fonction des besoins du créancier d'aliments et des ressources du débiteur d'aliments.
Pour le créancier d'aliments, ses besoins varient selon son âge, son état de santé, ses charges de famille, son lieu d'habitation. Les revenus pris en compte sont les suivants :
- Revenus du travail (salaire, retraite, allocations chômage, indemnité versée par la sécurité sociale, bénéfice agricole...)
- Aides sociales (allocation adulte handicapé, allocation logement, revenu de solidarité active...)
- Revenus du capital comme des revenus locatifs, des sommes issues d'un placement financier...
Ses charges sont aussi prises en compte pour le calcul de l'obligation alimentaire. Il s'agit par notamment :
- Dépenses de la vie courante (logement, nourriture, impôts, frais de transport...)
- Crédits...
Pour le débiteur d'aliments, l'ensemble des revenus et des charges du débiteur d'aliments est pris en compte (enfants encore à charge, crédit immobilier de sa résidence principale...). Ses ressources doivent être suffisantes pour lui permettre de subvenir également à ses propres besoins et ceux des personnes vivant à son foyer. Les revenus pris en compte sont les suivants :
- Revenus du travail (salaire, retraite, allocation chômage, indemnité versée par la sécurité sociale, bénéfice agricole...)
- Aides sociales (allocation adulte handicapé, allocation logement, revenu de solidarité active...)
- Revenus du capital (revenu locatif, intérêt issu d'un placement financier...).
Les charges prises en considération sont les suivantes :
- Charges de famille (enfant, conjoint ou concubin à charge, pension alimentaire, prestation compensatoire...)
- Dépenses de la vie courante (logement, nourriture, impôts, frais de transport...)
- Crédits...
A noter : aucun minimum ou maximum n’est exigé dans le cadre de l’obligation alimentaire. Elle doit répondre aux besoins du bénéficiaire et aux capacités des obligés.
Comment Procéder en Cas de Besoin ?
Lorsqu’une personne est dans le besoin et nécessite une aide financière, la solution à l’amiable est d’abord envisagée. Ce qui signifie qu’il revient au demandeur de fixer un accord avec ses proches sur le montant qu’il lui faut pour vivre. Si toutefois ils ne parviennent pas à un accord à l’amiable, il devra présenter une demande d’obligation alimentaire auprès du juge aux affaires familiales à l’aide du formulaire officiel prévu à cet effet. Après avoir étudié la demande lors du jugement, le juge détermine le montant de l’obligation alimentaire en fonction des revenus du demandeur et du ou des obligés.
Seul le juge aux affaires familiales est habilité à fixer le montant de l’obligation alimentaire pour chaque obligé, au cas par cas et en tenant compte de ses ressources. Pour calculer le montant de l’obligation alimentaire, le juge tiendra ainsi compte d’une part des besoins de la personne à aider et d’autre part de la capacité financière de chacun des obligés alimentaires.
Que faire en cas de désaccord ?
Lorsque que les obligés alimentaires ne sont pas d’accord sur les sommes à verser, le juge aux affaires familiales peut être saisi pour déterminer le montant de l’aide que chaque obligé alimentaire devra verser à son proche. Il fixe la contribution individuelle de chaque obligé alimentaire en fonction de sa situation familiale et économique.
L'Aide Sociale à l'Hébergement (ASH) et l'Obligation Alimentaire
Certaines aides comme l’aide sociale à l’hébergement (ASH) peuvent faire l’objet d’une demande automatique d’obligation alimentaire par le conseil départemental. En effet, lorsqu’une personne âgée est hébergée en établissement comme un EHPAD ou chez un accueillant familial et dispose de ressources insuffisantes pour payer son séjour, elle peut faire une demande d’ASH auprès du conseil départemental sollicité pour payer la différence entre la facture de l’hébergement et la contribution du résident. Dans certains cas, le conseil départemental peut décider de mettre à contribution les obligés alimentaires avant de compléter cette différence.
L'obligation alimentaire ne se substitue pas à l'ASH, et vice versa.
Les aides sociales pour l’hébergement des personnes âgées en établissement ne sont accordées que si le demandeur ne peut pas faire face à ses besoins avec ses propres ressources et si celles de ses « obligés alimentaires » ne sont pas suffisantes. Ainsi on fait appel d’abord aux ressources du demandeur puis à celle des obligés alimentaires avant d’attribuer une aide sociale.
Participation des obligés alimentaires dans le cadre d'une demande d'ASH
Les personnes âgées hébergées en établissement ou chez des accueillants familiaux qui ont des ressources inférieures au montant des frais d'hébergement peuvent faire une demande d’ASH (aide sociale à l'hébergement) en établissement ou d'ASH (aide sociale à l'hébergement) en accueil familial auprès du conseil départemental.
Le conseil départemental étudie la demande. Il évalue les ressources du demandeur et, le cas échéant, les ressources de son conjoint et de ses obligés alimentaires. Il fixe alors le montant de l’aide sociale à l’hébergement en fonction de la situation du demandeur, de ses obligés alimentaires et du règlement d’aide sociale en vigueur dans le département.
Le montant de cette aide correspond à la différence entre le montant des frais d’hébergement et la contribution de la personne hébergée et de ses obligés alimentaires.
Si vous n’êtes pas d’accord avec la décision du conseil départemental concernant l’aide sociale à l’hébergement, un recours est possible.
Dispenses et Dérogations à l'Obligation Alimentaire
Me Yvan Éon précise : « Parfois, les enfants ne peuvent pas payer et le beau-fils peut se retrouver à financer l’EHPAD pour ses beaux-parents. » Cela est plutôt rare, mais au titre du lien d’alliance, cela est bien possible.
Une personne dont les ressources ne permettent en aucun cas d’aider son parent pourra être dispensée de l’obligation alimentaire (Code civil, article 208). Néanmoins, en cas de requête en obligation alimentaire auprès de la justice, le juge peut demander de remplacer le paiement d’une pension par un accueil gratuit du proche au domicile du débiteur, si celui-ci prouve qu’il ne peut payer de pension alimentaire.
D’autres cas entraînent une dispense de l’obligation alimentaire. Par exemple, des enfants de parents qui ont manqué à leurs devoirs peuvent aussi être dispensés de payer une pension alimentaire à ces derniers.
Voici quelques cas dans lesquels les enfants peuvent être exemptés de l’obligation alimentaire à l’égard de leurs parents :
- Le parent a été déchu de son autorité parentale ;
- Le parent a commis un crime ou une agression sexuelle à l’encontre de l’autre parent (qu’il soit auteur, co-auteur ou complice) ;
- L’enfant a été pris en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance (si le parent n’a pas remboursé ultérieurement ces frais au département) ;
- L’enfant a été retiré à ses parents au moins 36 mois cumulés pendant les dix-huit premières années de sa vie ;
- L’enfant adopté simple à l’égard de ses parents biologiques, lorsqu’il a reçu le statut de pupilles de l’État ;
- L’enfant adopté de façon plénière à l’égard de ses parents biologiques.
Sont exonérés de l’obligation alimentaire :
- Un enfant dont les parents se sont vu retirer totalement l’autorité parentale en raison de crimes commis à son égard (maltraitance, consommation de drogue, etc.) - articles 378 et 378-1 du Code civil ;
- Un enfant qui était pupille de l’État et a été élevé par le service de l’Aide sociale à l’enfance jusqu’à la fin de la scolarité obligatoire, sauf si les parents ont remboursé les dépenses au département - article L. 228-1, du Code de l’action sociale et des familles ;
- Un enfant retiré de son milieu familial par un juge pendant plus de 36 mois cumulés pendant ses 18 premières années de vie - article L. 132-6 du Code de l’action sociale et des familles ;
- Un enfant dont le parent créancier alimentaire a été condamné comme auteur, co-auteur ou complice d’un crime ou d’une agression sexuelle contre l’autre parent - article L. 132-6 du CASF ;
- L’adopté est dispensé à l’égard de ses père et mère biologiques, lorsqu’il devient pupille de l’État ou est pris en charge dans les délais cités dans l’article L. 132-6 du CASF - article 367 du Code civil ;
- Un débiteur envers lequel le créancier a manqué gravement à ses obligations - article 207 du Code civil ;
- Les petits-enfants dans le cadre d’une demande d’aide sociale à l’hébergement (ASH) pour leur grand-parent - article L. 132-6 du CASF.
Les descendants (petits-enfants) et conjoints des débiteurs exonérés le sont aussi.
En cas d’adoption simple, l’enfant est tenu à l’obligation alimentaire à l’égard de ses parents adoptifs et biologiques.
Avantages fiscaux liés à l'obligation alimentaire
Dans le cadre de l’obligation alimentaire envers un parent en perte d’autonomie, les aides financières versées peuvent être déclarées fiscalement. C’est notamment le cas si vous participez à ses frais d’hébergement en maison de retraite. Pour bénéficier d’une déduction fiscale, il convient de reporter les montants versés dans la case 6GU de votre déclaration de revenus. Ces sommes peuvent inclure des virements, paiements directs ou aides en nature (comme un accueil au domicile). Elles doivent être justifiées et proportionnées à vos ressources. Attention : la personne aidée doit également les mentionner dans sa propre déclaration, sauf si elle perçoit l’ASPA ou dispose de revenus très modestes.
Le contribuable qui verse une pension à un ascendant dans le cadre de son obligation alimentaire peut la déduire de son revenu imposable, à condition qu’elle corresponde à sa fortune ainsi qu’aux besoins de l’ascendant.
Les pensions versées dans le cadre de l’obligation alimentaire sont déductibles des revenus imposables. Le calcul de la déduction de l’obligation alimentaire ne peut cependant comprendre que l’aide proportionnelle aux besoins de la personne aidée et aux moyens du débiteur. La jurisprudence se réfère généralement au montant du SMIC pour évaluer les besoins de la personne et considérer la pension déterminée par le calcul de l’obligation alimentaire comme justifiée.
Les parents doivent aussi déclarer le montant de la pension alimentaire qu’ils perçoivent (ou de son équivalent en nature). La partie de l’aide qui n’est pas incluse dans le calcul de la déduction de l’obligation alimentaire n’est pas imposée entre les mains du parent qui reçoit l’aide.
Comment Déclarer l'Obligation Alimentaire ?
Dans le cadre de l’obligation alimentaire envers un parent en perte d’autonomie, les aides financières versées peuvent être déclarées fiscalement. C’est notamment le cas si vous participez à ses frais d’hébergement en maison de retraite. Pour bénéficier d’une déduction fiscale, il convient de reporter les montants versés dans la case 6GU de votre déclaration de revenus. Ces sommes peuvent inclure des virements, paiements directs ou aides en nature (comme un accueil au domicile). Elles doivent être justifiées et proportionnées à vos ressources. Attention : la personne aidée doit également les mentionner dans sa propre déclaration, sauf si elle perçoit l’ASPA ou dispose de revenus très modestes.
Accueil d'un parent chez soi
Les enfants choisissant d’accueillir leur parent sous leur toit pourront bénéficier d’avantages fiscaux. Le calcul de la déduction de l’obligation alimentaire dépend de la situation de l’ascendant :
- Si l’ascendant est dans le besoin, l’enfant peut réduire de ses revenus une somme forfaitaire de 3 968 euros ;
- Si les ressources de l’ascendant de plus de 75 ans sont inférieures ou égales à l’allocation de solidarité aux personnes âgées, il est réputé dans le besoin et l’enfant peut réduire de ses revenus une somme forfaitaire de 3 968 euros ;
- Si cette somme est insuffisante , il est possible de déduire les dépenses, sous réserve de pouvoir justifier le calcul de la déduction de l’obligation alimentaire (relevés bancaires, factures…).
Conclusion
En comprenant les tenants et aboutissants de l'aide alimentaire en EHPAD, les familles peuvent mieux anticiper et gérer les aspects financiers liés à la prise en charge de leurs aînés. Il est essentiel de se renseigner sur les différentes aides disponibles et de connaître les droits et obligations de chacun pour assurer le bien-être des personnes âgées dans le respect des capacités de chacun.
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